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    — Vous n'avez rien à m'interdire ! Votre femme n’est pas une saine personne comme vous semblez le croire ! Elle sait si bien y faire pour vous convaincre d’une culpabilité dont le poids n’est aucunement sur mes épaules, mais bien sur les siennes pour avoir élevé sa fille à l’image de son caractère ! Et vous, père, vous êtes par trop crédule lorsqu’il s’agît de croire votre femme et ses accusations malsaines ! Je suis en âge de vous tenir tête, que je sache ! Il est fini le temps où j’étais sous votre autorité à contre cœur, étant donné le peu d’attention que vous m’accordiez depuis le sois disant accident de mère, et dont je peux, à mon tour, douter aujourd'hui… Il va venir le jour ou je découvrirais la vérité ! J’ai assez souffert par la faut de cette femme ! Par votre absence, votre aveuglement et votre négligence envers moi ! Vous m’avez traité comme une exclu, une pauvresse abandonné à son triste sort ! Je vous en tiens rigueur et ne vous dois, en fin de compte, pas plus de respect que vous n'en avez eu pour moi !

    Si au lieu de me tenir au secret, j’avais été présentée à votre nouvelle femme qui aurait pu me traiter comme une enfant de six ans ?! Si elle avait vraiment chercher à m’aimer au lieu de m’évincer de vos vies comme elle l’a si bien fait en me dévalorisant à vos yeux comme aux yeux de notre proche famille qui avait toujours apprécié et aimé maman ?! J’aurais peut-être pu accepter cet amour dont j’avais tant besoin, enfant ; mais elle a préféré jouer la comédie auprès de vous afin de vous montrer combien elle désirait mon affection, alors qu’il n’en était rien dans ce qu’elle voulait vous faire croire. Une enfant sent ces choses-là ! Vous m’avez délaissé au profit de votre nouvelle femme sans vous soucier de la petite fille qui avait besoin de Sa mère disparut, et de son père ! Vous avez donné à Adélaïde le minimum d’argent pour mon entretient sans vous inquiétez si elle avait assez, si bien que lorsqu’il en manquait, elle prenait sur son maigre héritage lui venant de son frère. Lorsque je fus plus grande, la pension que vous donniez à Adélaïde pour mes besoins, n’a pas augmenté pour autant ! Adélaïde m’a pris sous son aile en attendant aucune aide de votre part ! Ensuite, lorsque j’ai eu seize ans, vous m’avez envoyé chez mon oncle à ses frais pendant six ans. Vous ne vous sentez pas un peu gêné d’avoir profité du frère de mère et d’Adélaïde ?! Ils se sont occupés de moi avec bienveillance tandis que votre vie était ailleurs ?!

    Vous vous êtes attaché à votre belle-fille et vous vous êtes laissé manipuler par cette femme qui à fait loi sur votre volonté et votre jugement. Toutes ces années sans vous voir ou presque, m’ont fait beaucoup souffrir. J’ai manqué de tout ce qu’une enfant est en droit d’attendre de son père ! Il ne me restait que vous, père ! Vous avez failli à votre devoir envers moi ! Je me suis construite pratiquement seule grâce à Adélaïde et Mr le curé. Vous avez oublié que vous aviez une fille de votre propre sang à aimer ! Votre rôle était de me prendre avec vous et non pas de me laisser végéter seule, avec le chagrin d’une enfant qui avait perdu sa mère ! De quel droit m’avez-vous caché sciemment l’accident, préférant me laisser dans l’ignorance ?! C’est Ludivine qui m’a appris la vérité avec l’intention de me faire mal juste avant que je ne parte pour l’Angleterre ! Vous trouvez qu’elle a agît par compassion ou une quelconque tendresse envers moi ?!Pourquoi avez vous toujours été très dur avec moi... ou absent ? J’avais besoin de vous, père ! Pourquoi avez vous laissez faire votre femme qui avait pour dessein de vous éloigner de moi ? Je ne l’aime pas, pas plus que je n’ai aimé sa fille ! Elles me l’ont bien rendu toutes deux et sans se forcer! A mon retour d’Angleterre, rien n’avait changé entre elles et moi ! Ne pensez-vous pas que vous y allez un peu fort dans vos soupçons ?! Pour la deuxième fois ! Je vous pose la question ! Pensez-vous vraiment que je sois capable de tuer par jalousie, ainsi que vous semblez le croire ?!

    Isabelle hurlait carrément ces mots à l'intention du comte stupéfait de tant de colère rentrée en elle depuis toutes ces années, et qui se libérait, tel un ouragan, sur ses manquements vis à vis d'elle. C'était vraiment des cris d'indignation à la limite de l’ hystérie. Isabelle ne se contenait plus.

    Les paupières du comte battirent sur ses yeux qui semblaient ne pas pouvoir soutenir le regard franc de sa fille.

    Je ne dis pas cela... je... je cherche à connaître les circonstances... Il y a des choses troublantes là-dedans...

    De quelles choses troublantes voulez-vous parler, si non celles qui sont dans la tête de votre femme qui ne supporte pas la perte de sa fille et de son petit-fils, et qui veut orienter la culpabilité de cette perte douloureuse pour elle, sur moi ?! Mais parlez donc, père ?! Dites quelque chose ! Lança violemment Isabelle.

    Et bien, ton... tes sentiments pour William…

    Isabelle se leva si brusquement de la chaise qu’elle occupait, que celle-ci se renversa. Son visage s’empourpra, la faisant de nouveau réagir avec la même violence :

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    Ah ! C’est cela que vous pensez ? Vous accusez votre fille d’être une lâche meurtrière et une voleuse de mari  ! Ces soupçons ne viennent pas de vous, mais de votre mégère de femme ! Vraiment, père, au contact de cette harpie, vous êtes tombé bien bas !

    Je te défend !

    Vous n’êtes mon père que par filiation. C’est un fait. Mais je ne peux pas dire que ce soit un honneur, vu le comportement que vous avez eu toutes ces années envers votre fille ? Je vous pose la question concernant vos manquements, père ! Vous sentez-vous à votre aise devant ma personne en ce moment ?!

    Je ne te permet pas !

    Il n’est plus question de me permettre ou pas ! Vous n’avez rien à m’interdire ! Je suis majeure à présent ! Je ne suis plus sous votre tutelle, et encore moins obligée de faire des courbettes à votre femme, ce que je n’ai, d’ailleurs, jamais fait !

    Isabelle était hors d’elle. Adélaïde intervint pour la calmer, de peur que la jeune fille ne fasse un nouveau malaise.

    Ma petite chérie... Ma petite Isabelle, vous allez vous faire mal ! Dit la voix effrayée de sa marraine.

    Oui, Isabelle, c’en est assez ! Intervint Renaud d’un ton de ferme autorité. Quittant son siège, il posa sa main sur l’épaule toute tremblante de sa cousine.

    Retirez-vous dans votre chambre, calmez-vous, chère cousine. Vous aurez toujours près de vous des amis pour vous défendre contre d’aussi odieuses calomnies !

    Il n’en est pas question ! Je veux qu’il sache ce que j’ai sur le cœur depuis trop longtemps ! Que penseriez-vous, père, si moi, je vous disais que je vous soupçonne d’avoir trompé mère lors de son vivant, d’avoir eu de la complaisance envers Edith d’Argenson qui, sans que vous vous en doutiez, aurait perpétré l’assassina de votre femme que vous disiez tant aimer, afin de prendre pour elle son titre, et sa place dans votre cœur !

    Mais que vas -tu chercher là ? Comment oses-tu ?

    J’ose ! Un point c’est tout ! Oh ! Et puis, ne cherchez pas à me cacher les chosesJe sais très bien de quoi je parle  et je suis très bien renseignée !

    Isabelle ne s'arrêtait plus de mettre son père en défaut concernant ses manquements Une telle rébellion contre son père ? La connaissant comme Adélaïde la connaissait, elle qui l’avait élevé seule depuis l’âge de ses six ans, Elle ne l’aurait jamais cru capable d’être aussi combative. 

     Vas-tu te taire ! S’exclama le comte.

    Me taire ?! A non ! Ce temps est révolu ! Que pensez-vous de ces accusations, père ?! Votre femme sait que j’ai percé à jour sa perfidie, et cest pour cette raison qu’elle veut se débarrasser de moi ! Elle veut gâcher ma vie jusqu’au bout et l’occasion est trop belle pour ne pas qu’elle la saisisse ! Mais je ne me laisserai pas faire ! Vous pouvez le lui dire ! C’est une manipulatrice ! Je n’ai jamais été dupe de son hypocrisie, sa malveillance, sa cupidité, son égoïsme et son orgueil ! Le plus grave, c’est que le pauvre petit Thierry à laissé sa vie dans un étang par la faute de sa grand-mère, et de sa mère qui ne savait que céder à tous ses caprices.

    Dans d’autres mains, cet enfant était encore malléable, mais avec Ludivine qui était tout aussi perfide que sa mère, entre les deux, il était perdu ! Thierry baignait dans une atmosphère constante de délation, de mensonge et de méchanceté gratuite sous des dehors doucereux que savaient entretenir ces deux diablesses ! Il ne pouvait en être autrement pour ce petit être innocent qui était la copie conforme de ces deux femmes !

    Assez ! Je ne veux plus un mot de ta part ! Tu dois le respect à ces deux êtres trop tôt disparus, et je t’ordonne de baisser le ton ! Quant aux soupçons qui pèse sur toi, je te prie de ne pas les retourner contre ma femme ! C’est toi qui est en cause pour le moment !

    Ne vous avisez pas de me rendre responsable de cet accident qui est très regrettable, mais, néanmoins, un accident ! Empressez vous d’informer votre femme de ce que je pense d’elle ! Vous êtes sous la coupe cette intrigante ! Vous êtes un faible devant elle ! Je ne vous envie pas ! Je me demande même si je puis encore vous appeler père !

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    Le comte vexé d’avoir été mis à nu pas sa propre fille, bouillait d’une colère intérieure, mais ne voulant pas perdre sa superbe devant autrui, de nouveau, il voulu faire taire Isabelle :

    Il suffit ! Je te déshérite !

    Mais que voulez-vous que je veuille de vous ! Je n’attends rien et n’ai jamais rien attendu de votre part ! Vous n’avez même pas su garder Monteuroux que grand-mère vous à légué, puisque vous allez le vendre faute d’argent pour l’entretenir ! Il ne vous restait que ce château comme preuve de votre appartenance à la noblesse dont vous étiez si fier et même cela, vous l’avez perdu ! Quant à votre dignité, je me demande ce que votre femme en a fait ? Les biens de madame la comtesse ne m’ont jamais intéressé et vous le savez ! Enfant, je voulais votre amour, mais vous n’avez pas su me le donner. Vous me l’avez refusé au profit de deux étrangères qui ne sont pas de votre ligné. Je suis la seule à porter le patronyme de comtesse Isabelle de Rubens... et vous venez de me perdre !

    Ton insolence ne te mènera nul part ! On ne parle pas à son père de cette manière ! Je suis encore ton père, que je sache !

    Lequel de nous deux s’est éloigné de l’autre le premier, père, si je puis encore vous appeler ainsi ? Ce qui me sera très difficile, à présent !

    A bout de fatigue nerveuse alors que cette discussion s’éternisait, Isabelle apostropha de nouveau son père :

    Et puis, s’en est assez ! Sortez de mes appartements ! Je ne veux plus vous voir et je ne rendrai plus aucun compte concernant l’accident de votre petit fils et de votre belle-fille ! Dites bien à votre femme qu’elle fasse attention à ce que ses accusations ne se retournent pas contre elle ! Je sais des faits qui pourraient lui nuire gravement si elle n’arrête pas ses calomnies ! Ce sont les dernières méchancetés qu’elle me fait ! Dites-lui bien que j’ai de quoi me défendre contre ses attaques malfaisantes !

    Sur celle envolée accusatrice, Isabelle, aidée et soutenue par Adélaïde, quitta la pièce qui servait de boudoir, pour aller se calmer dans sa chambre.

    Le comte en venant de prendre les reproches de sa fille en pleine figure et avec autant de virulence, ne chercha pas à relever les propos de celle-ci, sachant très bien qu’il était fautif. Il était subitement moins grand, plus fatigué, moins sûr de lui, ne sachant plus quelle contenance prendre. Il se leva et dit avec colère en s’adressant à Renaud :

    Pourquoi n’avez-vous pas eu la décence de vous retirer de façon à ce que cette histoire reste entre ma fille et moi ? En aucune manière cela ne vous regardait !

    Renaud finit de mettre à terre le comte :

    Bien au contraire. Je suis arrivé au bon moment. Je connais votre fille mieux que vous. Vous obéissez en cet instant à des suggestions que je ne veux pas qualifier de peur d’aller trop loin dans ce que j’aurais à vous dire. Laissons là cette pénible discussion. Vous seriez surpris de toutes les choses que je connais sur la comtesse votre femme, sa fille et vous même.

    Que croyez-vous savoir ? Isabelle a toujours été un être intraitable, systématiquement hostile à sa belle-mère, comme à ma belle-fille...

    Dites vous bien qu’elle avait ses raisons, toute jeune fille qu’elle était. Après six années, elle revient à Monteuroux et recommencent les mêmes suspicions, le mauvais esprit de ces deux femmes qui se sont acharnées sur elle jusqu’à l’accident. Vous ne croyez pas que cela fait un peu beaucoup ? Vous êtes aveugle mon oncle. Isabelle n’en peut plus de vos accusassions non fondées. A sa place, j’aurais exactement agis comme elle. A un moment donné, dans une vie, il faut que les mensonges, les non-dit, les manquements à la morale, soient exposés au grand jour. Vous avez sacrifié votre rôle de père envers votre fille, et de mari envers ma tante Daphné, au profit d’une femme venimeuse. Il ne faut pas vous étonner de ce qu’il vous arrive...

    Alors, vous êtes contre moi ?

    Il ne peut en être autrement, après ce que je viens d’entendre.

    Bien... puisqu’il en est ainsi... mais il faudra que l’on voit clair dans cette affaire, grommela Mr de Rubens.

    Cherchez plutôt des éclaircissements du côté de Mme votre femme ! Vous pourriez être surpris de découvrir la fausseté de cette dernière

    Anéanti par tant de vérités assenées tel un coup de massue par Isabelle et son neveu, le comte tourna les talons sans avoir obtenu les réponses qu’il voulait entendre. D’après sa femme, l'aveu de la faute commise par Isabelle était une évidence. Il était lui-même convaincu que sa fille était fautive. Il se devait de revenir à tout prix avec un aveux de culpabilité ; mais les choses avaient prit une autre tournure à laquelle il ne s'attendait pas. Le comte ne savait comment annoncer à celle qui partageait sa vie depuis quinze ans, ce qu'elle n'était pas prête à entendre ni à accepter. Frustré, il quitta la pièce le dos courbé. Il avait, l’espace de cette mise en défaut par sa fille, vieillit de quinze ans. Ce qui était encore plus dramatique, c'est qu'il n’avait même pas conscience que cet esprit malsain dans lequel il baignait depuis son remariage, n’était autre que sa femme.

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    Le jeune homme alluma une cigarette et s’accouda à la fenêtre en méditant sur ce à quoi il venait d’assister, jusqu’au moment où Adélaïde reparut.

    Comment va-t-elle ? Demanda t-il.

    Je lui ai donné un calmant, pauvre petite ! J’espère qu’elle sera mieux tout à l’heure. Mais c’est abominable, Mr de Montaigu !

    Abominable, en effet... de la part d’un père surtout. Quelle affreuse intrigue a donc pu combiner cette Mme de Rubens ?

    Hélas ! Je la crois capable de bien de mauvaises choses !

    Renaud se pencha pour secouer la cendre de sa cigarette. Il semblait songeur. Au bout d’un instant, il demanda:

    Croyez-vous qu’il y ai quelque chose de vrai dans ce que prétend mon oncle au sujet d’une inclination d’Isabelle pour son cousin William ?

    Adélaïde hocha la tête.

    Je n’en sais rien. Pour ma part, je ne m’en suis pas aperçue.

    Ils avaient d’excellents rapports d’amitié, depuis le retour d’Isabelle, alors qu’autrefois il existait entre eux une sorte d’hostilité provoqué par les sournoises calomnies de Mme de Rubens à l’égard de sa belle-fille...

    Oui, des calomnies, toujours... Détruire une réputation par tous les moyens. Ce doit être encore aujourd’hui son but...

    Je vais aller voir dès maintenant le comte de Rubens-Gortzinski, mademoiselle. Il faut que nous parlions ensemble de cela.

    Muni des indication d’Adélaïde sur la route à suivre, Renaud quitta la vieille tour.

    Il avait laissé sa voiture dans la cour, en attendant que fussent partis les hôtes demeurés encore aujourd’hui au château pour assisté à la cérémonie funèbre. Il ne lui fallut que cinq minutes pour atteindre Aigue-blanche tant il était absorbé par ses pensées. Comme la servante l’introduisait dans le vestibule, une fraîche apparition se montra au seuil de la porte menant au salon. Catherine vêtue pour le deuil, les yeux éclairés d’une gaîté malgré les circonstances, dit :

    Ah ! c’est vous monsieur Renaud de Montaigu !

    Et vous, sans doute, mademoiselle Catherine de Beau-levant ? Isabelle m’a montré une photographie de vous.

    Et elle a fait de même pour vous. Mais elle ne vous a pas accompagné ? J’espérais la voir aujourd’hui.

    Elle ne s’est pas sentie encore assez bien... Aurais-je le plaisir de rencontrer le comte Rubens-Gortzinski, mademoiselle ?

    Mon frère est à une de ses fermes pour examiner un bœuf malade. J’espère qu’il ne tardera pas trop ? Si son absence devait se prolonger, je vous conduirai près de lui, car il serait certainement contrarié de ne pas vous voir. Voulez-vous bien me suivre s’il vous plaît ? Ma mère et mon frère André sont au salon.

    Dans cette pièce un peu fané, mais toujours très bien tenu et orné de fleurs par Catherine, Renaud parut aussitôt être à son aise, comme dans un cadre familier.

    Il entendit de vives éloges sur Isabelle, auquel il s’associa chaleureusement.

    Son regard s’attardait avec sympathie sur le fin visage d’André, spiritualisé par une profonde vie intérieure, et sur celui de Catherine, si vivant, d’une si naturelle fraîcheur.

    Au bout d’une demi-heure, William ne paraissant pas, la jeune fille emmena leur hôte vers la ferme, en disant qu’il verrait ainsi une partie de leur domaine.

    Ils partir tous deux, le mince Anglais à la chevelure blonde, et la jolie Catherine, qui, dès ce premier contact, paraissaient fort bien s’entendre.

    A mi-route, ils rencontrèrent William qui revenait. Après de cordiales poignées de mains, ils reprirent tous trois la route du manoir. Désireux chacun de leurs côtés d’avoir un entretien seul à seul, William et Renaud souhaitaient que Catherine les laissât un moment. Comme ils arrivaient dans la cour d’Aigue-blanche, William dit à sa sœur :

    Veux tu bien nous préparer le thé ma petite Catherine, nous allons fumer une cigarette, et nous vous rejoindrons.

    A tout à l’heure donc, messieurs dit-elle en esquissant par plaisanterie une révérence.

    Le comte et son hôte, passant sous la voûte, gagnèrent le parterre situé devant l’autre façade.

    Ils avaient allumé une cigarette, mais elle demeurait entre leurs doigts et s’éteignit bientôt, comme le remarqua André de la fenêtre du salon.

    Ils causèrent un long moment et quand tous deux rentrèrent, leur physionomie soucieuse, un pli au front de William et une lueur inaccoutumée dans son regard ne purent passer inaperçus pour André et Catherine. Chacun, de leur côté, songeait : Que peut-il bien y avoir encore ?

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    Chapitre XV 

    Nous ne parlerons pas pour aujourd’hui de ces choses qui vous tourmentent Isabelle, mais de votre cousine germaine et de sa famille, avait déclaré Renaud à son retour. Pour essayer de la distraire, il lui avait dit combien lui plaisait Aigue-blanche et ses habitants.

    André est un être charmant, sa sœur est la plus aimable jeune fille que je connaisse. Quant à William, je le crois un homme de grande valeur et de cœur et d’esprit, très sensible sous des dehors assez froids.

    Il vit s’éclairer le regard fatigué d’Isabelle.

    Oui, c’est une âme capable de souffrir beaucoup sans rien montrer. Il a une très haute conception du devoir et l’on peut se fier à lui sans réserve.

    Renaud songea. Elle doit l’aimer. Je ne m’en étonne pas, car il paraît fait pour attirer une nature telle que la sienne. Quant à lui... Sans songer le moins de monde à nier son amour pour sa jeune cousine, William avait reconnu devant lui, au cours de leur conversation, qu’il aimait Isabelle, et qu’il était libre, désormais, après un   +otemps respectable de deuil, de lui proposer de devenir sa femme.

    Croyez-moi, cher cousin ! Jamais je n’ai dérogé à mon devoir. J’ai tout essayé pour ne pas succomber à l’amour que je ressentais pour ma cousine ! Avait-t-il ajouté. Lorsque je me suis rendu compte que cet amour défendu prenait une très grande importance dans mon cœur, j’ai fais mon possible pour m’écarter d’elle autant que je le pouvais sous divers prétextes. Mais Ludivine a deviné, elle... C’est ainsi que sa mère en a été informé et de la façon la plus tendancieuse et la plus perfide qu’il soit. Nous sommes tombés d’accord, Isabelle et moi, pour reconnaître que la situation pourrait être dangereuse pour elle. Edith d’Argenson est diaboliquement suspicieuse, astucieuse et vicieuse. Elle semble avoir contre sa belle-fille une haine tout particulièrement féroce. Il faut donc suivre de près son action calomniatrice et saisir l’occasion pour la dénoncer à la justice.

    William pensait pouvoir parler franchement à l’abbé Forges, afin de connaître tout ce qui se dirait, hors confession, dans le pays au sujet de sa belle-mère.

    De retour à la vieille tour, Renaud proposa d'aller se promener dans le parc. Tout en marchant, le jeune homme expliqua à sa cousine ce qu’il en était, pensait-il, de la haine que lui portait sa belle-mère, au point de vouloir sa perte par tous les moyens possibles et inimaginables pouvant être à sa portée. Isabelle en était consciente et l’avait elle-même crié à son père lors de leur confrontation. La Jeune comtesse s’appuya sur le bras de Renaud et il sentit sa main frémir tandis qu’elle murmurait :

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    Mais qu’ai-je donc fais à cette femme pour qu’elle me déteste autant, et cela depuis toujours ?

    Le fait d’être née fut une raison suffisante pour vous haïr, ma cousine. Elle devait faire en sorte que sa fille Ludivine prenne toute votre place dans l’existence et le cœur de votre père pour ainsi, vous évincer. Le projet de votre belle-mère était de faire place net autour de votre père, pour mieux le manipuler. Avec le décès de sa fille et son petit fils, son plan, quel qu’il soit, s’en trouve réduit à néant.

    Tout en parlant, les jeunes gens étaient arrivés près de l’étang et s’étaient arrêtés un moment face au jardin des nénuphars. Tout y était sombre. Le ciel lui-même était assombrit pas la menace d’une pluie d’automne qui s’annonçait. Isabelle étendit la main vers l’eau grise et lugubre en murmurant :

    C’est ici que mère s’est noyée.

    Renaud, pensif, considéra longuement les plantes aquatiques. Puis il fit observer à sa cousine :

    Je me demande comment ma tante a pu avoir l’idée de cueillir une de ces fleurs la nuit tombée. Qui oserait s’y risquer. Elle sont, pour cela, trop éloignée de la rive.

    Oui, n’est-ce pas ? Je m’en suis aperçu lors d’une de mes promenades de ce côté-ci du parc. Pauvre maman ! Ce ne fut pas un accident ; mais un meurtre. Sans pouvoir vous en expliquer davantage faute de preuves, je ne peux m’empêcher de penser que ma belle-mère est pour quelque chose dans la fin tragique de mère. Pour moi, comme je l’ai laissé entendre à mon père, c’est bien un assassina.

    Oui. Je le pense aussi. Dit après réflexion, Renaud. Un geste provoqué par une personne malveillante serait, d’après la disposition des fleurs, plus logique.

    Avec votre aide, cher cousin, nous finirons bien par savoir ce qui s’est réellement passé. Nous n’avons pas encore de preuves pour la confondre, mais avec l’aide de Dieu...

    Isabelle regardait maintenant l’endroit où la barque s’était arrêté au retour de la promenade sur l’étang, et où avait péri le petit Thierry. Elle frissonna au souvenir de ce tragique instant. Elle se revit assise en face de Ludivine et elle crut entendre son rire léger, sa voix musicale prononçant avec une grâce ingénue de perfides insinuations...  et sitôt après, cette noyade.

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    — Ne pensez plus à cela, Isabelle.

    Renaud posait la main sur son épaule.

    — Venez. Ce lieu vous rappelle trop de choses pénibles. Il est d’ailleurs par lui même, fort mélancolique et l’attrait qu’il inspirait à ma pauvre tante ne devait pas agir d’une manière favorable sur son moral déjà éprouvé par ses doutes et ses désillusions conjugales.

    Comme tous deux s’engageaient dans l’allée du parc, en revenant sur leurs pas, ils virent venir à eux William et Catherine. Le cœur serré d’Isabelle se mit à battre plus vite. William, en avançant, la regardait avec une joie contenue. Quand elle lui tendit la main, il y appuya ses lèvres, puis la conserva dans les siennes, tandis qu’il s’informait de sa santé. Tous deux à cet instant, sans une parole, se firent l’aveu de leur amour. Les quatre jeunes gens reprirent le chemin conduisant à la vieille tour. Catherine donnait le bras à son amie.

    Derrière eux venait Renaud et William. Sans se soucier de ce pouvaient bien penser Juliette, Renaud tînt à s'informer de l'infortune de sa cousine depuis son retour à Monteuroux et de la vie de William avec sa femme Ludivine. William ne se fit pas prier pour raconter ce que sa femme leurs faisait endurer.

    — Isabelle la remettait à sa place à chaque fois, j’en faisais autant ; mais rien ne semblait la déstabiliser. Elle reprenait son air doucereux pour m’amadouer. C’était insupportable ! Mme de Rubens a été informé par sa fille de la façon la plus tendancieuse de l’attirance soit disant supposée que nous ressentions l’un pour l’autre. Nous faisions l’impossible pour ne rien laisser paraître ; mais notre amitié pour elle était douteuse. Ses sous entendus devenaient insupportables. Quant à moi... mon unions avec Ludivine n'était qu'un simulacre de mariage... Elle préférait vivre avec sa mère et son beau-père à Paris, rompant ainsi ses vœux de mariage. Elle ne daignait vivre à Aigue-blanche que quelques semaines par an. Nous n'avions pas de vie commune... Au début de nos fiançailles, elle disait m'aimer. Sous la pression de ma mère, de la sienne et de son beau-père, je cédais. Je ne connaissais rien aux femmesJme suis marié sans avoir de sentiments pour elle. Je pensais que je pouvais faire un bon mari, sans plus. De son côté, la naissance de notre fils fut une erreur. De se voir déformer par la grossesse la gênait et la rendait moroseElle décida qu’elle n’aurait plus d'enfant après Thierry… Ce ne fut pas un mariage heureux… non, vraiment pas

    Quand les quatre jeunes gens passèrent devant le logis du jardinier, le vieil Adrien qui fumait devant sa porte, grommela une vague formule de salutation.

    — Ça va Adrien ? Demanda William.

    — Doucement Mr le comte.

    — Un vieil original, dit William quand ils l’eurent dépassé. Bon serviteur, mais  peu enclin aux bavardages. Ils firent quelques pas en silence. Par contre, Catherine parlait avec animation. Sans doute pour distraire Isabelle... Renaud dit en baissant la voix :

    — N’a t-on jamais attribué la mort de ma tante à autre chose qu’à un accident ? N’a t-on jamais pensé qu’elle aurait pu se noyer involontairement ?... ou bien de par la volonté vicieuse de quelqu'un ?...

     

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    Chapitre XVII

    Lorsque Isabelle entraîna William dans sa chambre, et qu’elle sortit le vieux sac que sa grand-mère lui avait confié, de sa cachette secrète qui se trouvait derrière la plaque de la cheminée, qu'elle fit glisser le contenu sur une table, les joyaux de la princesse hindoue  devant le jeune homme,  il demeura un moment médusé :

    Qu’est-ce cela ? Dit-il enfin.

    Après qu’elle lui ai tout expliqué, il prit entre ses doigts le fameux collier pour l’examiner de plus près.

    Il doit avoir une très grosse valeur. Vous n’aurez pas l’occasion de vous en servir ici, Isabelle.

    Aussi n’en ai-je aucune envie. Je voulais juste vous tranquilliser au sujet de Monteuroux. Je vais remettre de nouveau tout ce trésor là où il était, mais vous voyez qu’à l’occasion nous aurons de quoi payer l’entretien de nos deux domaines... et même d’autres dépenses si cela est nécessaire. Elle disait nous en le regardant avec une chaude tendresse. William attira contre son épaule sa jolies tête blondes. La jeune comtesse frissonna. William lui recouvrit les épaules du châle qu’elle venait de laisser tomber par inadvertance. Emut devant son si beau visage, il lui murmura :

    Vous dites nous, Isabelle, nous deux ? Dans la bonne comme dans la mauvaise fortune ? Nous allons continuer la lignée des de Rubens dans ce Monteuroux délivré de celles qui le déshonoraient ?

    Oui, William.

    Une ombre passa dans le beau regard de Isabelle.

    Je suis très malheureuse pour mon père qui risque la mort avec elle… Mon père que le meurtre de cette femme n’a pu séparer d’elle ! Cette femme est un démon ! Oh ! William ! J’aurais tellement voulu l’en délivrer, lui aussi ?! Hier, en rentrant d’Aigue-blanche, vous en souvenez vous ? Nous avons croisé leur berline qui les emmenait pour toujours loin de nous. Ma belle-mère a tourné vers moi un regard de haine juste quand père est arrivé à notre hauteur. Il était très pâle. Il me faisait de la peine. Mais elle, elle avait un regard qui en disait long sur la frustration qu’elle ressentait à ne pas avoir réussi ce qu'elle avait décidé à mon sujet. Ce regard qu’elle m’a jeté était de la haine pure. Je l’ai vu dans ses yeux. Elle avait vraiment l’intention de me faire accuser d'avoir provoqué l'accident de la barque, et elle n’aurait pas hésité à me mener jusqu’au procès puis à l’échafaud ! Ah ! Si elle avait pu arriver à ses fins !

    La jeune comtesse frissonna. Pendant un instant, William s’assombrit. Pensait-il à la brune Ludivine aux yeux célestes, à l’enfant éduqué par elle et sa mère au mensonges et aux caprices ? Cette Ludivine qui avait sournoisement essayé de l’asservir à ses volontés, comme l’avait fait sa mère pour Rudolph de Rubens ? Un coup fut frappé à la porte. Antoinette entra. Elle dit, avec une gravité nuancée d’émotion :

    Je viens prendre congé de Melle. Demain matin, je partirai.

    Isabelle lui tendit les deux mains.

    Priez pour moi, Antoinette...Vous avez été un ange pour ma tante, ma bonne Antoinette. Priez pour nous deux.

    Le regard si doux, si pur dans ce maigre visage mat, alla d’Isabelle à William.

    Oui, Mademoiselle, je ne vous oublierai pas dans mes prières. Ma pauvre demoiselle aurait été contente de ce mariage. Je suis sûr que, de là où elle est, elle doit ressentir de la joie à vous voir unis. Elle m’a dit, le lendemain du soir où elle vous a vu au pavillon de l’étang :

    Ma nièce Isabelle est une vraie de Rubens. J’ai compris que vous lui aviez plu.

    La femme de chambre se retira. Elle allait, joyeuse et calme, accomplir son œuvre d’expiatrice déjà commencé près de la femme fantasque, aigrie, avec un esprit aveuglé par le désespoir d’être née infirme qui l’avait fait vivre en recluse. Une femme au cœur passionné dans un corps difforme. Douloureuse destinée que n’avait pas consenti à spiritualiser sa tante.

     

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  •  Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Ce matin Isabelle s’empressa d’aller dans la chambre de Victoria. Elle se devait d’accomplir les dernières volontés de sa tante. En ouvrant le petit coffret d’ébène pour remplir la promesse faite, sur sa volonté exprimée de détruire ce qui s’y trouvait, elle y avait découvert des fleurs séchées, ainsi que la photographie d’un homme jeune et d’une mâle séduction. C’était une lettre qui était en partie brûlée, mais non complètement détruite. Isabelle ne songea même pas à lire ce qu’il restait de la lettre, mais elle en devinait le contenu, se souvenant de ce que son père lui avait dit en lui parlant de sa sœur et de cet homme qu’elle avait dût aimer plus qu’elle-même, mais que lui, malgré les sentiments qu’il avait pour elle, n’avait pu se résoudre à la prendre pour épouse à cause de sa difformité. Victoria avait trouvé la lettre adressée à son frère et elle l'avait subtilisé. Par la suite, elle lui avait avoué qu’elle l’avait lu, puis détruite. Son déchirement fut tel que la pauvre victoria, se sentant rejetée à cause de son corps déformé, se prit à haïr le monde et principalement cette société encore très puritaine et très collé-montée, assise sur des traditions qui se voulaient à cheval sur les questions de descendances. Dans la noblesse de l'époque, la beauté d’une jeune fille à marier était importante et cela était encore mieux si la jeune fille était dotée... Victoria, alors très jeune, ne pu accepter le dédain de cet homme qui avait choisit d’être conforme aux mœurs de l’époque, quitte à négliger l’amour quil lui portait. Elle s’enferma dans son chagrin et ne voulu plus rien  avoir à faire avec le monde extérieur. Tout en réfléchissant sur la sombre destinée de sa tante, Isabelle pensait :

    — Elle à souffert de cet amour contrarié, et c’est dans les plaintes de son violon qu’elle confiait le déchirement qu’elle ressentait. 

    — "Quel dommage que son pauvre corps est été si terriblement déformé ! Sans cela, mon cher, je demanderais aussitôt sa main à Mme de Rubens ". Avait écrit le jeune marquis.

    Après avoir lu et relu ces quelques lignes blessantes à son encontre, Victoria avait ressentit une profonde injustice qui l’avait mise hors d’elle. Par la suite, elle avait eu tout le temps de ressasser ses désillusions qui ont fait monter en puissance sa haine de cette société qui l’avait condamné. La cause de son infirmité n'était pas de sa faute; mais plutôt dû à des mésalliances perpétrées par des générations de, de Brémond et de Rubens dont elle n'avait que faire, mais dont elle portait le fardeau. Pourquoi elle, plutôt que d’autres ? Pourquoi cette infamie était-elle tombée sur elle ? La jeune fille qu’elle était alors, avait dû souvent se poser la question. C’est en découvrant cette lettre adressée à son frère ou elle avait lu et relu cette phrase assassine qui allait pour toujours ravager sa vie, qu'elle avait décidé de se dissimuler au regard du monde, ce qui allait avoir de fâcheuses conséquences sur sa décision de ne pas dénoncer la ou les meurtrières de sa pauvre mère.

    C’était la seule façon qu’elle avait trouvé pour se venger de la beauté de Daphné de Rubens et de sa gentillesse envers elle, qu’elle n’avait pas admis et qu’elle traduisait comme de la pitié. Bien piètre consolation pour l’aider à survivre avec cette disgrâce qui l’humiliait et dont elle devait en porter le poids jusqu’à la fin de ses jours. Avait-elle songé au suicide ? Peut-être qu’elle ne s’en sentait pas le courage ? Préférait-elle mieux souffrir en s’excluant définitivement de toute vie sociale ? Isabelle ne savait pas répondre à ces questions qui resteraient, pour elle, à jamais une énigme. Dans cette chambre, sa tante devait se sentir à l’abri de tous regards curieux et importuns qu’on aurait pu avoir sur elle. Elle n’avait plus à se justifier de son apparence. Là, s’arrêtait son existence...

    Ce que peut faire une déception amoureuse sur un pauvre cœur meurtri par un amour dédaigné, se dit Isabelle. Un pauvre corps disgraciée par l’effet d’une destinée déjà programmée dans sa conception, et sans qu’elle y soit pour quelque chose. Cela  doit être dur à accepter ?...

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    A l'heure où le soleil commençait de disparaître derrière les hauteurs boisées, Isabelle et William prirent le sentier qui menait à l'étang. La jeune comtesse était pensive. Elle ressentait un besoin impérieux de confier à celui qu’elle aimait de tout son cœur, ce qui assombrissait encore son bonheur.

    William, j'ai quelque chose à vous confier qui me tient à cœur.

    Ce que vous avez à me confier est important ? Questionna le jeune comte.

    Assez pour que vous m’écoutiez. Il faut que je vous dise à propos de mère. De la même façon que les bûcherons l'ont aperçu plusieurs fois à l'étang, j'ai vu moi aussi mère de nombreuses fois. La première apparition s’est produite lorsque vous n'étiez pas encore marié. La deuxième fois, ce fut encore au bord de cette même pièce d'eau alors que je me promenait de ce côté-ci du parc. Il faisait lourd et la nuit était à peine commencée. Une envie subite m’avait pri d'aller me promener du côté de l'étang. Ma mère apparut, et sans ouvrir la bouche, elle me mis en garde contre un danger qui me menaçait. C'était une voix surnaturelle qui me parlait à l'intérieur de moi-même ? Ma mère me convint de partir chez son frère où je serais à l'abri des malveillances du château. Je fus très surprise de savoir qu’elle était au courant de mon prochain départ chez son frère et que je ne voulais pas quitter Monteuroux. C’est pour cette raison que je ne fis pas de difficultés quand mon père a pris la décision de m’envoyer chez mon oncle. La dernière fois est récente. Ce fut juste après la réception où nous avons parlé longuement, et où, vous même, vous m'avez aussi mis en garde contre notre belle-mère et sa fille, en me priant de partir. Après tout ce que je venais de voir, d'apprendre, d'entendre, je suis allée me coucher. Ma nuit fut très agitée. J'entendais la voix de mère qui me parlait dans mon sommeil qui était sans cesse interrompu par sa présence auprès de mon lit. J'ai d'abord pris cela pour un rêve insistant, mais il m'était impossible de fermer l’œil. Elle tenait encore une fois à me prévenir du danger imminent qui me guettait. La fausseté et de la dangerosité de ma belle-mère en était la cause. Lors de ses apparitions sur les berges de l'étang. C'est elle qui, la première, m'a fait comprendre qu'il fallait que je quitte Monteuroux sans regarder en arrière, avant qu'il ne m'arrive quelque chose de fâcheux.

    C'est elle qui m'a dit que son accident n'en était pas un, et que quelqu'un l'avait fortement poussé dans l'eau. Je n’en ai parlé à personne, ses conseils étant de me taire sur ce sujet qui me ferait tort. Elle m'a aussi confié qu'elle ne savait pas qui était la personne fautive de cet acte abominable, mais qu'elle ne pourrait pas reposer en paix tant que ce mystère ne serait pas éclaircit. Elle n’avait pas finit ce qu’elle avait à faire sur cette terre, à commencer par me protéger de l’esprit malfaisant qui séjournait au château. Elle me dit aussi que la punition divine arriverait en son heure et serait à la mesure de ce qu’elle avait subit.

    Depuis la première apparition, je voulais tout dire à Adélaïde, mais en réfléchissant, je n'ai pas voulu confier ce dont j'avais été témoin de peur qu’elle ne pense que j’étais atteinte de folie et qu’elle se sente obligée de faire un rapport à père afin de me faire admettre, aidé financièrement, par la d’Argenson, dans un hôpital psychiatrique.

    Si je vous confie mon secret, William, c'est que ma confiance en vous est inébranlable et que je vous sais large d’esprit. Je ne suis pas une fabulatrice, mais bien trop de coïncidences avec les faits réels corroborant ses dires ne peuvent tromper ! Ce que j’avais appris sans vouloir en tenir compte à cause de ma raison qui me l'interdisait, fait qu’aujourd’hui que je ne peux plus nier les faits ! Et même si je me refuse à croire à l’inexplicable, dites-moi comment est-ce que j’aurai pu soupçonner et accuser ma belle-mère du meurtre de mère avant même que l’on sache ce qui c’était vraiment passé  lors de ma confrontation houleuse avec père ? 

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    Je ne sais toujours pas si je dois croire aux phénomènes surnaturels, mais une chose est sûr, c’est que je devais quitter Monteuroux sans me rebeller, et sans me retourner, même si j'avais beaucoup de peine. Je n’avais que seize ans et aucun pouvoir sur mon avenir. Grâce à mère, je me suis résignée, parce que j’ai compris où était mon intérêt. Il valait mieux que je suive ses conseils judicieux. Il y allait de mon salut. Une autre personne, en plus de vous, m’a également mise en garde juste quelques temps avant que tante Victoria ne meurt. C’était elle. Elle avait l’habitude de se promener du côté du pavillon face à l’étang. Un soir que je m’y promenais aussi, nous nous rencontrâmes. Nous avons parlé et elle me mit en garde contre ma belle-mère, me disant de me méfier d’elle. Antoinette a fait allusion à cette rencontre tout à l'heure lors de ses adieux. Aujourd’hui, je me dis que tout ceci fait beaucoup trop de coïncidences pour que j’en néglige les faits ! Je ne sais comment cela à pu se produire, mais j’ai dû réellement voir mère…

    Le jeune comte avait écouté Isabelle sans l’interrompre, bien qu'il eut du mal à accepter les faits. Mais la jeune fille avait besoin d’alléger son cœur de ce lourd secret qui la rongeait, et dont elle ne voulait plus être seule à en porter la charge. Il comprenait cette démarche. Celle qu’il aimait ne voulait rien lui cacher, et pour cela, il ne la respecterait que davantage. Tous ces faits troublants s’emboîtaient, les uns dans les autres, parfaitement avec ce qu’il savait déjà. William ne pu s’empêcher de penser à ce que lui avait confié Emilie, et qui ressemblait étrangement aux confidences de sa cousine, était à prendre en compte. Le recoupement des faits était tellement évident ! Il comprenait mieux ce qu'Isabelle avait dû se poser comme questions au sujet des confessions faites au cour des apparitions de sa mère. Il comprenait aussi que, malgré sa peine à quitter Monteuroux, elle avait été si facile à convaincre d’aller chez son oncle six ans auparavant. Ce qu'elle venait de lui confier ne lui paraissait plus aussi bizarre. Il osa une question :

    Pensez-vous, chère Isabelle, revoir votre mère maintenant que tout est dit, que tout est clair pour elle comme pour nous deux ?

    Je pense que non. Maman repose enfin en paix et de là-haut, elle voit que je suis heureuse avec vous. Nous sommes débarrassés de cette affreuse intrigante. Je pense que la justice divine est intervenue comme mère me l’avait dit, mais beaucoup plus terrible que je n’aurais pus l’imaginer. Les coupables ont été punis très profondément dans leur chair. Isabelle dit en souriant :

    Le vieil adage est tout à fait exact !

    Lequel, ma chérie ?

    Celui qui dit que Bien mal acquis ne profite jamais.

    Maintenant que vous me le faite remarquer, je suis obligé de reconnaître que c’est vrai. Je n’y avais pas pensé.

    William voulu aussi vider son cœur, afin qu’aucune ombre ne demeure entre eux deux.

    J’ai moi aussi quelque chose d’important à vous dire qui va vous rassurer sur tout ce que vous venez de me confier. Mais avant, permets-vous que l’on se tutoie en privé et devant ma famille qui va devenir la votre, ma tendre Isabelle ?

    Son regard s’éclaira d’un amour infini lorsqu’elle lui donna ce droit. William osa enfin faire part à sa cousine de ce qu'il avait apprit auprès d’Émilie concernant les apparitions de sa mère, et qui avaient commencé juste quelques mois après son assassina. Isabelle ne fut pas surprise de savoir que tout le monde au village et au château, savait, sauf elle. Son père avait interdit que l'on en parle en sa présence sous peine de sanctions. 

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    Elle ne fut pas étonnée, non plus, de la perversité de sa marâtre qui avait dû mettre un veto sur les apparitions de Daphné, de peur que l'on ne découvre ce qu'il s'était vraiment passé.

    Plus elle était au fait de tous ces détails, et plus elle comprenait le danger que cette histoire représentait pour la elle. Devenu comtesse de Rubens en faisant assassiner sa rivale, Elle ne pouvait décidément pas élever ni aimer la petite fille qui représentait un reproche vivant de son forfait.

    Après toutes ces révélations de part et d'autre, William conseilla paternellement à la jeune fille de ne plus parler des apparitions de sa mère, de la laisser reposer en paix maintenant qu'elle avait fait son devoir envers son enfant. Tout cela devait rester secret entre eux deux et ne regardait personne à part, si elle en émettait le souhait, se confier à l'abbé Forges en confession pour avoir son avis sur le surnaturel puisqu'ils étaient, tous deux, catholiques. Beaucoup de personnes du village connaissaient cette histoire d’apparition. Il fallait bien trouver une explication à tous ces phénomènes qu'il fallait arriver à analyser et comprendre... Isabelle ajouta :

    Malheureusement, Ludivine et son enfant n’étaient que les fruits gâtés de cette femme à la personnalité, j’oserais dire pervertie jusqu’à l’âme.

    Me permettez-vous de faire une comparaison, cher William ?

    Ludivine n’étaient pas responsable de l’acte suggéré par Edith à Berthe. Elle était bien trop jeune à l’époque. Quant au petit Thierry, là, Ludivine et sa mère sont responsables de lui avoir trop céder à ses caprices et de l’élever dans le mensonge. Lorsqu’un fruit est pourrit de l’intérieur, il ne peut que gâter les autres fruits qui se trouvent dans son environnement !

    L’entière adoration de Berthe et sa complète soumission envers sa maîtresse, lui ont fait accomplir ce geste irréparable que sa maîtresse ne voulait pas avoir à faire. Exerçant une manipulation verbale, elle était sûre que sa domestique, entièrement dévouée à sa cause, pouvait très bien faire le travail pour elle.

    Le retour de bâton fut administré de la façon la plus terrible et la plus radicale pour Edith et Berthe. Celui que je plains le plus est père qui fut trop faible pour résister à cette diablesse et qui va payer jusqu’à la fin de ses jours la perte de sa chère femme honnête, douce, et aimante qu’était mère.

    De ne s’être pas occupé de moi lorsque j’étais petite, de m’avoir, en quelque sorte, abandonné à Adélaïde alors que je venais de perdre ma chère maman dont j’avais le plus besoin, de m'avoir délibérément délaissé au profit de sa nouvelle épouse et de sa petite fille, est à présent, pour lui, je pense, son châtiment.

    Après tant d'années de souffrances, de doutes, et de larmes pour la petite fille que j’étais, il ne peut en être autrement ! La punition de Dieu est la réponse aux manquements d’un père envers son enfant. J’ai mal pour mon père et j’ai beaucoup de peine, mais je lui pardonne. Je pardonne à Ludivine et je n’ai plus que de l’indifférence pour La femme qui à détruit notre famille. A présent, tout est rentré dans l'ordre. Je ne veux plus penser au passé. Nous n'en parlerons plus. Je veux être heureuse avec vous, William !

    Sur ses paroles pleines de confiance et d’amour, William prit dans ses bras le jeune corps frémissant de sa bien aimée et, la regardant dans les yeux, il approcha son visage du sien, prit les lèvres de celle qu'il considérait déjà comme sienne, et il l'embrassa avec douceur et tendresse.

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    Épilogue

    Tous deux éprouvèrent le besoin de s'asseoir au pied d’un ormes d'un âge canonique qui bordait la pièce d’eau, et qui laissait voir un ciel étoilé, Isabelle soupira d'aise en regardant le spectacle qu’offrait cette nuit tranquille. Lorsque William prit la main de Isabelle dans la sienne, elle tressaillit. Elle n’était pas encore habituée à tant de tendresse. William la serra contre lui en lui murmurant à l’oreille :

    Je t’aime mon amour ! N’ai plus de crainte.

    L’esprit apaisé, Isabelle contempla l'étang-aux-ormes, témoin de tant de drames. William prit doucement son visage entre ses mains caressantes et plongea son regard dans le sien. Il la regardaient avec tellement d’amour dans les yeux, tellement de sérénité, qu’elle ne voulaient penser qu’à l’avenir qui se profilait devant eux. Le cœur battant la chamade, elle se blottie contre lui savourant la chaleur et la protection de ses bras. L'âme en paix, elle se laissa enlacer, heureuse. William était au comble du bonheur. Il leva les yeux le cœur en paix et soupira d'aise. Soudain, dans le magnifique ciel étoilé propice à la contemplation, il aperçu une étoile filante. Il la désigna du doigt à sa bien-aimée qui eut juste le temps de l’apercevoir.

    Oh ! Fit Isabelle. Que cette étoile filante emporte avec elle ce vœux que je fais en cet instant.

    Quel est-il mon amour ? Demanda William.

    Chut ! On ne doit pas dire ce que l’on souhaite sous peine que notre vœux ne se réalise pas. Mais puisque l’on ne se cache plus rien, je peux te révéler mon souhait. J'ai demande au ciel de ne plus jamais connaître le malheur sans toi à mes côtés, cher William.

    Nous ne serons jamais plus séparés, mon aimée. Nous serons liés à jamais pour le meilleur et pour le pire, ma chérie. Je t’aime tant !

    Devant eux, sur la pièce d’eau, reposaient nos deux beaux signes blanc endormit tête sous l’aile sous la clarté de l'astre lunaire. Leur silhouette se réfléchissait dans l'eau calme, formant ainsi une vision lactée qui se reflétaient entre les deux océans du ciel et de la terre. Isabelle se blottit plus amoureusement au creux des bras de William qui prit de nouveau ses lèvres en un tendre baiser. Isabelle frissonna de bien être. Une légère brise se leva, passa sur les roseaux qui frémirent sur son passage. La brise rida l’eau tranquille, apportant avec elle le voile de tulle que la mère de Isabelle portait sur ses épaules lors de sa disparition. La mère de Isabelle, par l’intermédiaire de son voile, tenait à prouver à William la véracité des propos de sa fille. En lui-même, ce tissu lui apportait toutes les réponses et les preuves dont il ne pouvait plus douter. Quand Isabelle, en cet instant, comprit que sa mère était bien présente à leur côté et l'avait été tout le temps nécessaire pour les aider à découvrir les coupables de son assassinat, elle  fut comblée. Elle avait été, à n’en pas douter, présente jusqu’au bout. Celles-ci avaient reçu  leur punition à la mesure de leur méfait. Dieu avait décidé de punir à la hauteur de leur perversité. Le voile se posa délicatement sur les genoux de William qui se devait de croire en sa bien aimée puisque elle ne savait mentir. Certaines personnes du village ayant aperçu le fantôme de la comtesse Daphné, Berthe ayant elle aussi confirmé dans ses aveux les apparitions : il n'y avait plus de doute possible. Dans son innocence, Isabelle sorti alors de son corsage le bout de tulle parme déchiré, heureuse de montrer à son bien aimé que dans sa totalité,  le châle, se reconstituait parfaitement devant ses yeux surprit.

    Le mystère de l’étang-aux-Ormes venait d’être enfin résolu, annulant ainsi tous doutes pouvant encore lui faire poser question. En cette nuit ou la douceur de l’air distillait dans leurs jeunes cœurs amoureux une tranquillité bien méritée devant leur amour enfin exprimé sans plus aucune crainte, le bel automne en cette merveilleuse nuit, veillait à ce bonheur qui devait se perpétuer dans le temps malgré les aléas qui ne manqueraient pas de se dresser dans Leurs existences. Près d’eux, une grenouille coassa et d’autres lui répondirent. L’étrange concert anima la solitude de ces lieux qui ne devait plus jamais connaître les drames de plusieurs vies fauchées en pleine jeunesse.

     FIN

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    La porte, à l’ordinaire fermée, était ouverte et comme Isabelle passait toujours par la salle d’armes, empruntant les escaliers, elle vit surgir Dominique, le domestique de la comtesse Marie-Marguerite, avec sa face peu avenante, aussi figée qu’inexpressive que le visage de sa sœur Angèle. Il avait, cette fois, contrairement à l’ordinaire, une toute autre expression qui ne présageait rien de bon. Isabelle le remarqua aussitôt.

    Qui y-a-t-il, Dominique ? Demanda-t-elle. Grand-mère serait-elle au plus mal ?

    Mme la comtesse se meurt. Mr le comte est auprès d’elle. Je dois aller chercher le docteur Pichon et Mr le curé.

    Sans un mot de plus, il dévala le reste des marches comme-ci il avait eu le diable à ses trousses. Isabelle gravit lentement les quelques degrés qui menait aux appartements de sa grand-mère. Bien qu’elle n’eût que peu d’affection pour cette aïeule froide, indifférente à ce qu’elle avait pu bien vivre et endurer après qu’elle eut perdu sa mère, cette approche de la mort faisait surgir en la jeune fille une sourde angoisse. Elle entra sur la pointe des pieds, et s’arrêta net dans la pièce qui servait d’antichambre. La porte qui conduisait aux appartements de la vieille comtesse était restée entrouverte. Isabelle se demandait si elle pouvait se permettre d’être au chevet de sa grand-mère en même temps que son père. Comme elle approchait sur la pointe des pieds, elle entendit la voix de celui-ci, impérative et suppliante à la fois :

    Mère ! Faites un effort ! Parlez-moi !

    Aux adjurations de son fils, pas un mot ne sorti des lèvres de la vieille comtesse. Isabelle avait honte pour son père devant son insistance. Il ne cessait de marteler aux oreilles de sa mère la même supplique, faisant fi de son état. L’adolescente poussa précautionneusement la petite porte pour mieux voir le lit de la mourante. De son point de vue, elle pouvait se rendre compte des dégâts que la maladie de sa grand-mère avait causé. Son visage était violacé, ses paupières clauses, et ses lèvres entrouvertes pour essayer de trouver un peu d’air, dénotaient un mal être plus qu’inquiétant par rapport à l’autre jour, lors de sa dernière visite. Son père, penché vers la mourante presque à lui toucher le visage, insistait lourdement. Allait-elle enfin se décider à ouvrir la bouche pour lâcher les renseignements qu’il attendait sur ce trésor tant convoité ? Isabelle observait attentivement son père qui continuait à lui parler en pressant une de ses mains dans les siennes pour mieux l’amadouer.

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    Mais non ! Pourquoi ? Supposeriez-vous ?

    J’ai constaté, d’après la distance de la berge par rapport aux jardin de nénuphars, qu’elle aurait commis une grave imprudence, ce qui me semble très singulier pour une personne prudente ? Isabelle a eu la même remarque, mais sans y trouver une réponse qui puisse la satisfaire, néanmoins, sans vouloir pousser plus loin sa pensée, elle m'a dit qu’elle était sûr que sa mère avait été victime d’un acte malveillant. J'ajouterais, pour ma part, que ce fut un meurtre et un acte commis intentionnellement ! Il ne faut pas se voiler la face ! A y réfléchir plus avant, je viens d’en venir à la même conclusion que notre cousine, ce qui changerait complètement la direction que pourrait prendre cette affaire. Ne pensez-vous pas ?

    Oui, vous avez raison, approuva William après un court instant de réflexion. Notre tante était profondément croyante et il me semblerait difficile d’admettre qu'elle ait voulu attenter à ses jours ? Maintenant que vous m’en parlez, on peut penser difficilement qu’il puisse s’agir d’une profonde crise de mélancolie provoquée par le chagrin de voir son mari se détacher d’elle... Il paraît qu’elle aimait, en outre, venir rêver au bord de cet étang lorsque la lune était pleine. Cela a pu déterminer le fallacieux projet de la faire disparaître. Peut-être que des mains meurtrières, dicté et dirigé par un esprit machiavélique, est derrière cette énigme ?

    Peut-être, en effet ; mais je n’ai jamais entendu dire que quelqu’un ait fait une supposition de ce genre. Pour les autorités de l'époque, ce fut bien classé comme ayant été un malheureux accident.

    Renaud ajouta :

    Justement ! Cela me travaille depuis que j’ai vu les lieux ou la noyade s'est produite. Et si c’était effectivement nous qui avions raison ? Sérieusement ?

    Le silence se fit lourd, profond, et les deux hommes se turent devant cette éventualité, ce qui changerait radicalement la façon de considérer la mort de leur tante Daphné.

    Comme les jeunes gens atteignaient la vieille tour, ils rencontrèrent Antoinette venant de téléphoner pour demander le médecin. La crise pulmonaire, toujours latente chez sa maîtresse depuis quelque temps, semblait s’aggraver. Puis elle parut très frappée quand je lui ai appris l’accident de l’étang. Depuis ce moment, elle est encore plus sombre qu’à l’ordinaire et elle ne semble plus se battre contre la maladie, ainsi qu’elle le faisait auparavant.

    Dites-lui, Antoinette, que je suis toujours à sa disposition si elle désire me voir.

    Je le lui dirais, mademoiselle. Elle s’est informé hier de l’état de santé de mademoiselle et elle à dit :

    Au moins, elle n’a pas payé pour cette diablesse. Sa mère doit être folle de rage ?

    Pourquoi payer ? Demanda William, se remémorant la supposition qu’avait émit Isabelle en premier, puis Renaud sur la mort de sa tante.

    Je l’ignore Mr le comte.

    Cette pauvre demoiselle est sans doute un peu bizarre, d’après ce que vous m’avez dit, et la maladie ne doit pas rendre ses idées plus saines, suggéra Catherine tandis qu’elle montait l’escalier, suivie de son amie.

    C’est possible. Dit Isabelle, mais je voudrais bien qu’elle me permette d’aller la voir, si elle devient plus malade qu’elle ne l’est déjà. Antoinette est parfaite, entièrement dévouée à ma tante, et du point de vue spirituel, elle aura plus d’action que moi sur cette âme aigrie, égarée dans son orgueil. Toutefois, il serait pénible et indécent qu’aucun membre de sa famille ne fût admis près d’elle sur ses derniers instants de vie. Mon père, lui même, devrait également lui rendre visite, mais il n’a jamais accordé à sa sœur d’attention. S’en est révoltant. J’aimerai qu’elle me permette de lui rendre visite au moins une fois pour lui montrer qu’elle n’est pas seule dans sa souffrance. Elle fût complètement ignorée des siens comme je l’ai été, moi-même par mon père...

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    D’un commun accord, Renaud et William avaient décidé de se rendre le lendemain matin chez l’abbé Forges.

    Ils trouvèrent celui-ci tout ému, car sa mère venait de lui rapporter le bruit qui courrait dans le village. Il se disait que la comtesse de Rubens soupçonnait Isabelle d’avoir provoqué le fatal mouvement de la barque pour épouser le comte de Rubens-Gortzinski qu’elle aimait.

    — Les gents du pays ont beaucoup de sympathie pour Mlle Isabelle, et je doute qu'ils croient à de pareilles calomnies, ajouta le prêtre. Mais il en serait peut-être autrement si le motif prétendu de ce soi-disant crime, n'était pas une invention et que ce soit vraiment un meurtre ? Je pense à une autre personne que nous connaissons bien et qui en voudrait à Isabelle pour cet accident. Nous savons qu'Isabelle est incapable de faire une telle chose ; mais avec le chagrin... sa belle-mère... Le prêtre regardait William dont la physionomie portait la trace des angoisses éprouvées depuis quelques jour. Et je jeune homme d'approuver la confiance que le prêtre avait la jeune fille qu'il avait connut toute petite.

    Vous avez raison, mon père. Isabelle n’est pas capable, pour des intérêts personnelles, de faire ce dont l’accuse sa belle-mère.

    Et William de vouloir absolument confondre et punir cette diabolique femme :

    Nous avons l’intention de la poursuivre en diffamations si elle continue ses insinuations.

    Renaud suggéra :

    Il faudrait d’abord, je pense, prouver que c’est elle qui répand ces bruits tendancieux. Or, nous pouvons supposer que Mme de Rubens est assez habile pour que toutes les précautions  ait été prises afin que l’on ne remonte jusqu’à elle. De plus, n’aurait elle pas l’infernale idée de faire agir son mari contre sa propre fille ? Un père qui diffame sa fille, cela semblera tellement monstrueux qu’on croira difficilement à une telle imposture. Il est tombé bien bas cet homme pour se laisser influencer par une telle femme ! Personne ne peut croire une chose pareille dans le village ! Je parle naturellement de ceux qui connaissent très bien ma cousine depuis l’enfance.

    Vous pensez que Mr de Rubens pourrait ? Dit le prêtre, visiblement suffoqué à cette idée.

    Si vous aviez assisté à la scène qu'il a faite devant moi hier, à ma pauvre cousine ? vous n’en douteriez guère, mon père. Dit encore Renaud. Adélaïde étaient présente lors de cette altercation. Au fur et à mesure que l’affrontement montait en puissance. J'ai compris là, que cet homme est complètement sous le joug de sa femme et qu' il est devenu presque inconscient de son ignominie. Isabelle en a été douloureusement frappée et bouleversée. Elle n’arrivait pas à réaliser que son propre père l’accusait d’avoir fait exprès de faire basculer la barque !

    En serrant les poings, William dit la voix pleine de regrets :

    J’étais absent lorsque l’accident est survenu et je n’étais pas là non plus lors de cette scène incroyable. Il va pourtant falloir qu'on la muselle, cette misérable femme ! Croyez-vous que je la laisserai salir ainsi la réputation d'Isabelle ? Ne pourrait-on fouiller dans son passé ? Notre tante est morte dans des conditions qui nous semblent à tous, bien improbables. Il y a des détails qui nous font penser à un meurtre. Nous pourrions découvrir des choses intéressantes qui se seraient passées bien avant le mariage de cette femme avec le père d’Isabelle. Nous pourrions mettre à profit nos découvertes afin de l'obliger à reconnaître ses manigances contre notre cousine. Nous pourrions aussi, découvrir ce qui a vraiment eu lieu la nuit de la mort de ma tante qui, pour moi, n'est pas morte dans un accident. Et c’est encore moins un suicide. J'en suis persuadé !

    Renaud déclara qu’il allait se mettre en rapport avec un ami de son père très à même, par ses relations, de leur être utile en cette occurrence. Puis les jeunes gens prirent congé du prêtre et descendirent le chemin menant de l’église au village. Comme ils passaient devant la maison Emilie Granchette, l’ancienne femme de chambre de la mère d’Isabelle, celle-ci vint à eux, la mine agitée.

    Monsieur William, qu’est-ce que je viens d’apprendre sur notre petite demoiselle ? C’est affreux et ce n’est pas possible ! Notre petite demoiselle, accusée d’avoir provoqué la mort d’un enfant et de sa mère ! Je ne peux croire à une telle chose !

    Affreux, oui, Emilie ! C'est son odieuse belle-mère qui mène la manœuvre, en dessous. Démentez, Emilie, démentez de toutes vos forces et de tout votre cœur !

    Oh ! Monsieur n'a pas besoin de me le dire ! Du reste, personne n'y croit. Elle, tuer quelqu'un volontairement ! Bien sûr que c'est un drame de voir une jeune femme comme Mme la comtesse et un beau petit garçon comme Thierry, périr ainsi ; mais ce n'est pas une raison pour accuser une innocente ! 

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  •  Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Ah ! Tenez, voilà Berthe qui monte au cimetière ! Elle à l'air bien abattue, remarqua pensivement Emilie.  

     J’étais au courant de bien des secrets, mais la discrétion était de mise au château sous peine de ne plus travailler pour le comte. J’étais la seule personne à qui Madame se confiait. Elle avait confiance en moi, et même si je voyais souvent des larmes dans les beaux yeux de ma chère maîtresse qui souffrait terriblement de la désaffection de Mr le comte à son égard, elle ne voulait rien montrer de ce qui la torturait, et me défendait d’en parler à qui que ce soit. Je vous avouerais que j’ai souvent pensé que la cause de l’accident de madame la comtesse était à mon avis, surprenant ; mais à qui confier mes doutes ? Dans le village, beaucoup de gens se demandaient pourquoi le comte s’était remarié si vite, alors qu’il adorait sa femme avant la rencontre avec Mme d’Argenson ? La nouvelle châtelaine n’était pas appréciée. Elle était hautaine et prenait son rôle très au sérieux pour se faire apprécier. Mr le comte avait changé à son contact. Tout ce qu’elle voulait, elle l’obtenait. Dans le village, on lui faisait bonne figure, mais nous ne l’aimions pas.

    Lors de l’accident, nous avions reçu l’ordre de ne pas parler de la noyade de Mme la comtesse Daphné à sa petite fille qui n'avait que six ans. Confiée à l’éducation et à la responsabilité de Mlle Adélaïde. Melle Isabelle n’a rien su des causes de l’accident survenu à sa mère pendant longtemps. Nous savions que depuis son remariage, le comte avait délaissée la petite qui ne voyant guère le seul parent qui lui restait, ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait. La nouvelle châtelaine n’aimait pas avoir, à ce qu’en disaient les domestiques du château, Isabelle dans ses robes. La seule enfant qui comptait vraiment à ses yeux, était Mlle Ludivine de Richemont, la fille unique de Mme d’Argenson, devenue comtesse de Rubens. Mr le comte semblait complètement avoir oublié sa petite fille au profit de sa nouvelle famille.

    — Je ne trouvais pas bien du tout cette façon d’agir, lui qui avait tant aimé sa première femme, et qui adorait sa petite fille, avant...

    Continuez Emilie. N’ayez pas peur de nos réactions. Emilie, mise en confiance par William et Renaud, s’exécuta, non sans mettre en garde les cousins d’Isabelle.

      Je vous préviens mes bons messieurs, cela va être dur à croire, mais c’est pourtant ainsi que l’histoire se présente ! Il vous faut être large d’esprit pour écouter ces choses qui sembles, pourtant, inconcevables, mais, néanmoins, elles sont arrivées telles que je vais vous les décrire!

    Mais allez-y ma bonne Emilie ! Si cela peut venir en aide à notre cousine, il faut parler !

    Et bien, voilà. Euh ! Vous êtes les premiers à qui j’ose en parler sans passer pour une illuminée.

    Quelque temps après l’horrible accident de ma maîtresse, comme à l’accoutumé, les bûcherons du village venu couper du bois dans la forêt avoisinant l’étang, eurent l’impression d’être les témoins d’une apparition surnaturelle qui ressemblait fort à Mme Daphné de Rubens. Ils n’en crurent pas leurs yeux. Cette vision se produisit à plusieurs reprises. Les bûcherons qui sont de solides gaillards ne craignant rien, et qui ne sont pourtant pas des hommes peureux ! Et bien, ils ne voulaient plus aller dans cet endroit du parc qui faisait face à l’étang-aux-ormes.

    Catherine était bouche baie. Telle une statue de sel, elle était pétrifiée, incrédule. Ce qu’elle venait d’entendre était tellement incroyable ! Une apparition ? Serait-ce possible ? Emilie se rendait bien compte qu’elle avait choqué la jeune fille, mais elle ne pouvait plus s’arrêter. Il fallait qu’elle dévoile toute l’histoire. Elle risqua :

    Cela peut vous paraître impensable ce que je vous confis là, Melle Catherine, mais c’est comme je vous le dis ! Je ne fais que vous confier ce qu’il s’est passé après la mort de la comtesse et l’histoire ne s’arrête pas là !

    Dites, ma bonne Emilie. Nous voulons tout savoir. Affirma Renaud. Emilie s’exécuta de nouveau.

    En écho à ces racontars qui allaient bon train dans le village. Mr le comte, lui-même, descendit voir les bûcherons qui l’informèrent de ce dont ils avaient été témoins. Bien qu’il ne voulu pas croire à ce genre de chose, il interdit qu’on parla de cette histoire d’apparition qu’il qualifiait de divagations de la part de ces hommes. Le comte se mit en colère et certifia que si une seule insinuation, sur ce sujet, devait parvenir jusqu’au château, le village serait sévèrement sanctionné. 

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  •  Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    C’est quand même impensable ! Fit William. Personne ne croit aux fantômes de nos jours ! C’est une histoire incroyable que vous nous contez-là !

    Je comprends bien, mais ce que je vous raconte, est la stricte vérité ! Si je n’avais pas confiance en votre jugement, je ne vous aurais rien dit ! Si aujourd’hui je vous confie cette histoire qu’il a fallu taire pendant toutes ces années, c’est pour que vous en tiriez quelques renseignements susceptibles de vous aider dans la recherche de la vérité sur la mort de ma maîtresse. Daphné de Rubens, pour moi, n’est pas morte de la façon dont on le dit. J’en suis persuadée ! C’est pour cette raison que la deuxième comtesse de Rubens déteste tant Isabelle. Il y a quelque chose de sournois là dessous ! C’est depuis longtemps mon avis !

    Je vous entend bien Emilie ! Dit Renaud. N’ayez crainte ! Nous allons nous servir de vos renseignements pour aider Isabelle et confondre l’actuelle comtesse. Ses méfaits ne resteront pas impunis.

    Isabelle et Renaud déjeunèrent le lendemain à Aigue-blanche et y passèrent l’après-midi. Tacitement, les sujets douloureux auxquels tout le monde pensait furent bannis de la conversation. Sur la demande du jeune Anglais, William lui fit visiter le domaine auquel il avait apporté nombre d’améliorations. Isabelle et Catherine les accompagnaient. Tous deux s’intéressaient à l’agriculture, aimaient la campagne et ses occupations. A celle-ci, Isabelle n’était que peu initiée. Déclarait-elle avec un furtif sourire qui amena un peu de détente sur le visage soucieux de William.

    Renaud et elle regagnèrent Monteuroux vers la fin de l’après-midi. Tandis que le jeune homme rentrait sa voiture dans le garage où désormais, la place ne manquerait plus. Isabelle le précéda vers la vieille tour. Adélaïde l’accueillit par ces mots :

    Il paraît que le médecin ne donne pas d’espoir pour votre tante, mon enfant. Antoinette demande si vous pouvez allez chercher demain matin des ballons d’oxygène, à la ville la plus proche du village, car on en aura certainement besoin rapidement pour la soulager.

     Mais oui ! Je partirais dès sept heures. Pauvre tante !

    Renaud intervînt :

    J’irais demain à la place de ma cousine qui est très fatiguée. Ne vous inquiétez pas, Antoinette. Je ne vais pas oublier.

    Merci Renaud, de ton aide.

    Dans sa chambre, Isabelle alla s’accouder à la fenêtre. Les premières grisailles d’une fin d’après-midi morose d’un d’automne qui n’arrivait pas à s’imposer, ne comblait pas son cœur empli de doute. 

     

    L’atmosphère à Aigue-blanche avait un instant calmé ses angoisses sous le regard bienveillant et gravement passionné, par moment, de William, redevenu anxieux. Elle pensait à celle qui se mourait, là-haut, solitaire, farouche comme elle l’était depuis tant d’années. Jamais plus, elle n’entendrait la plainte déchirante du violon de sa tante, ses rêveries ardentes, ses gémissements où l’âme claustrée dans son orgueilleuse retraite exhalait un peu de son amère souffrance. Jamais plus... Victoria de Rubens allait mourir. Paraîtrait-elle ainsi devant son juge, devant celui qu’elle ne connaît plus depuis tant d’années ? Se demanda Isabelle.

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  •  Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34- 

    Chapitre XVI

    Dans la chambre de Victoria, la fenêtre était ouverte sur une nuit lourde, une nuit sans étoiles, que de lointains éclairs traversaient parfois. Une petite lampe posée sur une table, loin du lit, laissait celui-ci dans l'ombre de la pièce. Le souffle court de sa tante guida Isabelle vers le baldaquin où Victoria terminait sa vie douloureusement. Son cœur battait à coup précipités. Isabelle ne savait plus si elle devait avancer ou rebrousser chemin. Finalement, elle dit à mi-voix :

    Me voici ma tante.

    Isabelle ? Tu viens... quand même me voir ?

    Les mots sortaient avec difficulté de la gorge oppressée de Victoria où juste un léger filet d’air lui permettait de parler.

    Oui. Je n’ai aucun droit de vous juger, ma tante. Vous avez beaucoup souffert et c' est la seule raison dont je veuille me souvenir.

    Souffert... Affreusement.

    Des doigts brûlants se posèrent sur la mains d’Isabelle. Un subtil raidissement de la main de la jeune comtesse, fît comprendre à sa tante que ce devait être dur, pour elle, de sentir son contact, car Mlle de Rubens eut une sorte de sanglot rauque.

    C’est dur d’être là, près de moi, n’est-ce pas ? Près de moi qui ai laissé tuer ta mère sous mes yeux. Va-t’en... oui, cela vaut mieux. Je suis une maudite…

    Isabelle se laissa glisser à genoux et saisissant cette main fiévreuse qui, par sa faute, ne sachant par quel réflexe, se retirait encore.

    Non, ma tante. Ne retirez pas votre main. Je resterai près de vous. Je suis venue de mon plein gré avec l’idée de vous pardonner comme Dieu nous pardonne nos péchés. Je n’ai pas de colère ni de rancune contre vous. Ne parlons plus de ce passé douloureux pour vous comme pour moi. Ma pauvre mère souffrait beaucoup moralement. Mon père, sous l’influence redoutable de cette d’Argenson, ne lui rendait pas la vie facile. Elle ignorait ce que lui réservait ma futur belle-mère, comme elle ne pouvait se douter de ce qui l’attendait un soir de promenade près de l’étangMère ne pourra trouver le repos que lorsque la meurtrière sera punie. Sachez qu’elle vous a pardonné, et que la justice divine à déjà commencée de faire son œuvre. Vous obtiendrez la joie éternelle et le repos de votre âme de par votre aveux sincère, ma tante. Votre remord suffit à Dieu pour votre pardon. La voix d’Isabelle tremblait d’émotion. Dans la pénombre, son regard distinguait mal la figure de la mourante. Pendant un long moment, elle n’entendit plus que sa respiration sifflante. Isabelle pensait que peut-être sa tante n’arriverait plus à parler, quand subitement Victoria murmura :

    Tu as bien souffert par cette femme, autrefois, et je suppose encore aujourd'hui, n'est-ce pas ? Angèle était au courant de bien des choses qui se passait au château par ta préceptrice, et par Dominique... Tâche de savoir qui a commis ce crime. Ce n’est pas facile après tant d’années ; mais si ma confession peut faire que tu puisses, avec l’aide de tes cousins... oui, je sais qu’ils sont près de toi... et qu’ils vont tout faire pour t’aider... si je puis faire, avec ma confession, que cette meurtrière soit punie ?

    Oui. Ma belle-mère me hait. Mais je me défendrais contre elle... Maintenant, ne parlez plus, ma tante. Je sais que vous voulez vous racheter, mais vous vous fatiguez, et ce n’est pas bon pour ce que vous avez.

    Si, je dois te dire encore... Je fais de toi ma seule héritière. Je te lègue ma fortune qui est conséquente... et mon violon. C'est un stradivarius. Il vaut très cher. Tu pourras le faire expertiser et le vendre si tu veux.

    Ce sera un peu de toi qui vivra à travers lui.

    Non, ma tante. Je le garde. Il est très précieux pour moi. A travers lui, j’ai apprit à te connaître un peu.

    Tu ne peux savoir le bonheur que tu me donnes… A cette heure, de ma famille, tu es la seule personne qui me fais montre d’un peu de compaction et de tendresseJe sais... je sais que mère a fait de toi son héritière... et j’en suis heureuse... ainsi, ton avenir... est assuré. Antoinette ne veut rien. Elle rentrera chez les trappistines après ma mort. C’est, je pense, pour gagner le salut... de mon âme... aussi, je ne veux pas la décevoir. L’abbé Forges va venir tout à l’heure. Puis elle se tut. 

    Toujours à genoux près du lit, Isabelle, surprise, se sentait heureuse de savoir qu'enfin sa tante acceptait de recevoir l'extrême onction.

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  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34- 

    Isabelle continuait de prier pour sa tante en silence. En même temps, elle songeait à sa triste existence. Sa tante n’avait pas trouvé d’affection chez sa mère et probablement pas chez son frère. Peut-être aussi, comme le supposait son père, avait-elle connu l’amour, et celui-ci l’avait dédaigné à cause de sa difformité. Cela avait dû ravager un cœur entier, passionné, blessé et désespéré tel qu'avait été sans doute le sien. Beaucoup Plus tard, le remord avait dû faire son œuvre pour finir par dévaster cette âme orgueilleuse et fière...

    La pitié, maintenant, dominait un tout autre sentiment chez Isabelle. Elle n’avait plus qu’un désir : l’apaisement de l’âme tourmentée qui allait quitter ce monde où elle n’avait su vivre que dans un désenchantement et replié sur sa souffrance.

    Sa tante semblait  s'endormir, apaisée. Pourtant, elle réunit soudain ses dernières forces pour demander à sa nièce,  une dernière faveur :

    Isabelle !

    Oui, ma tante ?

    Lorsque je serais morte, tu prendras un petit coffret d’ébène qui se trouve dans mon secrétaire et tu brûleras ce qui s'y trouve.

    Je le ferai, ma tante.

    Des souvenirs... des folies... Est-ce que l’on aurait pu m’aimer ?

    Sa respiration siffla plus fort, des mots passèrent entre ses lèvres. Isabelle en saisit quelques un :

    La lettre à Rudolph, je l’ai trouvé... je l’ai lu… je l’ai toujours... Folle, de penser qu'il m'aimait... Norbert... C'était finit

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