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    Daphné de Rubens semblait être bien informée sur les événements se déroulant à Monteuroux. Un avenir plus qu’incertain concernant la jeune Isabelle pourraient très bien s’avérer exact si celle-ci persistait à vouloir tenir tête à la d'Argenson. Le comte aveuglé par l’amour qu’il portait à cette femme diabolique, n'était pas à même de deviner ce qui pouvait se tramer derrière son dos. Il y avait quelqu’un qui savait que l’accident survenu à l'étang-aux-ormes n’en était pas un, mais bien un meurtre. Qui avait commis cet acte atroce ? La première comtesse, Daphné de Rubens, ne pouvait s’en aller de ce monde, tant que sa fille ne serait pas à l’abri des mains meurtrières présentes au château, et qui avaient prémédité ce macabre assassina. Isabelle devait se méfier de sa belle-mère tant que le mystère de l’étang-aux-ormes ne serait pas résolu. Il fallait à tous prix protéger la jeune adolescente de tous les dangers...

    Isabelle, elle se devait de garder le secret des apparitions, quoi qui lui en coûte, pour mieux découvrir plus tard, la vérité sur le meurtre de sa mère. Il ne fallait rien confier de l’expérience qu’elle venait de vivre, même à la seule personne qui l’aimait comme-ci elle était sa propre enfant, mais qui n’aurait jamais compris. Isabelle se rendait bien compte que sa marraine ne pourrait se taire en sachant que sa protégée avait des visions complètement inconcevables pour elle ! La jeune adolescente comprenait très bien qu'il serait impensable que sa marraine puisse accepter que sa filleule ait des visions. Elle pourrait très bien mettre cette défaillance sur le compte de tous les événements successifs survenus depuis quelques jours dans sa vie et que cela ferait beaucoup trop pour la jeune fille... Elle pourrait penser que sa jeune protégée était en train de perdre la tête et elle n’aurait pas tout à fait tort ! Qui voudrait croire à de telles choses ? Isabelle était très préoccupée par ce qu’elle venait de vivre. Était-ce parce qu’elle avait pleuré devant le portrait de sa chère mère, et que tout son être l’avait appelé si ardemment, que celle-ci lui était apparu ? Isabelle se remémora l’après-midi où elle était partie dessiner près du pavillon, sur les berges de l’étang, et où elle avait entendu Ludivine roucouler au bras de William. Elle se souvint également du caquetage incessant de cette prétentieuse qui, appuyée sur le bras de son fiancé, sa jolie tête posée sur son épaule, avait critiqué sans vergogne sa pauvre mère disparue dans de tragiques circonstances. Elle se rappelait sa révolte qui grondait au fond d’elle après qu’ils se soient tous deux éloignés de son confort d’écoute. C’est à ce moment précis qu’elle avait entendu murmurer son prénom. Ce jour-là, elle n’avait pas vu grand-chose, à part ce qui ressemblait à un visage dans l’eau bleue marine de l’étang. Elle n’avait pas voulu prendre en compte cette vision parce que, pour elle, c’était une chose impossible, et que de petites vaguelettes ridant l’eau, l’avaient empêché de distinguer clairement l’image spectrale qu’elle avait imputé à une divagation de sa part. Que d’événements étranges, très troublants, se révélaient à elle juste avant son départ ! Isabelle se souvint, quand même, de s’être penchée plus avant vers l’eau sombre afin de mieux distinguer ce visage qui s’était peu à peu délitée dans cette nappe bleue marine plus qu’inquiétante. Sur le chemin du retour, Isabelle s’était posée mille questions sur ce qu'elle venait de vivre, sans réussir à éclaircir ce mystère.

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    Ce dont elle avait été témoin cet après-midi-là, s’était enfouit dans un recoin de son esprit ; mais cette fois, il y avait un élément qui confirmait la présence de sa mère près d’elle. Ce bout de voile et le bout de robe identique à celle qu'elle portait le soir de cette fatale promenade, était la preuve irréfutable qu'elle était toujours présente sur les bords de l'étang, et veillait sur elle. Ces deux précieux morceaux de tissus lui assuraient qu’elle n’avait pas rêvé. Isabelle se devait de les garder sur elle. Elle avait mit les petits bouts de tissu dans son corsage près de son cœur, puis elle décida afin de se prémunir contre sa raison qui pourrait vaciller, de ne plus y penser tant qu’elle ne serait pas en mesure de mettre en évidence la ou les assassins de sa mère. Cette étrange vision devait pour le moment rester secrète, bien cachée au creux de son âme.

    Sous la lune éclairant la pièce d'eau où, pour la première fois, elle venait d’apercevoir la malformation et le si beau visage de sa tante Victoria, l'avait ému plus qu'elle ne voulait se l'avouer. La beauté de sa tante l'avait beaucoup impressionné. Après que celle-ci se fut éloignée en suivant les berges de l’étang, voilà que, pour la deuxième fois, Isabelle assistait à l’apparition de sa mère. La preuve de ce phénomène surnaturel n’était plus en cause. Isabelle était seule à savoir qu’il y avait quelque chose de pas normal en ces lieux. Le visage de sa mère lui était apparu pour la première fois, dans l’eau sombre de l’étang. La raison en était certainement pour prendre contact avec elle; mais ce soir, pour la deuxième fois, très distinctement, elle l’avait clairement vu. De plus, sa mère lui avait révélé des détails qui ne pouvaient la tromper. Sa décision était prise. Elle ne confierait rien non plus à l’abbé Forges de peur qu’il ne la prenne, lui aussi, pour une personne dérangée ayant soudain perdu le sens des réalités. Certaine qu’elle n’était plus seule à se débattre au milieu de chiens et loups, Isabelle accepta l'idée que sa mère était là dans l’ombre des grands ormes, pas seulement pour élucider son assassinat, mais aussi, pour la guider et la protéger. Isabelle était sûr, à présent, que sa mère avait toujours veillé sur elle depuis sa toute petite enfance et c’était parce qu’à ses seize ans, elle l'avait trouvé assez mature et large d’esprit, qu’elle avait jugé bon de lui apparaître sans que celle-ci ait peur. Isabelle allait partir chez son oncle, résignée, mais en paix. C’était là, le sage conseil de sa mère qui, avant de disparaître, avait fait son possible pour la rassurer afin qu'elle parte l'esprit tranquille. Sa mère s'était employée à lui confier la bienveillance de son frère et l’extrême gentillesse de sa nièce et de son neveux. Comment connaissait-elle ses neveux ? Isabelle se posait la question. Serait-il possible que sa tendre mère soit au courant de tout ce qu'il se passait lorsqu'il s'agissait de sa famille ? Elle croyait en sa mère qui lui avait assuré qu'elle serait heureuse là-bas, et bien traitée. Le devoir d'Isabelle, à son retour d'Angleterre, serait d’aider sa tendre mère à trouver la paix et le repos éternel dès qu’elle serait en mesure de trouver des preuves avec l’aide de Dieu, afin de punir la ou les coupables. A son retour, le mystère qui planait sur l’étang-aux-ormes devait être élucidé d'une manière ou d'une autre. Isabelle s'en faisait la promesse.

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    Chapitre VIII 

    Deuxième Partie

    six longues années s'étaient écoulées laissant, dans le souvenir de Isabelle, un Monteuroux endormit. Il était tant de le réveiller de sa torpeur. La jeune comtesse était très heureuse de retrouver ses attaches. Le petit cabriolet noir acheva de gravir la route qui menait de Sauveur-le-Bénit à Monteuroux. Isabelle stoppa la voiture devant la grande grille en fer forgé qui, depuis son départ, semblait avoir été, si non remise à neuf, mais réparée. La rouille avait complètement disparue des ornements, ainsi que des armoiries des de Rubens. La surprise était grande de contempler cette vieille grille qui donnai l'apparence d'être neuve. Que voulait dire  ce revirement de situation ?  La rouille disparue et les gonds de ce portail réparés, lui rendait un air majestueux. Ce grand et haut portail marquait l'entrée du domaine. En six ans d'absence, le vieux château de la belle au bois dormant avait-il reprit un semblant de vie ?

    Un chien aboya dans le lointain. Il ne semblait pas appartenir au château. Le vieux doberman qu’elle avait connu lorsqu’elle était encore à Monteuroux, s’en était allé depuis longtemps. Au niveau des communs, sur la droite, une porte s’ouvrit et un homme parut sur le seuil. Avec un air qui se voulait plus jovial qu'à son habitude, il s'avança vers les nouvelles venues en les accueillant avec gentillesse :

    Ah ! Je vous attendais toutes deux, Mlle Isabelle et Mlle Adélaïde, Bonjour. Avez-vous fait bon voyage ?

    — Oui, Dominique. Nous vous en remercions.

    Il ouvrit les deux côtés de cette haute grille délimitant le grand domaine avec une facilité que la jeune comtesse n'avait pas l'habitude de voir fonctionner normalement. Le portail ne protesta pas comme il en avait l'habitude. Isabelle qui tenait le volant de son cabriolet, eut un sourire qui en disait long sur la satisfaction qu'elle ressentait de voir le grand portail remis à neuf.  Elle était pourtant inquiète sur la raison de cette remise à neuf. qu'allait-elle encore trouvé de changer dans Châteauroux ?

    — Où puis-je garer ma voiture, Dominique ?  

    — Sur la gauche de la cours intérieur de château neuf, Mlle. Une partie des communs ne servant plus, ont été transformés en garage. 

    Dominique, était fier de pouvoir dépanner la jeune comtesse, et d'accéder volontiers à sa demande. En les voyant s'éloigner vers le garage, il s'écria :

    — Vous avez toute la place que vous désirez, Mlle ! Le château est inhabité en ce moment.

    — Merci beaucoup. Je vais mettre a l'abri le cabriolet.

    Lorsque Adélaïde, qui était assise près de la jeune conductrice, fut descendue, le cabriolet alla se garer sous l'abri réservé à cet effet. Une fois la chose faite, Isabelle rejoignit sa marraine et Dominique. D'un air détaché, elle s’inquiéta :

    Tout va bien ici, Dominique ? Et votre sœur ?

    Le vieux domestique justifia son absence en lui expliquant :

    Il fallait faire quelques provisions puisque Mlle avait annoncé son arrivée. Alors, ma sœur est descendue au village.

    Dominique avait, en six ans, peu vieilli, le vielle homme qui avait toujours donné à Isabelle l’impression d’un sarment de vigne desséché, semblait en pleine forme. Son visage avait le même teint terreux qu’autrefois, mais quelle surprise dans son regard attaché sur Isabelle ! Elle était si différente de la jeune fille partie pour l'Angleterre six ans au paravent de Monteuroux, qu'il en était très surprit ? Elle était devenu une magnifique jeune femme qui revenait au château, transformée. Cette jeune personne au corps souple et fin, d’une très grande beauté, était vêtue avec une correcte simplicité qui n’excluait pas une note d’élégance. Sous un chaud manteau de ville entrouvert, elle était vêtue d’un tailleur gris souris, et portait un ravissant petit chapeau vert pâle orné d’une plume du même ton. Ses belles boucles blondes en bataille avant qu’elle ne parte chez  son oncle, étaient maintenant, tout à fait disciplinées avec classe.

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    Ils encadraient harmonieusement l’ovale parfait de son visage faisant valoir la blancheur de son teint. La jeune comtesse voulue, pour la deuxième fois, s’assurer que le domaine était dépourvu d’habitants.

    — Pouvez-vous m'assurez, Dominique, qu’il n'y a vraiment personne au château  ? Je n'aimerais pas faire de mauvaise rencontre à mon arrivée.

    — Non Mlle. Le château est tout à vous. Mr votre père et Mme, ne seront pas là avant fin juillet, début août. Ils ont prévenu qu’ils seraient très certainement en retard.

    —  Bien. Je n'occuperais pas le château. Je préfère ne pas avoir de surprise s'ils changeaient d'avis.

    — Le comte de Rubens-Gortzinski est-il en ce moment à Aigue-blanche ?

    C'était Adélaïde de Brémont qui posait la question. Elle savait qu'elle brûlait les lèvres d’Isabelle.

    — Je le pense, Mlle Adélaïde. Mr le comte ne quitte guère la propriété, et Mme la comtesse Ludivine, lorsqu'elle est présente, quitte très souvent le manoir, préférant rester aupré de Mme sa mère et Mr le comte Rudolph.

    Les sourcils d’Isabelle se haussèrent légèrement en signe de surprise, et dit ironiquement :

    — Quelle surprise ?! Mme la comtesse ne réside t-elle pas habituellement à Aigue-blanche près de son époux comme cela devrait être ? 

    — Mme la comtesse habite presque toujours avec sa mère et le petit Thierry dans leur propriété de Paris, fît Dominique. Le comte William vit pratiquement seul une grande partie de l’année.

    — Si je comprends bien, fit Adélaïde. Il vit, en somme, comme un célibataire !

    Dominique, ne se souciant apparemment pas des agissements de la comtesse Ludivine, répondit d’un air tout à fait détaché :

    — Il le faut bien puisque, comme vous le savez, Mme la comtesse ne peut supporter la campagne ! 

    Dominique n’aimait pas la femme de William, et cela se voyait.

    Adélaïde de Brémont hocha la tête en parlant comme pour elle-même :

    — Le contraire m’eut étonnée !

    — Isabelle ne fit aucune remarque ; mais sa bouche eut un léger frémissement qui en disait long sur ce qu'elle pensait concernant la couple. Refusant l’aide de Dominique, la jeune comtesse se chargea de sa valise et de celle de sa marraine pour se diriger vers château vieux, suivit par son ancienne préceptrice. Au passage, elle jeta un coup d’œil sur les fleurs servant de tapis de sol ornant le bassin rond tout à fait bien entretenu par rapport à l’autre bassin surmonté de petits anges complètement abandonné depuis des lustres. La jeune comtesse, se parlant à elle-même, se posa une question sans se rendre compte qu’elle pensait à haute voix :

    — Je me demande si le vieil Adrien vit toujours ?

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    Il est vrai qu'il ne doit plus être très frais, parce qu'il se fait vieux. Il n'était déjà pas très jeune lorsque nous sommes parties pour verte-court, mais puisque Dominique ne nous a rien dit à son sujet, c'est qu'il est toujours à son poste. Nous verrons bien. J'aimerais avoir une conversation avec lui.

    Les deux femmes gagnèrent la vieille tour en passant par la galerie aux bustes de marbre, et se retrouvèrent chacune dans leur chambre qu'elles avaient si longtemps délaisséeIsabelle posa ses valises chez elle après avoir déposé les bagages de sa marraine dans sa propre chambre. Elle avait hâte d’ouvrir la fenêtre pour respirer à plein poumons l’air de sa chères vallée. Accoudée à la fenêtre, elle embrassa d’un regard avide le spectacle d’une campagne n’ayant guère changée en six ans. Elle entendit le ronflement du ruisseaux devenu rivière à la fonte des neiges dont l’eau, à cette époque de l’année, descendait des hauteurs tout en force. Le clocher de la petite église bien assise sur son promontoire, était toujours aussi visible qu’à son départ pour l’Angleterre. La neige avait presque entièrement fondu et laissait apparaître les jeunes pousses d'herbes verte. La fraîcheur du printemps l’apaisaitElle était, de nouveau chez elle, dans son cher Monteuroux.

    Les appartements de la tour, délaissés depuis six longues années, étaient demeurés tels qu’autrefois. Après être restée un bon moment à rêvasser devant ce magnifique tableau, Isabelle retrouva ses vieux meubles quelque peu vermoulus, ainsi que les sièges aux coussins usés. Son cœur se gonflait d’allégresse car, si heureuse qu’elle eut été en Angleterre, elle avait toujours éprouvé la sensation d’un exil. Secrètement, elle aspirait à se retrouver dans son cher Monteuroux. Isabelle n’y était jamais revenue pendant ces six années. A son oncle qui lui proposait d’y passer une partie de ses vacances, elle répondait toujours :

    —  C'est très aimable de votre part, mon oncle, mais non. Ce serait pour si peu de temps que j’aurais du mal à le quitter encore.

    Lors de son séjour aupré du frère de sa chère mère, elle s’appliquait à ne pas trop penser à ce qu’elle pourrait découvrir de changer au château. Tant qu’elle n’aurait pas atteint sa majorité afin de revenir en force pour affronter les démons qui se trouvaient en ces lieux, elle ne serait pas tranquille. Elle écartait, du mieux qu’elle le pouvait, les souvenirs qui l'assaillaient et que cachait cet endroit qu'elle chérissait, mais qui, malgré tout, était trop dangereux pour elle tant qu'elle ne serait pas à même de découvrir le secret qui entourait et assombrissait Monteuroux. Isabelle préférait laisser passer le temps où elle devait demeurer dans le pays de sa mère dans la tranquillité, et ne surtout pas retourner là-bas pour des raisons bien précises qu'elle seule connaissait.

    L’existence à Verte-court, avait d’ailleurs été douce pour elle. En Sir de Montaigu-Meldwin, Isabelle avait trouvé un parent d’un abord un peu froid, certes, mais comme l’avait décrit Adélaïde, d’une bonté, d’un caractère droit, généreux et très sûr. Sa fille Alice et son fils Renaud s’étaient montrés accueillants pour leur jeune cousine étrangère. Dès les premiers instants, elle avait été entourée de bienveillance, ce qui l'avait rapidement rassurée. Isabelle avait tôt fait d'apprendre la langue, s’accoutumant facilement à sa nouvelle vie.

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    La jeune fille suivait en supplément des enseignements obligatoires, des cours qu’elle avait choisit, et qui se résumaient principalement à perfectionner le don qu'elle avait pour le dessin, ainsi que des courts de solfège pour apprendre le violon en référence à sa tante Victoria. Le collège était très proche du domaine de Verte-court. Etant dans le même établissement, Alice fit accepter très vite sa cousine par les élèves, ce qui avait grandement facilité son intégration. Isabelle en avait été une des meilleurs élèves qui, souvent ne manquait pas de fantaisie, mais qui était d'une vive intelligence dans esprit réfléchi. Un an après son arrivée, il ne restait rien de la jeune fille un peu sauvage, dédaigneuse des usages et de l’élégance dont Sir de Montaigu disait avec, dans ses yeux gris, une lueur amusée :

    — C’est une jeune pouliche un peu rétive, cette enfant ; mais il faut savoir l’apprivoiser...

    Ce qu'il avait su parfaitement faire en lui donnant de l'affection, de l'attention, se souciant de son avenir comme il le faisait avec ses propres enfants. Aujourd’hui, elle était une jeune femme accomplit, parfaite d’amabilité, de raffinement et distinction.

    En revenant à Monteuroux, toute l’atmosphère malsaine d’autrefois la reprenait, l’enveloppait. Elle se mettait souvent à sa fenêtre et respirait longuement cet air natal tant aimé, pur et vivifiant, froid comme cette matinée de mars, car la neige subsistait encore par endroit sur les hauteurs des collines à demi perdus dans la brume. Elle repensait à tout ceux qui l’aimaient las-bas, en Angleterre, et qui avaient eu de la peine à la voir partir. En vérité, ils n’étaient guère plus nombreux que la famille de sa tendre mère Daphné. Les amies de collège se souciaient peu, une fois disparue de leur vue, de la jeune fille qui s'en retournait dans son pays natal. Quand à Isabelle, cela ne lui coûtait guère non plus. Évitant de penser au passé, la jeune comtesse décida que sa visite commencerait par l’abbé Forges avec lequel, malgré la façon dont elle l’avait quitté six ans au paravent, lui gardait son estime. Elle était toujours restée en contact pendant son long séjour, loin de tout ce qui l’agaçait. L’abbé avait continué de la diriger avec prudence en répondant à ses longues lettres. Ses  réponses savaient si bien apaiser ce caractère rebelle et entier. Le tact qui le caractérisait, s'ajoutant chez lui à la fermeté, alliée à une grande sûreté de doctrine, avait beaucoup aidé la jeune fille. A part les événements importants se déroulant à Monteuroux, il lui donnait très peu de nouvelles du pays, jugeant que ce ne serait pas lui rendre service, que cela pourrait nuire à ses études et que, pour lui, c'était encore trop tôt.

    Par son père à qui elle écrivait à chaque nouvelle année, elle avait appris deux ans auparavant, la naissance du petit Thierry, ce qui l'avait fait songer, bien malgré elle, que la naissance d'un petit garçon prénommé Thierry,  faisait de lui le digne héritier de son père s'il devait arriver quelque chose à William. Ludivine, devenue la comtesse de Rubens-Gortzinski, pourrait avoir des prétentions sur le domaine associé à celui de son propre père, puisque faible de caractère, il était sous l'emprise de la d'Argenson.

    Une porte fut ouverte derrière elle. La voix d’Adélaïde s’éleva, la tirant de ses pensées négatives :

    — Comment, Isabelle, vous avez encore votre manteau et votre chapeau ? J’ai déjà défait mes valises et tout rangé ! Dit-elle, amusée.

    Isabelle se détourna de la fenêtre. La fraîcheur, la lumière du mois de mars semblait se refléter dans ses yeux. Elle dit gaiement :

    — Ma bonne Adélie, ne m’en veuillez pas, mais j’étais si distraite par ce magnifique paysage, que j’en ai oublié de défaire mes bagages. C’est un tel bonheur de revoir mon cher Monteuroux tel que nous l’avons quitté ! Et puis, après-tout, rien ne presse, d’ailleurs ! Le reste de nos bagages n’arrivera que demain.

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    A la réflexion, j’irai cet après-midi voire Mr le curé puisque je n’ai rien à faire d’autre ici. Pendant ce temps, vous aurez tout le loisir de vous reposer, très chère Adélie. J’ai besoin de reprendre contact avec le village, ses villageois et la vallée si le temps s'y prête, car il ne fait pas très chaud, et j'en suis consciente. Je sais que plusieurs de mes vieilles amies sont parties vers un monde meilleur. Mais je rendrais une petite visite à leur dernière demeure, et leurs porterai quelques fleurs après ma visite chez l’abbé Forges.

    Je suis tout à fait d’accord avec vous, ma chérie. Je vais volontiers m’accorder un peu de repos, car je me sens lasse. Je tenais à vous rappeler qu’un de ces jours, il nous faudra faire une petite visite à Aigue-blanche. D’après ce que dit Dominique, nous n’y trouverons pas Ludivine. Il semblerait donc qu’elle ne s’entende pas avec son mari, et que le mariage ne soit pas une réussite...

    La gaîté remarquée dans les yeux mordorés d’Isabelle, s’était évanouit. Ses lèvres d’un rose délicat si finement ourlées, eurent un pli d’ironie lorsque Isabelle ajouta :

    — C'était à prévoir ! Il eu fallu une certaine dose d’aveuglement pour penser que Ludivine puisse vivre toute l’année à Aigue-blanche ! Les hommes intelligents comme William, peuvent-ils donc avoir aussi peu de discernement que des imbéciles qui ne réfléchissent guère plus loin que le bout de leur nez pour se dire qu’avec elle, cela aurait, et j'en doute, pu être possible de penser qu’elle accepterait de vivre à la campagne toute l’année sans trouver à y redire, elle qui ne vit que pour paraître, pour être admirée et gâtée par mon propre père, de surplus ! Je me demande même si elle à l'instinct maternel ? Il serait fort étonnant qu'elle s'occupa de son enfant elle-même ?

    — Peut-être que son époux l'aime vraiment ?

    — Peut-être... mais elle... l’aime t-elle vraiment ? 

    La jeune comtesse eut un léger mouvement d’épaules imperceptible, lorsqu'elle murmura avec une ironie à peine dissimulée :

     C'est la question que je me pose très précisément depuis longtemps ! Comment un homme tel que William a pu aimer une Ludivine si peu faite pour lui ? Cette idée me taraude…

    Ce fut par le petit sentier, au bas du flanc rocheux qui supportait Monteuroux, qu'en début d’après-midi, Isabelle, s’en alla au village. Le soleil un peu voilé de la matinée s’était éclipsé, caché par un écran de nuages noirs, prometteurs de pluie. La rivière grondait toujours, ce qui n'empêcha pas la jeune comtesse de s'engager sur le pont pour y admirer les impressionnants remous. Une fois qu'elle l'eu passé, Isabelle croisa un paysan et des femmes qui lui souhaitèrent joyeusement le bonjour. Elle entra chez Émilie Granchette qui avait été la femme de chambre de sa tendre mère. Elle la trouva dans son fauteuil où la retenaient de vilains rhumatismes. Lorsque la vieille servante aperçu la jeune fille, sa joie de la revoir lui mit les larmes aux yeux lorsqu'elle se confondit en compliments :

    Que Mademoiselle Isabelle a donc embelli ! C’est un plaisir de la regarder ! Oh ! Je n'aurais jamais pensée être encore sur cette terre et d'avoir le bonheur de vous revoir encore une fois ! Vous êtes tellement belle, chère Demoiselle ! Aurons-nous la joie de vous savoir un jour fiancée, puis mariée avant que je ne quitte ce monde et que Dieu me rappelle à lui ? Ajouta la bonne Émilie.

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    — Oh ! Quelle idée vous avez là, ma chère Émilie ! Fit Isabelle avec un rire très léger et charmeur. 

    Je ne songe nullement au mariage, mais uniquement être indépendanteJe ne veux être l’obligé d’aucun mari. Je sais très bien ce que l'on me réserve au château, et il n'en ait nullement question !

    Émilie leva les mains en signe de vive surprise.

    — Vous voulez vous assumez ? Et comment allez-vous vous y prendre, chère petite demoiselle ?

    — Mon oncle approuve tout ce qui est arts décoratifs. Il aime la peinture sur toile et autres. Ceci m’agrée.  Lorsque j'aurai passé l’été dans mon cher Monteuroux, j’irais m’installer à Paris en compagnie de ma marraine.

    Émilie hocha la tête.

    — Tout de même, une demoiselle de Rubens !

    Isabelle eut encore ce joli rire léger.

    — Nous sommes en un autre temps, ma bonne Émilie, et je suis bien loin d’être seule. Et puis ce n’est qu’un patronyme indiquant que je suis de sang noble, et que je me trouve parmi les privilégiées de ce monde puisque ma grand-mère m’a légué toute sa fortune. Je suis largement pourvu ma bonne Emilie. Cette fortune imprévue m'aidera dans le monde des arts, et aussi dans ma nouvelle installation dans la capital.

    — Ah ? J’ignorais cela. Je suis heureuse pour vous que votre grand-mère ne vous ait pas oublié !

    — Oui, elle m’a laissé un gros héritage. L'avant-veille de son décès, elle m'a fait appeler et m'a fait part de ses dernières volontés en me nommant sa légataire universelle. A seize ans, je n'étais pas consciente de ce que représentait la fortune de ma grand-mère, et je ne comprenais pas ce que voulait dire être sa légataire universelle. C'est que bien plus tard que j'ai compris, avec l'aide de mon oncle, l'importance de mon héritage, et ce que cela signifiait que d'être sa seule héritière. Ce n'est que par mon oncle qui est mon subrogé tuteur, que j'ai appris ce que signifiait ce lègue. Mon père ne m’en avait rien dit. 

    Isabelle ne put s'empêcher de penser que c'était encore une méchanceté de plus de la part de sa belle-mère. Elle reconnaissait bien là, sa marâtre ! Le testament de sa grand-mère l'avantageant elle seule, avait dû lui déplaire au plus haut point, et dissimulant bien sa rage devant son époux, elle l'avait certainement empêché de m’apprendre que j'aurais ainsi, à ma majorité, une indépendance pécuniaire plus que substantielle. 

    La jeune Isabelle pensait avec reconnaissance à sa grand-mère qui l’avait délaissée, presque ignorée de son vivant, mais qui, au seuil de la mort, s'était ravisée en lui prouvant sa confiance en lui confiant tous ses avoirs. Le soulagement de pouvoir se suffire à elle-même une fois majeur, Isabelle lui en était très reconnaissante. Que son aïeule l’eût fait par haine de sa belle-fille qui voulait, à tout prix, s'approprier les joyaux qu'elle détenait, et voulant aussi punir son fils qui n’avait pas respecté son autorité, c’était fort probable... Jusque maintenant Isabelle n'avait pas pensé au trésor que son aïeule lui avait confié la veille de son décès puisqu’il était toujours à l’abri dans la cachette connue d’elle seule, et que personne n’avait réussi à trouver. La comtesse Marie-Marguerite n'avait rien légué à sa fille, considérant qu'elle avait sa propre fortune personnels qui, d'après elle, suffisaient largement à son existence. 

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    Après sa visite à Emilie, Isabelle se dirigea ses pas vers le presbytère ou elle entra. S'étant assise devant le bureau du prête, elle attendit patiemment qu'il finisse ce qu'il était en train de faire. Lorsqu'il fît son apparition, son visage amaigri, et ses cheveux blanchi par les années, Isabelle en fut très surprise. Ce qu'il avait changé en six ans ! Ne désirant pas que le prêtre remarque sa surprise, elle lui parla de son existence à verte-court, et de ses projets artistiques. Cette dernière année, son oncle, surprit du talent de sa nièce, l’avait envoyée à ses frais, dans une école de beaux-arts pour suivre des cours de peinture et d’art décoratif. Isabelle était revenu avec plusieurs diplômes dans ses bagages, dont celui qui lui permettrait de se faire un nom dans  la décoration. Son oncle l’encourageait beaucoup à se diriger dans cette voix, étant donné ses disposition vraiment exceptionnelles. 

    — C'est très bien ! J’aime beaucoup cela pour vous, dit l'abbé. C'est autant mieux pour vous, que vous aurez la protection de Mlle Adélaïde dans cette existence parisienne.

    Chère Adélie ! Que de bienveillance envers moi ! Oui, sa présence me sera bien précieuse. D’ailleurs, nous n’aurions pu demeurer l’hiver à Monteuroux. A son âge, après le confort dont elle a joui à Verte-court, Adélie souffrirait trop de tout ce qui manque dans notre vieille tour.

    Vous pourriez demander à habiter le Château-neuf ?

    Le regard d’Isabelle s’assombrit en pensant à son père si peu communicatif envers elle, et à sa femme qu'elle ne souffrait toujours pas. Le ton qu'elle employa pour répondre au père Verges, démontrait bien qu'elle n'avait nullement changer d'avis envers sa belle-mère, pas plus qu'elle n'avait changé d'opinion concernant son père toujours sous l'emprise de sa marâtre. Isabelle daignât quand même répondre à l'abbé :

    — Demander à mon père et à ma belle-mère une faveur ? Je n’en sent pas le besoin ! J’ai pris de bonnes résolutions, monsieur l'abée. Je suis décidée à être correcte et conciliante, quels que soient mes sentiments à l’égard de ma belle-mère. Mais je tiens à conserver ma pleine indépendance et à ne rien lui devoir, pas même une complaisance. Du reste, je ne pourrais me faire une situation si je devais rester à Monteuroux. Je sais que père, sous l’influence de sa femme, veut me marier rapidement, mais ils peut me présenter n’importe quel parti, ce sera toujours non. Je ne tiens pas à me marier pour la bonne raison que je n’accepterais jamais d’être soumise à un homme parce qu’il est un bon parti et que sa fortune aurait largement de quoi à me faire vivre. J'ai de quoi voir venir et n'ai nul besoin d'un chaperon en guise de mari. Je n'appartient à personne qu'à moi-même. Être indépendante est mon souhait. Je me suffis à moi-même. Aucun homme, si fortuné soit-il, ne saurait m’agréer. Si j’accepte d’être fiancée un jour, c’est que je serais éprise de celui que j’aurai moi-même choisi, et que ce jeune homme sera épris de moi. En aucune manière je n’épouserais par intérêt ! Il serait bien improbable que je supporte de céder ma fortune à mon futur mari en guise de dote !

    La jeune comtesse savait ce qu’elle voulait. L’abbé comprit qu’au fond, cette fière jeune fille, devenue une belle jeune femme, était restée la même en droiture et force que caractère.

    Le prêtre reprit :

    Évidemment. A moins d’être comme Juliette qui, depuis un an, seconde activement son frère dans la propriété familiale.

    Juliette ? S’étonna Isabelle. Elle habite maintenant Aigue-blanche ?

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    — Oui. Elle a suivit des cours ménager, et des cours d’horticulture en Suisse pour aider son grand frère. Elle aime beaucoup les occupations de la campagne. Par contre, Mme de Rubens est très fatiguée. C'est dû à cette maladie qui la mine. Elle à donc, malgré sa réticence, dû abandonné les tâche qui lui incombaient auparavant et laissé à sa fille le soin de la remplacer. Son fils gouverne le domaine depuis un bout de temps, supplée par sa sœur. Juliette peut aujourd’hui assumer les tâches que sa mère désirait conserver pour elle jusqu’au bout de ses possibilités. Mais elle a laissé la place à ses enfants depuis déjà pas mal de mois. Elle garde quand même un œil sur tout son monde, ce qui lui donne l'impression d'être encore indispensable. C'est une femme assez difficile à cerner...

    — Je n'étais pas au courant que Marie-Catherine de Rubens était si fatiguée ? Nous n'étions guère en bon terme lorsque je lui ai fais mes adieux sous la pression de mon père.

    — Depuis qu’elle ne peut plus mener sa vie comme elle la menait quelques années auparavant, la comtesse aime superviser tout ce qui se fait sous l’autorité de son fils aîné qui la laisse s’intéresser au domaine pour ne pas qu’elle se sente devenu inutile. Cependant, elle tient à garder un œil sur la tenue des comptes, estimant que c'est son rôle et qu'elle peut encore s'occuper des finances du domaine. La comtesse aime aussi tout ce qui fait partie de l’horticulture. Elle supervise donc l'agencement du jardin qui est, bien sûr, entretenu par son jardinier à qui elle donne directement ses ordres. La comtesse apprécie beaucoup de se sentir toujours maîtresse chez elle et digne comme doit l'être une dame de haute noblesse. Quant à tout ce qui est agronomie, l’autorité de William fait des miracles. Juliette se plait dans les tâches qu’il veut bien lui confier. C’est une aimable nature, franche et gaie. Elle est d’un grand secours pour votre cousin. A eux deux, le domaine prospère doucement.

    Plus que sa femme, je suppose ? Elle n’a pas l’air de se conduire telle une épouse qui aime son époux et qui le soutient... Une ironie un peu sèche passait dans la voix d’Isabelle. Le prête, lui, eut un geste léger de la main :

    Oh ! Elle... Dit-il seulement. Il garda un instant le silence, l’air pensif, un peu soucieux en pensant au mariage déjà vieux de six ans qui, pour lui, n'était qu'une parodie. Ne désirant pas s’étaler sur ce sujet épineux, il changea de conversation en regardant la jeune comtesse avec bienveillance, et sourit en lui suggérant :

    Juliette serait une agréable amie pour vous mon enfant.

    — Isabelle resta un instant silencieuse avant de confier à l'abbé :

    Vous savez que j’ai une nature peu communicative, mon père. Mais il est vrai que je n’ai jamais eu de très bonnes compagnes d’études ou de confidentes comme en ont généralement les jeunes filles de mon âge. De vraies amies devenues plus intimes avec moi ? Je suis obligée de reconnaître que non. Ma cousine Alice qui est pourtant très aimable, n'a pas réussit à dépasser le lien familiale qu'il y a entre nous, et ce, depuis le premier jour ou je suis arrivée chez mon oncle. Je dois reconnaître que je n'ai rien fais pour briser ce mur invisible qui nous empêchait d'être plus que des parentes. Je n'ai rien à lui reprocher ! Elle est venue à moi... C'est moi qui n'ait pas réussi à aller vers elle. Pourtant c'est une personne très gentille.

    Toujours un peu secrète, Isabelle ?

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    — Oui, mon père.Toujours... 

    Le prêtre la considérait pensivement. Dans ce franc visage, il retrouvait ce mélange de loyauté, de mystère, de 

    volonté ardente qui, déjà, distinguait le caractère de l’adolescente qu’elle avait été six ans auparavant. Sans doute aussi, pas plus qu’autrefois, cette âme ne se livrait entièrement, non par manque de droiture, mais simplement parce qu’une énigme se cachait en elle et demeurait enfouis au tréfonds de son âme depuis son plus jeune âge... Une énigme dont elle ne connaissait pas encore, elle-même, le fin mot.

    Isabelle se leva pour prendre congé de l’abbé en disant qu’elle reviendrait un de ces jours suivants,  accompagnée certainement de sa marraine, dans sa petite voiture dont son oncle lui avait fait présent, afin qu’elle puisse circuler autour de Monteuroux avec facilité.

    La belle jeune femme qu’elle était devenue, se dirigea vers la porte du presbytère, et l’ouvrit au moment où un jeune homme mince et bien fait de sa personne, pénétra dans le vestibule.

    — William ! Dit-elle à mi-voix.

    Il se découvrit en s’avançant vers elle avec un regard étonné qui s’attarda sur sa personne. Ne détachant pas son regard de la jeune femme, son visage s'éclaira lorsque aimablement, il lui dit :

    — C'est une délicieuse surprise de vous voir ici à Monteuroux, ma cousine ?

    L’abbé, qui avait suivi Isabelle du regard, dit en souriant :

    Vous l'avez reconnu, mon cher ami ?

    —  Mais oui ! C'est Isabelle ?

     Oui, c’est moi William ! Lui dit-elle en souriant et en lui tendant sa main.

    Avec la même spontanéité dont elle savait faire preuve dans les moments de légèreté, à la vue du jeune homme, l’émotion qu'elle éprouvait se trouva instinctivement réprimée tandis que William s’étonnait :

    Vous avez beaucoup changé, ma cousine. Cependant, je vous reconnais à vos yeux...

    Le silence se fit avant que William ne reprenne :

    — Nous ignorions que vous fussiez déjà à Monteuroux.

    Depuis ce matin seulement. Mr le curé vient de me dire que votre mère n’est pas bien ?

    — En effet, depuis quelque temps, ma mère nous inquiète. Il lui faut beaucoup de repos. Je pense que c'est son coeur mais vous connaissez son caractère ! Elle ne veut pas admettre qu'elle à un grand besoin de se ménager. Heureusement que Juliette me seconde bien depuis qu’elle a choisi de rester définitivement avec nous. 

     Isabelle s'enquit de la santé de André :

    Et votre frère André, comment va-t-il ?

    Il est toujours dans le même état... très patient et très résigné.  Il sera content de savoir que vous allez venir nous voir à Aigue-blanche bientôt. 

    Isabelle acquiesça :

    Mais c’est avec un grand plaisir que nous vous rendrons visite un de ces jours-ci. Je viendrais avec Adélie.

     

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    — Pensez-vous rester quelque temps à Monteuroux ?

    — Jusqu’à la fin de l'automne, probablement. Comme je le disais à Mr l’abbé, il faut que je me fasse une situation par mon travail.

    Ils échangèrent quelques banalités comme les gens qui ne se sont plus vu depuis de longues années.

    — Où cela ?

    — A Paris.

    — Le temps de votre séjour parmi nous, vous habiterez chez votre père ?

    — Chez mon père ? Certes, non !

    La réplique était vive et sans ambiguïté.

    —  J'occupe de nouveau la vieille tour. Je suis libre de choisir ou je veux vivre à présent, et cela n'inclut pas château neuf.

    — Toujours indépendante à ce que je vois ?

    Un sourire détendait les lèvres de William.

    — Je sens, par d’ailleurs, que vous ne sauriez pas vivre dans une atmosphère qui ne serait pas favorable au travail que vous désireriez accomplir, si vous deviez séjourner dans la demeure de Mme de Rubens ajouta William. 

    Le sourire, devenu soudainement ironique avec une touche de dédain de la part du jeune comte, n’échappa pas à sa cousine, et prompte à la répartie lorsque quelque chose lui semblait anormalement bizarre, elle fît montre d'un étonnement certain en posant la question d’un air surprit mêlé d’ironie, qui lui brûlait les lèvres :

    Mais qu’entends-je ?! Ne serait-ce plus, depuis que je suis partie, la demeure de mon père ?! Le château aurait-il changé de propriétaire en mon absence ?! Serait-il possible que Monteuroux soit devenu la propriété de Mme de Rubens, anciennement vicomtesse d’Argenson ?! Les uses et coutumes ont-elles évolués au point que la demeure ancestrale du comte Rudolph de Rubens ait changé de propriétaire ?!

    William se sentit gêné devant le ton employé par Isabelle, mais il ne releva pas. Pour couper court à toutes répliques mal venues de la part du jeune homme, l’abbé Forges demanda :

    Avez-vous des nouvelles du petit Thierry ?

    Oui, il va un peu mieux. Demain je vais le chercher pour l’amener ici, car l’air de Paris est déplorable pour les poumons de ce jeune enfant, avec les véhicules à moteurs. Sa santé est des plus fragile. Il vaut mieux qu’il respire le bon air de la campagne. Vous partiez, Isabelle ? Si vous rentrez à Monteuroux, je peux vous conduire en voiture ? Cela vous éviterait une inutile marche par les chemins rocailleux. La route est entretenue et dégager. Je n’ai qu’un mot à dire à Mr le curé. Isabelle remercia William en déclarant qu’elle aimait mieux remonter à pied, la marche étant bonne pour la santé. Et puis elle voulait faire une halte au cimetière, visiter ceux qui s’en étaient allés durant son absence et flâner le long des chemins et sentiers si familiers avant son départ pour l’Angleterre, afin de respirer l’air vivifiant de la campagne. 

    Elle prit congé du prêtre et de William, alléguant une station à l’église, puis elle fit une halte au cimetière pour déposer des fleurs sur les tombes de ses amis paysans défunts. Ensuite, elle s’appliqua à rejoindre la vieille tour par le sentier menant à Monteuroux.

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    Son pas restait ferme et alerte, mais son esprit était distrait et la joie de son retour subissait une sorte d’éclipse. Depuis l’instant où elle avait revu le beau visage de son cousin-germain, elle avait perçu dans ce regard franc, comme une tristesse qu’il cherchait à dissimuler. A sa vue, ses yeux foncés, durs à son encontre, n’avaient plus la froideur dédaigneuse d’autrefois… En le voyant apparaître à la porte du presbytère, quelque chose s’était comme réveillé en elle. Ce qu’elle croyait si bien enfoui dans le domaine de l’oubli et de l’inexistant, refaisait surface à sa vue, elle qui, plus d'une fois, avait pensé avec un peu de mépris, que son cousin devenu le mari de Ludivine, lui serait à jamais indifférent, et voici qu’elle sentait que de nouveau, elle pourrait le détester, tout comme la jeune Isabelle de son passé.

    Le détester... ou le plaindre ? Mais souffrait-il vraiment de ce mariage ridicule... ce froid William ? Était-il capable de souffrir pour une Ludivine ? Isabelle eut un rire ironique et leva les épaules devant ses pensées qui la troublaient plus qu'elle ne voulait l’admettre. C'est presque en courant qu'elle se mit à gravir le sentier menant à château vieux.

    Adélaïde aimait à respirer l’air vivifiant des montagnes et vallées alentours lorsqu'elle se promenait avec sa filleule. Oh ! Ses promenades n'étaient pas longues, ses jambes la faisaient souffrir. Sa vue ayant baissée avec l'âge, lire lui était également devenue difficile. C’était Isabelle qui, avec beaucoup de gentillesse, lui faisait la lecture. Elle aimait aussi beaucoup, afin de se distraire, partir avec sa protégée pour de petites promenades en voiture lorsqu’elles deux désiraient descendre à la ville. Isabelle était une jeune personne qui n'aimait pas abuser de la disponibilité des domestiques. Elle avait vite fait de reprendre ses habitudes et refusait de laisser Angèle s'escrimer à faire le ménage dans sa chambre, alors qu'elle était tout à fait capable de subvenir à ses  propres besoins seule, ainsi qu'à ceux de sa marraine. Lorsqu’elle avait finit d’accomplir ses tâches quotidiennes, il lui restait encore assez de temps pour peindre ou lire, sans omettre le temps qu'elle réservait chaque après-midi  pour une promenade dans le parc ou dans les environs de celui-ci. Elle songeait, en outre, à modifier par le détail, l’agencement des deux logis et pour cela, quelques jours après leur arrivée, elle se rendit avec Adélaïde à la ville voisine afin d’y acheter le nécessaire dont elles avaient besoin pour les transformations de leur petit chez elles.

    A leur retour, Dominique lui apprit que Juliette de Rubens était venue en son absence.

    Nous irons dès demain, dans l'après-midi, rendre visite à mes cousins d'Aigue-blanche. Ils seront certainement heureux de nous voir. C'est très aimable à Cathy de nous avoir devancé. Dit Isabelle à sa marraine. 

    Le temps pluvieux de la veille et du matin s’était éclaircit quand, en voiture, elles prirent la route du manoirDes cumulonimbus zébraient le ciel, promesse d’orage et d'éclairs, accompagnés de pluie ou de grêle.

    Au passage du cabriolet, Isabelle ralentit devant le château de Mme de la Chamalières dont les volets étaient clos. Normalement, elle ne venait chaque année que fin juin. Peut-être même, comme le fit remarquer Adélaïde, qu’elle ne viendrait plus du tout maintenant qu’elle aussi était très malade. C'est ce que lui avait dit Dominique. Isabelle pensa :

    — Que n’a-t-elle choisi, autrefois, une autre résidence plutôt que celle-ci ? Mon père n’aurait pas connu cette d'Argenson de malheur, et tout aurait pu être différent.

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    Comme la voiture entrait dans la cour du domaine d’Aigue-blanche, Juliette parut sur le seuil. Elle eut une exclamation joyeuse en les voyant et vint en souriant à leur rencontre. Avec son teint halé et son sourire avenant et la vive gaîté de ses yeux d’un vert soutenant une incroyable transparence, tout cela faisait de cette jeune demoiselle, une jolie jeune fille pleine de santé. Sa cordialité toute simple plut à Isabelle.

    Cette Juliette à la joie de vivre communicative qu’elle avait peu connue autrefois, lui inspira, d’emblée, de la sympathie. Dans le salon, André était assis près d’une fenêtre, s’entretenant avec son frère debout devant lui. Un peu plus loin, près d’une table ronde, la comtesse Marie-Catherine de Rubens tricotait, quand Juliette annonça gaiement :

    — Voilà Isabelle ! Tous trois tournèrent la tête vers la porte, et André dit aimablement :

    — Nous étions très impatients de vous voir, Isabelle. fît André.

    — Précisément, nous parlions de vous, ajouta William. Le jeune homme en écrasant dans un cendrier la cigarette blonde qu’il tenait entre ses doigts. Il s'avança enfin vers les arrivantes, et serra respectueusement la main d’Adélaïde, tout rencontrant le regard troublant d’Isabelle, il se pencha vers elle, lui prit la main qu'elle lui tendait pour respectueusement l'effleurer. Décidément, il trouvait sa cousine bien changée. Il n’y avait plus aucune trace de cette hostilité qu’elle lui avait témoigné autrefois. Vint le tour de Marie-Catherine de Rubens d’accueillir les visiteuses fort aimablement, d'ailleurs. Elle avait le visage vieilli et la jeune comtesse la trouvait visiblement très fatiguée. Elle ne retrouvait plus, non plus, en elle, la parente toujours portée à la critique qui la jugeait avec une sévérité contre laquelle elle se révoltait du haut de ses seize ans avec un aplomb peu commun. L'accueil s'étant fort bien passé malgré les craintes de Isabelle, William qui, à leur arrivé, discutait avec son frère, mis au courant Isabelle de leur aparté :

    — André me disait justement qu’il aimerait revoir le vieux Monteuroux en votre compagnie, sans que votre père ne soit présent. Un jour d'une chaude matinée d'été,  il y a de cela bien longtemps, votre père avait fait visiter le domaine à André. Isabelle, gênée, s'excusa : 

    — J'aimerais bien lui faire ce plaisir, mais c'est risqué. Je ne pénètre jamais dans château neuf, que mon père soit là... ou pas.

    — Alors, vous ne vous risquez jamais dans château neuf, même s'il n'y a personne ? 

    — Non. Je n'aime pas l’atmosphère qu'il y règne. Lorsque j'étais plus jeune, et avant que je ne parte pour l'Angleterre, je me cachais et fouinais un peu partout dans château neuf, les mois ou il était inoccupé. J'aimais surtout la bibliothèque ou je pouvais m'instruire sans être dérangée. Savez vous qu'il y a aussi une bibliothèque en très bonne état dans château vieux ? Il est vraiment dommage de le laisser s'enfoncer dans la vétusté...  j'y ai souvent fais de petites haltes pour me détendre en m'instruisant. Il y a des livres très intéressants à consulter sur les poisons incolore, inodores et ne laissant aucune trace dans l'organisme. Pour certaines femmes malveillantes, Il y en a eu, et il y en a encore ! Il n'est rien de plus facile que d'administrer un poison indétectable afin d'éliminer un mari trop gênant, bénéficiant, de préférence, d'un noble patronyme et d'une fortune appréciable... mais le temps de L'adolescence est révolu, sans que pour autant, mes opinions aient changées.

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    Depuis que la jeune comtesse de Rubens était revenue de chez son oncle, elle se sentait anormalement bien. Elle n'avait pas revue son père et les deux femmes qui l'accompagnaient. Elle se sentait légère, enjouée et à son aise. Elle profitait de son cher Monteuroux en tout liberté, et ne ressentait pas la désagréable impression de rencontrer au détour d'un chemin, la femme de William. Quant aux relations qu'elle poursuivait avec son père, elles n'avaient guère changé depuis le jour ou elle était partie pour l'Angleterre. Elle ne l'avait pas revu depuis et ne s’en portait pas plus mal. L'après-midi de sa visite à Aigue-blanche, Isabelle se sentit tout de suite en confiance. La comtesse Marie-Catherine avait déchanté au sujet de la d'Argenson et de sa fille depuis que celle-ci avait épousé son fils. Elle avoua à sa nièce qu'elle s'était trompé sur les intentions de sa belle fille, ainsi que sur celles de sa mère qui était une femme sans cœur, manipulatrice et menée seulement par l'appât du gain. Ces aveux avaient le parfum du repentit vis à vis d'elle, ce qu'elle prit en compte, mettant cela sur sa crédulité vis à vis de la d'Argenson. Délaissant un moment son ouvrage, la mère de William l’interrogea avec intérêt sur sa vie en Angleterre et parut satisfaite d’apprendre qu’elle y avait été très heureuse. Dans une sérénité parfaite, Juliette prépara le thé qu'Isabelle l’aida à servir. Après cela, les jeunes gens se mirent à causer entre eux de choses et d’autres. Isabelle, très gaie lorsqu’elle se trouvait dans une ambiance sympathique, racontait avec humour des anecdotes qui amusaient André et Juliette tout en amenant un sourire sur les lèvres sérieuses de William. Puis l’entretien glissa sur la littérature anglaise que connaissait les deux frères. William qui avait peu parlé jusque-là, émit des réflexions dont la finesse et la lucide intelligence frappèrent Isabelle. En l’écoutant, elle comprit qu’André, Juliette et lui, dans une limite modeste, se tenaient au courant du mouvement intellectuel par goût et non par snobisme, ainsi que tant d’autres le faisaient. Comme les visiteuses se retiraient, reconduites par Juliette et William, un petit garçon parut dans la cour en compagnie d’une nurse. Juliette s’écria :

    Voilà Thierry ! Viens dire bonjour à Isabelle mon petit !

    L’enfant s’approcha. Il était fin de corps et de visage. Son teint rose et blanc avait l’apparence d’une délicate porcelaine. Des boucles brunes entouraient sa petite frimousse et deux beaux yeux bleu, pareil à ceux de sa mère, se levèrent sur Isabelle. Son regard la saisie au plus profond d’elle-même. Ces yeux : les mêmes yeux angéliques que Ludivine, Et cette grâce déjà doucereuse avec laquelle cet enfant la saluait, la dérangeait. On ne pouvait s’y tromper. L’enfant avait beaucoup de ressemblance avec sa mère. Machinalement, elle tourna la tête vers William. Il regardait son fils, et la façon dont il le fixait était dur. Pourquoi cette dureté ? Isabelle se posait la question, mais ne tenait pas à en connaître les raison pour lesquelles il le regardait si durement, de peur d’en trop bien en comprendre le sens.

    Thierry. Va maintenant prendre ton goûter. Lui dit-il d’un ton bref.

    Isabelle, plus que surprise, garda pour en son fort intérieur l’effet qu’avait sur elle le ton que William venait d’employer envers son petit garçon. William avait l’air très contrarié quand il s’adressa à la nurse sur un ton qui ne supportait aucune réplique :

    Comment faut-il vous expliquer les choses, Mlle Catelin ? Je vous ai déjà prié, de le faire rentrer assez tôt pour qu’il puisse goûter à quatre heure, et se reposer ensuite. C’est une prescription du médecin qui doit être suivit à la lettre et ne souffre d’aucune dérogation.

    Mais Mme m'a recommandé de bien lui faire prendre l'air !

    Madame n'a pas son mot à dire ! Je suis encore maître chez moi, me semble t-il ! Mes instructions doivent être respectées ! Est-ce claire !

    La mince Anglaise lui jeta un regard en dessous et répondit d’un ton pincé :

    Bien, Mr le comte.

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    Juliette eut un haussement d’épaule et la suivant des yeux. Elle ne peut s'empêcher de faire une remarque :

    — Je crois que tu vas avoir beaucoup de mal avec cette nurse-là.

    William dit entre ses dents :

    — Oui, on lui a trop bien fait la leçon. Il m'est difficile de reprendre la mauvaise éducation que sa mère et sa grand-mère lui inculque.

    A nouveau, son visage s’était assombri. Il prit presque hâtivement congé des visiteuses. Juliette n’oublia pas de rappeler encore à Isabelle de ne pas oublier qu’elle viendrait déjeuner pour le dimanche suivant. Un peu plus tard seulement, Isabelle songea que personne, cet après-midi-là, n’avait prononcé le prénom de Ludivine, pas plus que celui de la d'Argenson.  

    Pour moins penser à tous ces détails qui la minaient, Isabelle décida de donner un air de renouveau à ce qui servait d'appartement à sa marraine, ainsi qu'au siens. En quelques jours, avec l’aide de Dominique, Isabelle s’employa à tout changer dans les six pièces divisées en deux du premier étage. Le tableau de sa tendre mère retrouva sa place, et les fenêtres étaient maintenant ornées de doubles rideaux en cretonne. Les sièges, eux aussi, avaient prit un coup de jeune. 

    En fouillant dans les divers greniers de château-vieux, Dominique et Angèle avait trouvé quelques anciens meubles relégués là, par la d’Argenson, et qu’une peu coûteuse réparation pouvait permettre de les utiliser à nouveau. Isabelle y avait également découvert un magnifique psyché en bois de rose orné d'anciennes sculptures qui irait très bien dans sa chambre, ainsi qu'un très beau meuble de toilette Victorien. Sa quête avait été jusqu'à dénicher un jolie petit bonheur du jour datant du XVIII siècle, de somptueux vases en faïence et en porcelaine, datant également du siècle dernier, oubliés dans un placard de l’appartement qui avait été, autrefois, occupé par sa grand-mère. Avec Isabelle, aidé de Dominique, ils s'étaient retrouvés d'actualité dans les lieux de vie ou vivait Adélaïde, sans oublier, bien entendu, chez elle. Les meubles avaient été dépoussiérés, et ciré. Les vases que la jeune femme avait disposé dans les diverses pièces occupées par sa marraine et elle-même, furent lavés et garnis de fleurs, ce qui donna un air de gaieté et de raffinement à l'ensemble des deux appartements

    Isabelle aimait explorer les moindres recoins des greniers ou, bien souvent, elle dénichait de très beaux objets rares  abandonnés dans un coin, alors qu'ils pouvaient à nouveau être mis en valeur chez elle deux. Il y avait aussi de vieilles tapisseries d’Aubusson qu’elle destina à cacher les très vieux murs de pierre épais d’au moins plus d'un mètre, ce qui, tout de suite, fit la différence à ses yeux. Elle n’oublia pas de récupérer aussi des tapis de sol encore utilisables, volontairement négligés depuis des lustres par la d’Argenson. Isabelle avait beaucoup de goût et tout ce qu’elle récupérait, redonnait un air de jeunesse aux pièces ou sa marraine et elle vivaient. La jeune fille savait très bien mettre en valeur les objets qu’elle trouvait pour redonner un peu de cachet à cette vieille tour carrée qui l’avait vu grandir.

     Isabelle demanda de l'aide aux quelques domestiques restant à demeure à Château-neuf pour son entretien, prêt à accueillir les châtelains lors de leur venu à Monteuroux.  Dans l’air frais du matin de cette journée de printemps, Isabelle fit battre les grands tapis ternis par des décennies de poussière accumulées, ainsi que les très grandes et belles tapisseries d'Aubusson datant, elles aussi du dix huitième siècle. Les domestiques se mirent à l'ouvrage, respirant l’épais nuage de poussière qui se dégageaient de ces anciennetés, ce qui les incommodait fortement au point de les faire tousser. La jeune comtesse voulu les aider, mais ils refusèrent, lui signifiant que ce n'était pas à elle de faire ce travail, et que cela leurs faisait plaisir de lui rendre ce service.

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    Le printemps était bien là, mais à cette époque de l’année, il fallait encore chauffer afin d’apporter plus de bien être dans les appartements de cette tour qui avait des murs dont l'épaisseurs, comme je l'ai déjà évoqué, atteignait plus du mètre, les pierres, vu leur ancienneté, emmagasinaient l'air. Les pièces étaient très dures à chauffer. Isabelle demanda à Dominique de lui monter suffisamment de petit bois sec, ainsi que des bûches de toutes tailles, afin  de pouvoir allumer un bon feu dans les pièces disposant d’une grande cheminée. En laissant les porte communicatives largement ouvertes, sa marraine devrait avoir beaucoup plus chaud.

    Lors de la première visite de Juliette, celle-ci déclara :

    Ce n’est pas très gai, chez vous ma chère Isabelle ! Dire que vous avez passé dix ans de votre vie seule sans votre mère et pratiquement sans le seul parent qu’il vous restait et qui avait oublié son rôle de père. Cette vieille tour devait transpirer la tristesse et l'humidité ? Elle tient tout juste debout ! Une chance que le soleil  trouve le moyen de pénétrer par les meurtrières transformées en fenêtres !

    Lorsque j’étais plus jeune, ce n’était pas l’aspect de ma chambre qui me préoccupait, mais justement l’abandon de mon père qui ne semblait pas se soucier de mon sort. La solitude me pesait... son manque d’affection, surtout. Je ne me plaisais pas dans l’isolement de cette tour, mais au moins, dans cette chambre, je m’y sentais chez moi et à l’abri des sarcasmes de ma belle-mère, dit brièvement Isabelle.

    Les deux jeunes filles étaient assises toutes deux près de l'une des fenêtre, tricotant et cousant dans un silence interrompu de temps à autre, par leurs gentils papotages afin d’occuper ce silence qui devenait assourdissant par moment. Après plusieurs jours de pluie, une lumière surnaturelle baignait la fraîche campagne encore toute humide sentant bon l’herbe des près et les essences qui, après ces longues journées d’averses continues, s’échappaient du sol et se répandaient dans l’air. Ça fleurait bon la nature. De la vallée montait un grondement venant de la sage rivière, transformée, cette fois, en un torrent furieux et bouillonnant.

    Après une longue réflexion toute intérieur, la jeune Juliette murmura :

    Oui, évidemment.

    Ses yeux firent le tour de la pièce, s’arrêtant un instant sur le portrait de Daphné. Elle dit pensivement :

    Vous ne ressemblez pas à votre maman, Isabelle. Vous êtes une de Rubens.

    Effectivement. Mon oncle le constatait également. Il aimait beaucoup sa jeune sœur ; mais à son grand regret, il  aurait eu plaisir à la retrouver en moi.

    Cependant, il avait rompu avec elle ? Continua Juliette.

    Isabelle éclaira son amie.

    Rompu, non. Pas vraiment. Mon oncle et mère s’écrivaient toujours. Jai cru comprendre qu’elle était prête à se fiancer au meilleur ami de son grand frère, quand elle rencontra père. Mon oncle essaya bien de la dissuader de convoler en juste noces ; mais elle était amoureuse de père. Son frère eut beau lui démontrer qu’elle ne serait pas heureuse avec lui… et il n’avait malheureusement pas tord... Lorsque l’amour véritable s’en mêle, rien ne peut arriver à rompre ce lien. D’après ce que je sais de mère et de père, pendant mes cinq premières années, leur amour était indestructible jusqu’à cette soirée tragique ou mère perdit la vie. Jusqu'à mes 16 ans, je n’étais pas au fait de ce qui lui était arrivé. On me l’a sciemment caché. La chipie qui m’a révélé ce qui était vraiment arrivé à mère, c’est la femme de votre frère. Aussi, je j’ai magistralement giflée, ce qu’elle n’a jamais vraiment digéré. Bien sûr, elle n’en dit mot à personne et je fit de même, laissant à Dieu le moment et l’heure ou il appliquerait sa justice divine.

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    De ce fait, mon oncle a longtemps conservé une secrète amertume de n’avoir pas su détourner sa jeune sœur d’un mariage qu’il désapprouvait. S'il avait pu prévoir ce qui l'attendait dans ce mariage ? J’ai voulu en savoir plus sur maman, mais mon oncle qui en veut à mon père pour des raisons que ma mère à dû lui confier, ne voulu pas me troubler avec ce qu'elle lui avait écris concernant son couple. Il lui en veut plus encore depuis que, par sa faute pour ne pas l'avoir accompagné comme il le faisait chaque fois. Elle est décédée et il ne lui pardonne pas. J’aurais aimé savoir ; mais je n’ai pas trouvé où mon oncle cachait ses lettres. Je suis sûr que j’y aurait trouvé des renseignements très intéressants concernant la vie de maman. Il ne faut pas se fier aux avis partagés que l’on peut vous donner et que, par ignorance, l’on peut interpréter de façon différente lorsque l’on ne connaît pas la personne. En vérité, ce fut un homme charmant tout au long de mon séjour auprès de lui. D’ailleurs, mon cousin comme ma cousine ont été tout aussi charmants avec moi, et j’ai une particulière amitié pour mon cousin Renaud dont la nature ferme et loyale me donne une impression de sécurité en sa présence.

    Vous aimez la loyauté, Isabelle ?

    Par-dessus tout... oui.

    Il m’est plus facile de comprendre votre antipathie envers votre belle-mère et sa fille, et qui n’a, en cinq ans, nullement changé. Je m'en rends bien compte ! Un éclair d’ironie passa dans les yeux d’Isabelle. Ses mains laissèrent tomber l’ouvrage qu’elles tenaient avant de s’exclamer :

    Comment ! Vous n’êtes pas en extase devant votre céleste belle-sœur ? Le charme machiavélique de sa mère ne vous éblouit-il guère ? 

    Juliette s’excusa :

    OH ! Je les ai peu connue à vrai dire. J’étais si rarement à Aigue-blanche à cette époque. Je ne tiens pas à les connaître plus... elles me dérangent lorsqu'elles viennent tous les trois mois d'été, elle à Aigue-blanche. Sa mère, à château-Château-neuf, dispense ses ordres jusque chez nous en ce qui concerne le petit Thierry...

    Mais votre mère était en admiration devant la comtesse et sa fille. Convaincue de la véracité de ce qu’elles disaient à mon sujet, votre mère ne voulait pas se rendre compte de la duplicité de cette femme et de sa fille  qui est son exacte réplique. La faute en est que William et votre mère se sont laissés bien trop souvent tromper par leur apparente gentillesse. Savoir dissimuler leur véritable nature était un jeu d'enfant pour elles. Juliette confirma :

     Après le mariage, nous nous en sommes aperçu très vite.

    — Au tout début, votre mère et votre frère aîné se sont laissés hypnotiser par leur fausse amabilité. C'était calculé de leur part. Il fallait qu'elles arrives à les convaincre de mes défauts qu'elle poussaient à l’extrême et qui, d’après elles, était ma nature profonde. Leurs avis me condamnaient à tout jamais. Pour elles, j’étais irrécupérable. Je ne valait pas la peine que l’on cherche à mieux me connaître. André, lui, juste avant que je ne parte pour l'Angleterre, m’a avoué ce qu'il pensait de ce mariage. Il avait depuis le début de leur fréquentation, soupçonné la fausseté de Ludivine. Cette horrible fausseté qui est la tare de la femme de William transmise par sa mère, ce qui l'éloigne irrémédiablement de votre grand frère. C’est à cause de cela que... qu’ils vivent séparés ? Juliette osa confier à Isabelle le premier accrocs fait dans la promesse de mariage et qui ne fut pas tenu. Mon frère ne pouvait accepter cela. Elle lui a laissé entendre qu’elle vivrait volontiers auprès de lui, à la campagne, pour que, sur les conseils de sa mère, le mariage est lieu. 

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    Vivre aupré de lui à la campagne avec leurs fils ne fut guère le cas, d'où la colère rentrée de William que l'on sent transparaître à travers sa personnalité. Une fois mariée, il ne fallut pas longtemps à Ludivine pour exiger d’habiter Paris. William s’y est refusé plusieurs fois. Passant outre, elle suivit son idée et décida de ne revenir auprès de son mari que les mois d’été. Depuis lors, elle passe quelques semaines au court de l'année au manoir et le reste du temps, c’est auprès de sa mère et de Mr mon père qu’elle séjourne  lorsqu'ils habitent Monteuroux.  La d'Argenson a un hôtel particulier dans la capitale.

    Juliette s’arrêta un instant de tricoter, puis se remit à l’ouvrage. Isabelle, le visage tendu et assombrit regardait au dehors pour ne pas montrer son trouble. Elle avait, depuis toute jeune, raison au sujet de Ludivine. Elle ne voulais que porter le patronyme des de Rubens comme sa mère. Isabelle avait-elle encore besoin de preuves pour être sûr de la culpabilité cachée de la d’Argenson qui avait élevé sa fille selon sa ressemblance et dans les mêmes traits de caractère que le siens ? Isabelle était perdu dans ses pensées et ne remarquait pas que son amie la fixait, étonnée. Elle fut soudainement interrompue par Juliette : 

    William n’est pas d’une nature à montrer qu'il ne se satisfait pas de ce mariage. Néanmoins nous avons compris qu’elles étaient ses désillusions. Il avait trouvé dans cette union, lui qui abhorre le mensonge, une enfant gâté, hypocrite, coquette, sournoise et n’acceptant pas que l’on ne cède pas à ses caprices.

    Isabelle osa :

    Le jour où j’ai été faire mes adieux à votre mère il y a cinq ans, André m’a dit :

    — Je me demande si William sera heureux ?

    Ah ? Il vous a dit cela ? Fit Juliette.

    Oui, ce mariage l’inquiétait.

    L’apparente satisfaction de William n’était, d’après André, qu’un sacrifice pour satisfaire notre pauvre mère. Elle était toujours en proie aux difficultés financières et elle espérait trouver dans ce mariage un répit grâce à la fortune de sa belle-fille, ce qui n'arrivera jamais, car William ne veut pas toucher à la dot de sa femme. Fit encore Juliette. Ma mère ne voyait que par la fortune de Ludivine. Grâce à cette alliance, elle pensait que Ludivine allait relever le domaine avec William. Dans son idée, avec sa dot, la jeune mariée permettrait à son fils aîné de faire face aux charges que la propriété générait. Comme en outre, Ludivine était jolie, de bonne maison de par son père et qu’elle semblait plaire à William, notre mère ne voyait aucune objection à laisser aboutir cette union.

    Isabelle en déduisit que d’après ce qu’elle avait surprit de la dispute au bord de l’étang, cinq ans en arrière, l’obligation d’une réconciliation avait dû avoir eu lieu le soir même de leur altercation, afin de satisfaire la mère de William et sa future belle-mère, sans compter son père qui avait dû intercéder auprès de son jeune neveux, afin qu’il accepte de nouveau ce mariage. Tout à coup, Isabelle tourna  un regard plus vif vers Juliette, et ne pu s’empêcher de faire une réflexion :

    En somme, William n’avait pas d’autre solution que d'accepter ce mariage avec Ludivine.

    Du moins, il y fut encouragé fortement. Mon frère a-t-il éprouvé quelque amour pour Ludivine ? Cela, je l’ignore. Il est très difficile de connaître les sentiments profonds d’une nature telle que lui. Il tient à garder ce qu'il ressent de ses désillusions...

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    Il ne laisse personne percer le tréfonds de son être. S’il souffre... il souffre en silence. Pourtant, j’ai le sentiment qu’il n’aime plus sa femme, si tant est qu’il l’ait aimé un jour…

    Les jolies mains d’Isabelle reprirent l’ouvrage qu’elles avaient délaissé quelques instants. Elle se sentait nerveuse et les points de broderie s'en ressentaient.

    A travers le silence de la pièce où elles se trouvaient toutes deux, une profonde plainte s’éleva. C’était le violon de Victoria. Un noble adagio étendit ses ailes harmonieuses sur les deux jeunes amies. La tante d'Isabelle ouvrait son coeur meurtrit dans des sonorités si expressives que son violon les transmit jusqu’aux notes finales. L'instrument finit de livrer son message douloureux avant de sombrer littéralement dans un ardent sanglot. Juliette reçu en son âme cet adagio avec une émotion qu'elle ne pu contenir sans en avoir les larmes aux yeux :

    Quelle artiste ! Mais elle nous met la mort dans l’âme ! C’est atroce de souffrir autant, car elle souffre, j’en suis persuadée ! Les plaintes que son violon traduit nous transmet sa profonde peine et nous donne le frisson.

    C’est toujours ainsi lorsque elle joue. Pauvre tante ! Révoltée ? Sans doute. Très malheureuse ? certainement et je ne peux rien y faire. 

    Vous n’avez toujours aucun rapport avec elle ?

    Aucun, en effet. En fait, je la connais à peine. Je me souviens vaguement de l’avoir vu plusieurs fois lorsque j’étais petite fille et que maman était encore en vie. A cette époque, ma tante n’était pas tout à fait refermée sur elle-même et volontairement claustrée depuis toutes ces longues années. C'est très curieux ! Il me vient le souvenir de ma tante lorsque maman la recevait avec beaucoup de prévenance et d’amitié... ma tante Victoria disparue de ma vie d'enfant quelques temps avant l'accident de mère qui devait lui être fatal. Sa disparition de  a troublé si fortement mon âme de petite fille, que je ne me suis plus du tout rappelée le si beau visage de ma tante...  et son handicap. Et puis, tout cela est si loin…

    — Ta tante est-elle si belle ? 

    Trois coups de klaxon montant de la route, interrompit leur conversation. C'était  la vielle voiture de William  qui remontait le chemin carrossable se trouvant être en contrebas de la vieille tour, et à l’inverse du chemin principal montant jusqu’à Monteuroux, côté château-neuf. C’était le signal convenu qui devait avertir Juliette que son frère devait venir la prendre à la grille du domaine. Ainsi que la jeune fille l’avait expliqué à Isabelle, il avait été voir une personne dont on lui avait parlé pour remplacer la nurse qu’il ne voulait pas conserver. Juliette et Isabelle le virent passer le grand portail et se garer devant la tour même. Quand il se trouva à leur hauteur, Juliette demanda aussitôt :

    Et bien ! Cela peut-il convenir ?

    Je le crois. Demain, je donnerai ma réponse. 

    Il s'empressa de monter les escaliers en colimaçon pour se retrouver dans les appartements vétustes d'Isabelle

    Vous vous trouvez décidément bien dans cette vielle tour, Isabelle ?

    Très bien malgré les petits inconvénients du logis, répondit-elle gaiement. Juliette ne me l’envie cependant pas. Encore l’a-t-elle vue que sous un jour ensoleillé. Ici, je suis chez moi, et je n’ai de compte à rendre à personne... surtout pas à ma belle-mère qui tient depuis trop longtemps mon père sous sa coupe...

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