•  Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Le comte remarqua le raidissement subit d’Isabelle, l’accent plus sec de sa voix, et il ne pu s’empêcher de lui en faire la remarque :

    Et bien voilà un accueil chaleureux ! Je ne veux aucunement te déranger ! Je n’ai rien que quelque chose d’agréable à te dire.

    Qu’avez-vous de si important à me confier ?

    Comment aborder le sujet ? Je dois intercéder en faveur d’un prétendant, auprès de toi, pour une demande en mariage.

    Isabelle répéta, surprise :

    Une demande en mariage ?! Pour moi qui ne connaît personne !

    Pardon, tu connais Frantz Muller.

    Frantz Muller ? Ce monsieur avec qui j’ai dansé quelques instants !

    Oui Muller, le grand peintre sur qui tu as fait grande impression.

    Ce n’est pas réciproque ! Dit ironiquement Isabelle.

    Tout en parlant, ils s’étaient mis à marcher le long du parterre. Dans le frais crépuscule s’exhalaient des parfums de résine des épicéas. Le son d’un orchestre et une voix de féminine chantait " Mon cœur soupir de Mozart". La voix venait des salons de château-neuf, et portait jusqu’à eux. La douceur de cette voix n’empêcha pas son père de poser la fameuse question à laquelle Isabelle s’attendait. Quant aux quelques réflexions insidieuses et très déplaisantes dont elle allait devoir faire face, sachant la réponse qu'il attendait d'elle, elle s’y était préparée, bien qu'elle n'en ait pas envie. Elle provoqua donc la suite de ce que son père était venu chercher, par une simple question :

    — Que tiens-tu a savoir d'autre ?

    Il ne te plaît pas ?

    Il m’est indifférent, voilà tout.

    Tu devrais reconsidérer ta réponse ! Il est très recherché. Il est fort riche et déjà un homme tout à fait arrivé. Aimable, intelligent, d’une bonne famille de la bourgeoisie viennoise et ce n'est pas pour le desservir, mais il est connue de toute l’Europe. C’est un parti absolument inespéré pour toi. Il m’a demandé ta main et j’ai dû lui promettre de te parler le plus tôt possible.

    Vous lui direz que je regrette de le décevoir, mais que je ne désire pas me marier.

    Ce serait une folie, Isabelle ! Dans ta situation, sans dot.

    Que me racontez-vous ? Je suis pourvue et vous le savez très bien ! Votre mère y a veillé !

    Mais, Isabelle !

    Il n'y a pas de mais ! Je n'ai que faire de vos conseils ! Il est un fait que je n’accorde aucune importance à ce détail. Tenez-vous le pour dit ! Je préfère mon indépendance et faire ce qui me plaît, plutôt que de faire un mariage de ce genre.

    Oui, oui, J'entends bien ! Mais tu changeras peut-être d’avis plus tard, quand tu auras bien peiné pour arriver à une situation médiocre, alors que tu pourrais être une femme adulée et enviée!…

    Ma vie n'ai aucunement médiocre ! Elle n'a été médiocre que pas votre faute ! Vous ne réussirez pas à me caser ! N’insistez plus ! Je vous ai dit que faire un mariage de convenance ne m’intéresse aucunement ! Prenez-en votre parti ! Vous pouvez annoncer mon refus à ce monsieur !

    178

    sceau copyright  

     


    1 commentaire
  •  Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Les arbres sur les pentes douces, n’étaient plus que de sombres masses informes. Ce crépuscule de fin d’été laissait progressivement la place à une armada de constellations. Levant les yeux sur ce spectacle magnifique, Isabelle vit scintiller l’étoile du berger dans toute sa luminosité. Puis elle ramena ses yeux vers la terre et son regard erra le long de la vallée, jusqu’à cette allée bordé de grands ormes qu’elle ne voyait plus, mais dont elle devinait les formes dans les ombres arborescentes de la nuit complètement descendu sur château-vieux. A cette heure, ils devaient être tous les quatre devant les fenêtres du salon. Tous les quatre... et peut-être aussi, Ludivine ? Non. Ludivine passait ses soirées à Monteuroux depuis que le château abritait tout ces hôtes fortunés. Ils étaient donc seuls, délivrés de cette présence malfaisante malgré ses attitudes câlines pour mieux tromper son monde. Que ressentait William en ce moment de détente ? Avait-il encore ce visage sombre comme la plus sombre des nuits d’hiver ? Le cœur d’Isabelle se gonflait d’émotion douloureuse en pensant à lui. Légèrement penchée, elle regardait ardemment vers Aigue-blanche et songeait :

    Que ne puis-je lui enlever cette souffrance ! Ah ! Le rendre heureux au prix même de ma vie !

    Isabelle sentait l’exaltation monter en elle, ce qui la fit frissonner. A cet instant même, dans le cri passionné de son cœur, tout s’éclairait. Elle venait de comprendre qu’elle aimait William de tout son être depuis son adolescence. Ses genoux fléchirent, elle glissa sur le sol et appuya ses bras contre la balustrade. Le visage brûlant entre ses mains moites, elle se mit à sangloter. Lorsque Adélaïde, le lendemain matin, s’inquiéta de sa mine défaite, elle reçut d’Isabelle cette stupéfiante réponse :

    Je ne me sens pas bien, en effet, et je crois que l’existence à Monteuroux ne me va plus depuis que je sais que Ludivine a décidé de rester encore jusque en octobre. Cela ne m’enchante guère de supporter sa détestable présence encore un certain temps. Jamais elle ne reste plus tard que la fin Août, début septembre. Pour moi, c'est déjà trop, et il me semble qu’elle veut encore rester parce que je ne suis pas encore prête à partir pour Paris. Elle n’aime pas la campagne, mais pour ennuyer William de peur que l’on retrouve la complicité que nous avions lorsqu’elle était absenteMon père et la d’Argenson ne seront pas loin de partir. Elle ne sera plus qu’avec son fils, et l’envie d’embêter son monde à Aigue-blanche. Elle sait que je ne compte partir qu’au début de l’hiver. Je crois comprendre la raison de son changement de programme. Je vois bien qu'elle éprouve un sentiment de jalousie qu'elle ne prend même pas la peine de cacher. Je me doute que le rapprochement entre William et moi, la dérange. Le château va être mis en vente ? Je ne veux pas assister à cela. Nous irons en Bretagne... à l’Orient, dans cette petite pension de famille dont nous parlait Anne-Lise, l’amie d’Alice, la jeune sœur de mon cousin Renaud. Nous y ferons un long séjour avant de partir pour Paris ou je commencerais mes activités.

    Vous... vous tenez à quitter Monteuroux avant qu'il ne soit vendu ? Balbutia Adélie toute étonnée ?

     179

    sceau copyright  

     


    2 commentaires
  •  Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Oui, ma bonne Adélie. Jy suis bien obligée, et puis, je ne veux pas assister à la vente du château. Mon père et la d’Argenson comptent finir la saison avant la mise en vente du domaine et leur départ pour l’Italie. Je ne pourrais jamais accepter que Monteuroux appartienne à des étrangers. Au moment de la vente, je ne veux plus être ici. Cela me ferais trop mal de voir nos souvenirs s’endormir avec les vieilles pierre de la tour carrée ! Je serais loin de ce qui compte beaucoup trop pour moi. Cela me rend malade rien qu’en y pensant. Oui… je serais loin de… Isabelle contint avec peine le sanglot qui s’étranglait dans sa gorge en achevant sa phrase :

    De bien des difficultés insurmontables à vivre journellement…

    Mais que dites-vous là, Isabelle ? Que me cachez-vous ?

    Isabelle éluda la question.

    Mon cousin va arriver d’Angleterre ! Il ne sera là qu’à la fin de la semaine. Notre départ n’est pas encore fixé, Adélie. Je me dois de le recevoir comme il se doit, de lui faire connaître la tour ou nous vivons, et le présenter à mes cousins d’Aigue-blanche. Il nous restera du temps pour visiter le domaine s’y rattachant si la saison n'est pas capricieuse. Nous pourrons parcourir les alentours de Monteuroux avant la vente et faire de belles promenades à cheval. Renaud n’est guère mondain. Nous saurons profiter de mon très cher vieux Monteuroux ainsi de la campagne environnante abritant l’étang qui à engloutit silencieusement maman. Je… je ne veux pas penser que bientôt, Monteuroux ne sera plus le domaine des de Rubens. Ah ! Si je pouvais le racheter sans trop me démunir ! Mais je me dois de protéger mon avenir, puisque je serais seule à décider de mon existence comme je l’entend, et sans avoir mon père derrière moi. J'espère que vous ne me quitterez pas Adélie ? Vous êtes ma seule amie, ma marraine... et je vous aime !

    Ma chère enfant ! Je vous connais tellement bien et je sais que jamais nous ne laisserons, dans nos cœurs, mourir nos souvenirs… Je resterai toujours auprès de vous, mon enfant. Vous êtes ma seule famille, ma chère enfant !

    Adélie pensa un instant aux bijoux de la princesse hindou si réellement ils existaient. Pourtant, elle n’osa pas formuler sa pensée ouvertement. Néanmoins, elle guida Isabelle vers l’idée que le trésor vainement cherché par la d’Argenson, pourrait peut-être la tirer de ce mauvais pas si elle savait ou il était ? avec cette manne, elle aurait les moyens de racheter Monteuroux ? Isabelle fit mine de ne pas relever le raisonnement de sa marraine, bien décidée à ne pas trahir le secret de son aïeule. Elle laissa Adélie dans l’attente d’une réponse qui ne vînt pas. Sa protectrice et amie depuis sa toute petite enfance, se résigna donc, comprenant qu’elle avait fait une maladresse en évoquant le sujet. Elle n’insista pas et reprit :

    Vous voulez aller à l’Orient ? Bien mon enfant. Je n’y vois pas d’inconvénient, du moment que c’est pour votre plaisir.

    Mon plaisir… plutôt une obligation, ma bonne Adélie… une obligation...

    180

     sceau copyright  

     


    1 commentaire
  •  Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Isabelle s’empressa de quitter la pièce ou toutes deux se trouvaient, coupant court à toutes nouvelles questions qu'Adélie aurait la curiosité de lui poser.

    En regardant la chambre qui avait reprit vie avec l’aide de Dominique et d'Angèle, Isabelle eut un long frisson en revoyant laïeule mourante, son terrible sourire animé d’une rage qui enlaidissait son visage, destiné à son fils et à sa belle-fille. Ce soir là, la d'Argenson ne s’était pas démontée et avait continué de fouiller sans avoir un seul regard pour la défunte. Comme toute cette scène demeurait nette et claire dans son souvenir. Cette horrible nuit avait, pour toujours, marqué son âme en lui montrant le vrai visage de sa belle-mère qui avait beau dissimulé la noirceur de son âme derrière des amabilités étudiées lorsqu'elle se trouvait en représentation devant le monde. Rien ne pouvait effacer ce qu'elle avait fait. Son père qui avait perdu toutes dignités en cet instant crucial où sa mère rendait son dernier soupir, n’avait même pas eu le courage de résister à cette mégère qu’était sa femme. Sa mère ne lui avait pas révéler la cachette de ce pourquoi il se trouvait à son chevet. Isabelle sentit encore une fois un long frisson la parcourir en se remémorant le jour funeste où L’aïeule agonisante avait trouvé la force de les narguer avec son sourire horrible qui avait rendu son visage grimaçant et méconnaissable, devant un fils qui ne voyait plus que par cette femme diabolique. Chassant ces souvenirs bien plus que douloureux, isabelle alla chercher un balai et des chiffons afin de faire le ménage des deux pièces qu’elle destinait à son cousin Renaud. Elle cira les quelques meubles arrangés selon ses soins et son goût, puis elle décida de faire changer par Angèle les doubles rideaux en cretonne qu’elle avait acheté la dernière fois qu'Adélie et elle avaient été en ville, ainsi que la literie et le couvre lit d’un passé révolu, de façon à rendre la chambre plus accueillante. A la pensée de revoir le calme visage de Renaud et ses yeux changeants dont l’expression était si ferme et si loyale, lui semblait déjà un réconfort. Ce cher Renaud qu’elle se réjouissait de recevoir à Monteuroux ! Comme il faudrait qu’elle prenne sur elle afin de laisser enfermer au plus profond d’elle-même son cruel secret, si elle ne voulait pas que cet esprit trop clairvoyant ne devine le douloureux mystère, non encore élucidé, que la jeune comtesse avait bien du mal à taire. Elle devait juste faire en sorte que l’on se pose les bonnes questions, et que l’on découvre ce qui s’était réellement passé le soir du soi-disant accident de sa mère, afin que justice soit rendue. Dieu lui avait permis de finir sa tâche ici-bas de façon à protéger, sa fille. Son destin à elle, Isabelle, était de vivre. Dans cette vieille tour, le temps passant, que serait devenu le tableau de sa chère mère dans les mains d'étrangers ? Il fallait qu'elle accepte son exil forcé, puisque probablement elle ne reverrait plus Monteuroux ni son cousin marié à Ludivine qui lui avait donné un enfant, malheureusement élevé à son image. William lui avait avoué l'amour qu’ils ressentait pour elle, tout en sachant que cet amour était défendu. Elle en avait été bouleversée. Il n'y avait rien à faire pour changer cet état de fait. En se raisonnant, Isabelle tenait simplement à garder les preuves de ses racines, et l’image de sa chère vieille tour carrée, ainsi que les moindres recoins, les passages secrets, les cachettes et les endroits où elle aimait se dissimuler aux regards des importuns.

     181

     sceau copyright  

     


    4 commentaires
  •  Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Trois jours, depuis la demande en mariage de Frantz Müller, s’étaient écoulés. Ce matin, elle avait, à cause de sa fatigue physique et morale, complètement oubliée que son père lui avait demandé de réfléchir encore afin de rendre sa réponse. Pourtant, sans aucune équivoque, elle lui avait signifié son refus ferme et définitif. Vraiment, pouvait-il, un seul instant, supposer sérieusement que la fortune et le prestige de cet étranger complètement inconnu la veille du bal, aurait quelques effets sur elle, pensait Isabelle ? Mais ce n’était là qu’un petit ennui, un ennui qui passait presque inaperçu au milieu du grand orage morale où son esprit se débattait. C’était un vrai crève-cœur que de savoir qu’un jour, le château de Monteuroux ne serait plus dans la famille des de Rubens faute d’avoir suffisamment de moyens pour l’entretenir, alors que des joyaux inestimables dormaient dans la cachette secrète derrière les armoiries de la cheminée de sa chambre. Elle avait de la peine de ne pas pouvoir sauver le château de ses ancêtres ou elle était née et ou sa mère avait perdu la vie. Mais elle n’en avait aucune pour son père et cette femme qui avait détruit le couple que formait ses parents du temps ou ils étaient heureux. Avec ce trésor qui dormait depuis toutes ces années et qui, depuis le décès de son aïeule, était en sa possession. Isabelle portait là, un très lourd secret dont elle ne pouvait se défaire afin de sauver son cher Monteuroux. Cheminant dans ses pensées et dans les sentiers recouverts de mousse, ses pas s'en retrouvaient feutrés, presque inaudibles pour qui ne savait pas qu'elle était dans les parages. Embarrassée par la végétation luxuriante qui avait reprit ses droit, Isabelle déambulait dans le chemin menant aux berges de l'étang. Parfois, le long de son cheminement, elle entendait chanter une petite source sortant d'un rocher moussu, se déversant sur le chemin. Il fallait faire très attention, car celui-ci devenait très humide et glissant. Par périodes, la source se tarissait et ce n’était que mieux pour la jeune fille. L'après-midi déjà bien avancé ou s'annonçait les prémisses d’un nouvel orage. Isabelle n'en avait cure et cheminait, perdue dans ses pensées, se souciant guère du bruit que faisait une cognée pas très loin du lieu ou elle dessinait. A mesure qu'elle avançait, le bruit de la cognée se fit plus distinct. Au bout du sentier débouchant sur l’étang, Isabelle aperçut entre les arbres, Bertrand, le jeune jardinier, parent du vieil Adrien, qui était occupé à abattre les basses branches de jeunes mélèzes en plus de défricher les alentours. C’était l’heure où le soleil se préparait doucement à disparaître derrière l’horizon. Il n’éclairait plus que la partie de la pièce d’eau où s’étalaient le jardin de nénuphars arborant leurs merveilleuses fleurs qui ruisselaient de lumière quelques instants auparavant et qui, sur la fin d’après-midi, perdaient leurs éclats pour se refermer doucement avant que la nuit ne tombe.

     182

     sceau copyright  

     


    4 commentaires
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Arrivée à l'endroit désiré, Isabelle installa son chevalet, s’assied sur son petit banc, et considéra pensivement le cadre familier qu’elle voulait reproduire en fond de toile ; mais au bout de quelques minutes, des pas légers lui firent tourner la tête du côté ou seule une personne pouvait se diriger vers elle. Elle aperçu Ludivine qui venait vers elle. Elle cru d’abords que le jeune jardinier avait besoin d’un renseignement, mais que ne fut pas sa déception lorsqu’elle vit, tenant son fils par la main Ludivine. Sa tranquillité avait été de courte durée. Le sang lui monta au visage sous la poussée d’une violente émotion qui la mit hors d’elle. Instinctivement, elle prit sa tête des mauvais jours. Il ne manquait plus que cette chipie à ce moment précis ou elle ne voulait voir personne et surtout pas elle ! Que venait-elle faire de ce côté-ci du parc, elle qui n’aimait pas cet endroit et surtout accompagnée de son fils ? Elle l’entend encore précisé à William, lors de leurs promenade sur les berges de l’étang, qu’elle n’appréciait guère le lieu ou sa chère mère était morte. Isabelle se devait de garder son calme et ne rien montrer de son ressentit, mais l’envie était forte de l’envoyer promener ailleurs. Elle prit sur elle et continua son esquisse sans tenir compte de Ludivine qui approchait. Celle-ci arriva à sa hauteur et susurra :

    Vous travaillez, Isabelle ?

    Ça ne se voit pas ?

    Vous voulez peindre l’étang ?

    Pourquoi serais-je là, si non ? Et vous ? Pourquoi êtes-vous venue de ce côté-ci du parc ?

    Oh, mes pas m’ont conduit jusqu’ici sans que je m’en rende compte. Voilà tout…

    Je croyais que vous n’aimiez pas cette partie du domaine ?

    Comment savez-vous que je n'aime pas cette partie du domaine ? Avez-vous entendu mes propos le jour ou William et moi nous, nous promenions justement sur les berges de cet étang ? Étiez-vous là, cachée quelque part lorsque nous nous sommes querellés au sujet de votre mère ?

    Cela ne vous regarde pas. Mais sachez que je suis au courant de choses que vous ne soupçonnez même pas.

    La jeune femme eut un rire doux et moqueur.

    Aimable Isabelle ! Mais je ne m’offense pas de vos réponses acerbes, heureusement.

    Vous avez, vous-même, la manière d’exaspérer les gens et provoquer mes réponses !

    Oh ! Je ne m’en offusque guère ! C’est un fait de votre nature. Il faut prendre celle-ci telle qu'elle est. En tout cas, telle que vous êtes, vous avez produit un effet foudroyant sur Frantz Müller, comme père a dû vous le faire remarquer ?

    Isabelle ne répondit pas ; mais elle avait remarqué que Ludivine appelait son beau-père, père. A vrais dire, cela ne l’étonnait pas vraiment, vu la façon qu’elle avait de s’accaparer tout ce dont elle estimait avoir droit. Isabelle songeait :

    Qu’elle s’en aille ! Mais qu’elle s’en aille ! Ses doigts se crispaient sur le manche du pinceau qu’elle tenait. Ludivine, sachant très bien exaspérer Isabelle, se pencha pour mieux voir l’esquisse. Isabelle sentit monter à ses narines le délicat parfum de violette dont se servait la jeune comtesse, ce qui l'agaça au plus haut point.

     

    183

    sceau copyright  

     


    2 commentaires
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Ludivine se fit un plaisir de commencer ses insinuations, tout en s’exprimant, avec son air doucereux, habituel, qui horripilait Isabelle :

    Vous allez faire bien des envieuses, ma chère, car c’est un homme très recherché ! Quelle charmante existence vous mènerez près de lui, à Paris, dans les principales villes d’Europe et d’Amérique ! Cela va vous changer de Monteuroux ! Vraiment, si je n’aimais pas autant William, malgré nos petits... différents, je serais presque jalouse de vous.

    Mais vous l’êtes, Ludivine... jalouse ! Ne put s’empêcher de rétorquer Isabelle. Et si vous aimiez votre mari autant que vous le prétendez, vous ne le laisseriez pas seul pratiquement toute l’année ! Vous resteriez auprès de lui, comme toute femme amoureuse qui se respecte, ce qui, normalement, devrait être votre place !

    Comme réponse, Ludivine eut de nouveau ce rire doux et moqueur qui exaspérait tellement Isabelle. Elle se sentait à bout de nerf sous le ton de badinage emplit de poison que ce joli démon aux yeux célestes distillait. Le savait-elle qu’elle atteignait Isabelle dans les plus secrètes profondeurs de son cœur brisés par les obstacles que la vie mettait sur son chemin ? La diablesse reprit son bavardage qui était loin d’être anodin, faisant mine de ne pas remarquer l’énervement qu’elle provoquait chez sa rivale.

    J’aurais aimé peindre, mais les courts qu’il fallait suivre me fatiguaient.

    C’est fort dommage ! Répondit isabelle sur le même ton. Dites plutôt, que vous n’aviez pas le courage de les suivre. Il n’y a rien de fatiguant dans la peinture artistique lorsque l’on est passionnée par cet art. Il faut juste avoir quelques dons pour pouvoir exprimer ce que l’on ressent, être assidue aux cours, ce qui n'est pâs votre cas ! Répondit nettement Isabelle.

    La jeune comtesse savait que Ludivine avait l’habitude de se cacher derrière sa santé soi-disant délicate pour excuser sa paresse. Pour cette raison, elle n’avait pas envie de la ménager même pour être d’une compagnie agréable. A ce moment, le petit Thierry s’écria :

    Je veux faire une promenade dans le bateau, maman !

    Pas aujourd’hui, mon chéri. Nous demanderons à grand-père de venir avec nous un de ces jours.

    Non, je veux maintenant !

    C’est impossible, je ne sais pas me servir des rames.

    Mais elle sait, elle !

    Thierry tendait son petit doigt vers Isabelle.

    Ah ! C’est vrai ! Chère Isabelle, Juliette m’a dit que vous canotiez très bien et cest tout à votre avantage ! Voulez-vous bien faire ce petit plaisir à mon petit Thierry ?

    La suavité de cette voix, donnait à Isabelle l’envie de fuir pour ne plus l’entendre, ni la voir. 

    La suavité de cette voix, donnait à Isabelle l’envie de fuir pour ne plus l’entendre, ni la voir. Elle prit un ton très désagréable pour refuser le service demandé :

    184

    sceau copyright  

     


    2 commentaires
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Je n’ai pas le temps, et puis, je n’en ai pas envie. Vous me gênez ! Je veux avoir fait une esquisse avant que la lumière du soleil n’ait quitté l’étang et que l’orage n’éclate.

    Vous n’êtes guère compréhensive, ma chère… Thierry à envie de se promener sur l’eau. Ne pouvez-vous lui faire ce plaisir ? Nous attendrons que vous soyez disponible… n’est-ce pas, Thierry ?

    Ne voyez-vous pas que vous me dérangez, et vous le savez très bien ! Dit Isabelle en regardant, sans complaisance Ludivine qui ne fit aucun cas de la contrariété se lisant sur son visage. Pour la contrarier un peu plus, celle-ci ajouta :

    — Allons-nous asseoir dans le pavillon de chasse, mon petit chéri. Nous allons attendre votre bon vouloir, Isabelle.

    Toujours cette sournoise ténacité pour arriver à ses fins. C’était de cette manière qu’autrefois elle avait réussi à obtenir ce qu’elle désirait de William… Isabelle, secrètement exaspérée par ce gamin plus que gâté qui déjà, à son âge, exigeait qu’on lui cédât dans l’heure, ses caprices. Isabelle pensa :

    — "Autant que je me débarrasse tout de suite de cette corvée. Peut-être que cette diablesse me laissera tranquille ? De toutes façons, elle m’a gâché l’envie que j’avais de peindre. Autant me débarrasser de cette corvée." Isabelle voyait bien qu’elle ne comptait pas en abandonner l’idée de cette promenade en barque, et qu’elle se faisait une joie de la faire céder.

    Isabelle lança sèchement :

    Puisque vous y tenez tant, venez ! Mais cinq minutes seulement ! Je vous en avertit ! Je ne vais pas perdre mon après-midi pour satisfaire vos caprices et ceux de votre fils !

    Cinq minutes de plaisir pour mon fils, c’est cela. Thierry a été très sage aujourd’hui, et je lui ai promis de lui accorder ce qu’il demanderait.

    Promesse dangereuse à l’égard d’un si jeune enfant. S’il vous demandait la lune ou les étoiles !...

    Et bien ! Je tâcherais de les lui donner. C’est bien assez que son père le traite aussi sévèrement ! Je veux, moi le rendre heureux.

    Ce n’est pas rendre heureux un enfant que de tout lui céder ! Vous le rendez capricieux. Il faut savoir, quelque fois, refuser à un enfant !

    Que prétendez-vous savoir, de comment il faut s’y prendre pour élever un enfant?!  Rétorqua Ludivine, sur un ton qui se voulait supérieur à elle.

    Isabelle ne sachant pas ce que l’on pouvait ressentir en devenant mère, ne su que répondre. Elle éluda la remarque de son ennemie et se contenta de hausser les épaules. Celle-ci ajouta avec un sourire malicieux, pour faire bon poids dans les allusions malveillantes qu’elle lui distillait au fur et à mesure qu’elle parlait :

    C’est vraiment très dommage que vous ne désiriez pas accepter le parti que père vous a proposé. Vous n’aurez jamais le bonheur de savoir ce que c’est qu’être mère.

    Parce que vous, vous savez, peut-être ! On n’a pas l’instinct de mère en naissant ! Être mère s’apprend et l’exemple de la votre de mère, n’a pas été bénéfique pour vous ! Votre fils est à votre image ! Il est tout aussi gâté que vous l’êtes, ma chère !

    Isabelle leva pour la seconde fois les épaules, tout en pensant : " Sottise, sottise que tout cela " ! Malheureux William ! Quel avenir l’attendait avec cette femme et cet enfant qu’elle et sa mère avait déjà bien modeler à leur ressemblance ?...

     

     

     

    185

    sceau copyright  

     


    4 commentaires
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Je vous emmène maintenant faire votre promenade en barque pour que vous me fichiez la paix ! Vous avez le don de m’exaspérez !

    Au bas des trois degrés allant jusqu’à l’eau, la barque était attachée à la chaîne que Mr de Rubens avait renouvelé, ainsi que la barque, deux mois auparavant pour complaire à un caprice de sa belle-fille qui voulait faire des promenades sur l’étang.

    Il advenait souvent que l’on céda à toutes ses fantaisies. Pourtant Ludivine n’en avait guère profité de son envie de faire de la barque. Pendant l’été qui était presque achevé, seule Isabelle avait eu le loisir de s'adonner à ce sport en donnant une leçon de canotage à Juliette. Quand Ludivine et son fils eurent prit place dans la barque, Isabelle détacha l’embarcation puis, ayant pris les rames, elle s’éloigna sur l’eau paisible où l’ombre s’étendait maintenant sur toute la surface de l’étang. Cette fraîcheur toute relative faisait du bien, et le petit Thierry s'amusait à agiter l'eau du bout de ses petites mains qu'il laissait pendre en dehors de la barque, ce qui n'était guère prudent. Isabelle en fit la remarque, mais Ludivine, souriante sous sa capeline blanche, ne semblait pas s'en soucier. Elle était assise en face de sa rivale et ne savait que sourire malicieusement afin de se sentir en supériorité par rapport à elle. Sa robe d’un vert-pastel, accentuait cette apparence de fine porcelaine du teint si délicat et rosé de la jeune femme. Elle regardait Isabelle avec un air de candide curiosité, préparant sa prochaine attaque :

    Vous avez bien mauvaise mine. Il paraît que vous avez été souffrante ?

    Oui, mais que vous importe ?

    C’est pour cela que vous avez quitté si tôt les salons, l’autre soir ?

    C’est pour cette raison, en effet. La brièveté des réponses ne désarçonna pas Ludivine qui continua son bavardage soupçonneux sous ses airs de candeur exaspérante.

    William aussi est parti très vite.

    Quel drôle de petit sourire elle avait tout en continuant de regarder ingénument Isabelle. Sur un ton badin, Ludivine insista, continuant ses insinuations malsaines :

    Si cette soirée l’ennuyait, il a eu bien raison. Oh ! Bien évidemment ! Je ne lui en tiens pas rigueur ! Il a pu trouver plus agréable d’aller rêver dans la nuit où il a eu la charmante surprise de vous y rencontrer...

    Cette fois, Isabelle n’y tenait plus. Il fallait qu’elle fasse taire cette péronnelle ! Elle eut un instant d’humeur, et lança :

    Mais vous n’arrêterez donc jamais avec vos sous-entendus !

    Les rames frappèrent l’eau si fortement que des gouttes jaillirent sur Ludivine et l’enfant.

    Qu'est-ce ? Que vous prend t-il ? Vous nous mouillez, Isabelle !

    186

    sceau copyright  

     


    1 commentaire
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Mais Isabelle ne s’excusa pas. Laissant reposer les rames, elle regarda Ludivine droit dans les yeux avec un air courroucé.

    Assez d’insinuations ! Parlez franchement pour une fois dans votre vie, si vous en êtes capable ! Ce petit jeu vous amuse, mais il a assez duré ! Êtes-vous donc venu pour m’indisposer volontairement par votre présence et vos questions à double sens ?

    Et bien oui. Je l’avoue. Cela m’amuse de vous mettre mal à l’aise...

    Mais vous n'avez que cela à faire de vos journées ! Parlez franchement au lieu de tergiverser ! Ne voyez-vous pas que vous allez trop loin dans vos insinuations ?

    Oh ! Il n’en est nul besoin, chère Isabelle ! Vous me comprenez tout à fait bien, je le vois…

    Hors d’elle, Isabelle lui lança :

    Vous êtes une personne vicieuse et capricieuse ! Navez-vous pas honte de faire subir à votre époux ce calvaire ! Vous n’êtes qu’une mauvaise femme très consciente du mal que vous faites autour de vous, et principalement à William ! Votre mariage n’est qu’une parodie ! Une mascarade ! Un caprice de votre part ! Vous êtes l’exact portrait de votre mère, et votre fils vous ressemble trait pour trait ! Il n’est pas étonnant que mon cousin ne veuille pas vous laisser élever le petit !

    Je ne vous permets pas !

    Oh ! Mais si ! Vous allez m’écouter, que cela vous plaise, ou non !

    Pendant ce temps, la surveillance du petit garçon avait échappée à sa mère Et l’enfant barbotait à sa guise avec ses deux petites mains... Ludivine s'en aperçu et lui donna l'ordre de s'arrêter :

    Thierry, ne te penche pas comme cela !

    Je veux les fleurs !

    Ne tenant pas compte des désirs de l’enfant, Isabelle attaqua sans plus se retenir. Cette fois Ludivine avait été trop loin, et elle ne comptait pas se laisser faire. Sur un ton méprisant, elle continua :

    Vous êtes jalouse et incapable d’élever votre fils correctement ! Il est aussi capricieux que vous l’êtes, vous-même ! Oh ! Et puis, je vous ramène ! Allez déverser votre venin ailleurs !

    Sur ce, Isabelle qui s’était arrêtée un instant près du jardin de nénuphar, reprit les rames pour s’en éloigner et se rapprocher de la berge, n’ayant aucunement l’intention de cueillir une fleur pour l’enfant, et encore moins de se justifier auprès de cette harpie qui insista pour que Isabelle veuille bien cueillir la fleur tant désiré par l’enfant capricieux qui n'avait cessé de hurler :

    Je veux les fleurs ! Donne-moi la fleur ! Maman, elle ne veut pas me donner la fleur !

    Attrapez-lui une de ces fleurs, Isabelle ! Je le lui ai promis !

    Je ne suis pas à vos ordres ! Arrêtez de céder à ses caprices et soyez un peu moins capricieuse, vous-même !

    187

    sceau copyright  

     


    2 commentaires
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Ludivine fulminait intérieurement de ne pas réussir à faire completement céder Isabelle pour ce qu’elle lui avait demandé. Et l'enfant de continuer son caprice :

    Je veux les fleurs, maman !

    Elles sont bien trop loin maintenant, mon petit chéri. Isabelle ne veut pas te cueillir une de ces fleurs pour te l’offrir. Nous rentrons. En attendant, sois sage, veux tu ? Tu vas nous faire chavirer !

    Le canot avait frôlé rapidement le jardin flottant sans s’y arrêter véritablement, afin d’en finir avec le caprice de Thierry. Isabelle Ancrée dans son refus de continuer cette discussion avec Ludivine, avait fait abstraction de l’enfant qui n’écoutait rien, et qui tendait toujours ses deux petites mains vers les nénuphars en répétant :

    Les fleurs ! Je veux les fleurs !

    Thierry, mon petit chéri ! Une prochaine fois.

    N’obtenant pas ce qu’il voulait, lenfant se leva et se pencha dangereusement sans que sa mère ait eu le temps de réagir, Thierry, debout dans la barque, se pencha encore plus et son mouvement fut si rapide qu’il bascula par dessus bord. Sa mère étendit les bras pour le saisir et fit s’incliner un peu plus la barque, ce qui la précipita à son tour dans l’eau. Isabelle poussa un grand cri, se leva brusquement et plongea dans l’étang, affolée. Elle réussit à saisir un bout de la robe de Ludivine et presque aussitôt celle-ci s’agrippa à elle. Une fraction de seconde, Isabelle cru qu’elles allaient couler toutes les deux. Heureusement, Ludivine perdit soudainement connaissance. Lui saisissant le bras, Isabelle, excellente nageuse, réussit à gagner la berge où déjà le jeune jardinier accourait. Il avait entendu ses appels au secours d’Isabelle. Il saisit Ludivine et la hissa sur l’herbe. Isabelle lui cria :

    Je n’ai pas le temps de la ranimer. Faites le vous-même s'il vous plaît ! Je vais chercher l’enfant !

    Le jeune jardinier ne connaissant pas les gestes qui aurait put sauver la jeune femme, resta les bras ballants avant de songer à la porter inanimée au château.

    Ne se rendant compte de rien, Isabelle plongea de nouveau à l’endroit exact où Thierry avait disparu, mais le petit corps avait déjà coulé. Elle activa ses recherches au milieu des nénuphars dont les longues racines enchevêtrées gênaient ses mouvements. Malgré ses efforts, il lui fut impossible de retrouver le petit Thierry parce que le font de l’étang étant envasé, la visibilité était nulle. Isabelle dû regagner la rive sans lui et se mit à courir autant que le lui permettaient ses jambes encombrées par sa robe ruisselante qui lui collait au corps. Dans l’escalier de la vieille tour, elle appela Adélaïde qui ne l’entendit pas tout de suite. Ses cris d’effroi emplissaient la vieille tour. Isabelle n'avait plus de force, mais elle réussit à faire une nouvelle tentative en hurlant une dernière fois :

    Au secours ! Venez m'aider !

    Adélaïde accouru enfin, effrayée par les hurlements de sa protégée.

    Dominique et Angèle accoururent à leur tour.

    Oh ! Mon Dieu ! Mais dans quel état êtes-vous !

    Allez vite dire à mon père que je n’ai pas pu sauver le petit Thierry qui est resté dans l’étang.

    Ayant juste eut le temps de gravir les dernières marches et d'appeler à l'aide, Isabelle s’effondra inanimée.

    188

    sceau copyright  

     


    1 commentaire
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Chapitre XIV

    William entra dans la chambre qui était celle de la première châtelaine de Monteuroux. Il s’arrêta à quelques pas du lit laqué garni d’une claire soierie brodée, sur lequel reposait Ludivine… inanimée. Peu avant de tomber à l’eau, elle avait fait un copieux goûter, et la congestion l’avait saisie aussitôt. Elle semblait être l’innocence personnifié endormie. Sa bouche avait ce sourire ingénu qui lui était habituel. Le reflet des bougies allumées sur une petite table voisine illuminaient le visage couleur d’ivoire qui semblait furtivement prendre une teinte rosée. William, tourna un peu la tête vers le petit lit sur lequel était étendu le corps sans vie de son fils. On avait fini par retrouver son petit corps au matin, sur un lit de nénuphars, curieusement au même endroit où avait été retrouvé la comtesse Daphné. Un léger voile blanc couvrait le petit visage que le séjour dans l’eau avait altéré. On devinait les boucles soyeuses de l'enfant pareilles à celles de sa mère. Tous deux s'en étaient allés en même temps. La surprise de William était grande. Mais il ne laissait rien paraître de ses sentiments. Non loin de lui, quelqu’un bougea. Il aperçut alors Berthe, la femme de chambre d’Edith qui avait également été la nurse de Ludivine. Elle venait de se lever du fauteuil où elle semblait en prière. Elle fit un pas vers le jeune comte pour lui présenter ses condoléances.

    Comment est-ce arrivé demanda-t-il à mi-voix ?

    Personne ne connaît encore les détails. Je sais seulement que c’est au cours d’une promenade en barque...

    Berthe parlait d’une voix rauque qui semblait lui déchirer la gorge. Ses yeux toujours aussi glacés que William avait perpétuellement trouvé désagréables à regarder, avaient une expression un peu hagarde.

    Il n’y a que Mlle Isabelle qui pourrait vous donner des explications, mais elle est malade depuis l’accident, et l’on n’a pu encore l’interroger.

    On m’a dit que le neveux du jardinier était accouru aux cris de ma cousine ?

    Oui, mais il n’a pas vu comment avait eu lieu l’accident.

    Il y avait quelque chose d’intrigant dans la voix de Berthe qui éveilla l’attention de William. A ce moment, il remarqua mieux la figure ruinée par les larmes de la femme de chambre. Il savait par Ludivine, que cette femme avait une affection sans borne, plus que fanatique pour sa maîtresse, pour sa fille et l’enfant. Cette mort devait la bouleverser profondément. Se détournant, William pris le goupillon posé sur la table et jeta de l’eau bénite sur la jeune morte. Gracieuse parmi les roses qui ornaient le lit. Ludivine n’éveillait aucune émotion en lui. De son vivant, il avait dû faire appel à toutes ses forces spirituelles pour combattre les sentiments qu’elle lui inspirait et qui ressemblait, si fort parfois, à de la haine. Oui, il avait haï sa fausseté, sa perfidie, sa méchanceté dissimulée derrière l’innocence personnifiée... Maintenant, Ludivine avait dû paraître devant la justice divine et elle commençait de n’être, pour lui, qu’un mauvais souvenir. Il approcha du lit de Thierry, écarta le voile et mit un baiser sur son front glacé de ce petit être qui avait été son fils. Se souvenait-il des paroles qu’il avait prononcé un jour à Isabelle ? « J’aimerais mieux le voir mort, plutôt que de le voir, un jour, ressembler à sa mère. »

    Et il était là, sans vie, cet enfant dont il avait accueilli la naissance avec une secrète joie, ce petit Thierry dont il avait vu avec désespoir s’accentuer, chaque année, la ressemblance physique et morale avec sa mère et sa grand-mère. Son vœu, sorti d’un cœur déchiré, venait d’être exaucé...

    189

    sceau copyright  

     


    3 commentaires
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Une porte s’ouvrit en face de lui, une femme vêtue de noir parut sur le seuil.

    Vous voilà enfin, William ! Lança Edith de Rubens.

    Oui. La dépêche de ma mère ne m’a pas trouvé hier à Rouen, car j’étais déjà parti pour Le Havre. J’ai appris le malheur en arrivant au manoir, tout à l’heure.

    Venez, j’ai à vous parler.

    Il entra à sa suite dans la pièce voisine qui était un petit salon. Sa belle-mère alla jusqu’à la fenêtre, puis se retourna et lui demanda brusquement :

    Peut-être n’avez-vous pas eu encore le temps de réfléchir à la singularité de cet accident ? A son opportunité, dirais-je même ?

    La Singularité ? L’opportunité ?

    Il dévisagea la mère de Ludivine avec une surprise mêlée d’une subite méfiance. Elle était pâle, avec des cernes bleuâtres sous les yeux. Mais son regard, d’une étrange nuance, luisait comme celui d’une hyène guettant sa proie. Son regard, comme sa voix ricanante, n’augurait rien de bon. A quoi devait-il s’attendre de sa part ?

    Oui, je le répète ! L’opportunité de cette promenade sur l’étang est très suspecte. Ludivine n’en avait pas la moindre idée quand elle est partie avec Thierry pour se promener dans le parc. On la lui a suggérée... puis, une fois sur l’eau, il a été facile de…

    William eut un haut-le-corps.

    Qu’osez-vous insinuer là, Mme ?

    Le sang lui montait au visage sous la poussée de l’indignation.

    Mais je n’insinue rien ! Je dis franchement ce que je soupçonne ! Ma pauvre Ludivine avait deviné la jalousie d’Isabelle. Elle connaissait la haine que celle-ci lui portait. Elle en a été victime, un jour ou elles se sont rencontrées près de cet étang maudit ! Je suis persuadée que ce n’est pas un accident !

    Mais c’est abominable ce que vous dites ! Je vous défends d’ajouter un mot de plus contre Isabelle ! Elle... elle qui a essayé de les sauver, d’après ce que l’on m’a dit !

    Elle a fait semblant plus probablement ! Pensez donc ! L'occasion était trop belle !

    Le neveux du jardinier n'a pas pu voir comment l'accident s'est produit. Quand il est arrivé sur les berges de l'étang, Isabelle ramenait le corps de Ludivine, un corps sans vie. Elle lui a dit de l'emporter et qu'elle allait chercher Thierry qui avait aussi disparu. Tout cela laisse un doute affreux qu’il faudra dissiper !

    Ce qui est affreux, c’est que vous osiez porter une telle accusation contre Isabelle, si noble, si droite !

    Naturellement, vous la défendez !

    Le sarcasme vibrait dans la voix d’Edith.

    Ma pauvre chérie n’ignorait pas non plus vos sentiments à l’égard de votre cousine. Ma fille qui vous aimait a souffert en silence. Néanmoins, elle n’aurait pas fait un geste pour nuire à Isabelle. Mais celle-ci n’a pas eu de scrupule. Elle a supprimé l’obstacle et en même temps l’enfant, seul héritier mâle des de Rubens qui lui aurait trop rappelé Ludivine. Dit-elle dans un sanglot.

    190

    sceau copyright  

     

     


    2 commentaires
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    William ne put se retenir de lui aboyer au visage :

    Mais vous êtes une véritable sorcière ! Ce n’ai pas parce que le neveux du jardinier n'a pas pu voir comment l'accident s'est produit, que vous devez en déduire que ma cousine est coupable de ce que vous l'accusez ! Vous avez l’air de considérer cet accident comme un homicide volontaire ! Quand le neveux du jardinier est arrivé sur la berge de l'étang, Isabelle ramenait le corps sans vie de Ludivine. Elle lui a crié de la ranimée et l'emporter au plus vite chez son père, qu'elle retournait chercher Thierry qui avait, lui aussi, disparu ! Tout cela ne me laisse aucun doute sur l'honnêteté de ma cousine qu'avec votre perfidie, vous soupçonnez à tord !

    Je ne puis vous laisser la défendre !

    Le sarcasme vibrait dans la voix de la d’Argenson.

    Oui, je la défend ! Pour sauver votre fille et mon fils, elle à faillit perdre sa propre vie ! Ce qui est affreux, c’est que vous osiez porter une telle accusation contre Isabelle !

    Ma pauvre chérie n’ignorait pas non plus vos sentiments à l’égard de votre cousine. Ma fille qui vous aimait a souffert en silence.

    Laissez-moi en douter ! Si elle s’était conduite telle une femme aimante, elle n’aurait pas systématiquement négligé son devoir envers moi et déserter Aigue-blanche pour aller vivre à Paris, près de vous avec notre fils et le propre père de ma cousine ! Ce mariage n’était qu’une mascarade et vous le savez très bien ! Ce qui est arrivé est de votre faute ! Vous êtes une mauvaise femme ! Votre exemple à corrompu votre fille et votre petit fils. Vous êtes la seule responsable de ce drame !

    Comment osez-vous !

    Taisez-vous, madame ! Je ne vous laisserais pas distiller aux alentours un soupçon de plus sur Isabelle !

    Néanmoins, ma fille n’aurait jamais fait un geste pour nuire à Isabelle. Mais celle-ci n’a pas eu de scrupule ! Elle a supprimé l’obstacle qui la séparait de vous et du même coup, mon petit fils, seul héritier mâle des de Rubens ! Dit-elle dans un sanglot.

    Une main dure saisit le bras de la d’Argenson et le serra si fortement qu’elle eut un cri de douleur. William, la mâchoire crispée, les yeux brûlants de fureur, penchait vers elle son visage blême de colère.

    Croyez-vous que votre fille m’ait rendu heureux en vous accompagnant dans vos déplacements, échappant ainsi à une vie conjugale à la campagne qui ne lui plaisait guère ! Elle s’arrangeait pour être auprès de moi, le moins possible ! Croyez-vous que cette parodie de mariage me comblait ? ! En quoi fut-elle une bonne épouse ? ! Elle à voulu cette vie, et vous l'y avez aidé ! Vous êtes une misérable ! C’est vous qui avez fais son malheur ! Vous avez un fond luciférien et vous avez très bien réussi dans vos manœuvres diaboliques afin de nous convaincre qu’Isabelle était une enfant rebelle, insignifiante, irrespectueuse, ne valant pas la peine d'être aimée ! Une sauvageonne sans aucune manières et irrécupérable, d'après-vous ! Vous êtes une misérable ! Vous avez toujours détesté votre belle-fille, vous l’avez calomniée perfidement comme vous savez si bien le faire, poussant ma mère à faire de même, nous manipulant pour que l’on se rallie à votre point de vue ! Maintenant, vous l’accusez d’être une meurtrière ! Mais vous êtes une vipère ! Vous n’avez aucune conscience ! Vous êtes la méchanceté personnifiée ! La mesure est vraiment comble, cette fois ! Allez-vous-en ! Je ne vous permets pas de calomnier ma cousine ! Allez plutôt pleurer votre fille et votre petit fils qui sont, tous deux, à votre exacte ressemblance !

    Edith se dégagea, en toisant son gendre avec une froide insolence. Et William de lui lancer :

    Votre simulacre de pleurs sans larme ne m’émeut nullement ! Sortez, vous dis-je !

    En croisant brusquement les bras sur sa poitrine, William considérait sa belle-mère avec dédain, ne pouvant s’empêcher de lui jeter au visage une menace lourde de conséquence :

    Vous allez payer très cher votre méchanceté, ma chère, et ce n’est pas finit ! Je n’ai jamais aimé être votre gendre, pas plus que je n’ai aimé votre fille qui était la réplique de vous-même ! Je ne sais pas ce que vous pourriez encore inventer sur Isabelle alors que vous n'avez aucune preuve ! Mais je vous ai à l’œil ! Prenez garde que toutes vos accusations ne se retournent contre vous !

    Blessée dans son orgueil, la d’Argenson répliqua :

    Que vous me croyez… ou non, je n'en garde pas moins mon opinion, et je vous dis ceci, William ! Ne comptez pas épouser Isabelle ! Jamais ! Car je ne laisserais pas faire un pareil mariage qui serait une injure à ma Ludivine.

    Je me demande bien comment vous allez vous y prendre pour empêcher cette union qui se fera de toutes façons, un jour ou l’autre ! Ne vous en prenez plus à la vraie comtesse de Rubens, si non, vous en subirez les représailles ! Vous n'êtes qu'une imposture !

    Là-dessus, Edith, beaucoup plus atteinte dans son égocentrisme qu’elle ne voulait le laisser paraître, passa devant son gendre avec cet air hautain qu’il lui connaissait bien, et entra dans la chambre mortuaire.

    C'est cela ! Allez pleurer votre fille et votre petit fils ! Par votre ignominie vous les avez mené à la mort ! Il ne faut vous en prendre qu'à vous-même !

     191

    sceau copyright  

     


    3 commentaires
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    William quitta le salon et descendit rapidement les marches d’escalier pour gagner la galerie qui menait à la vieille tour. Il n’avait même pas l’idée de parler à Mr de Rubens au sujet de l’inconcevable accusation portée par cette femme sans aucune moralité contre Isabelle. De longue date il savait que le comte n’était qu’un pantin entre les mains de sa femme. Cependant, il fallait qu’Isabelle fût défendue contre sa haineuse et perfide belle-mère qui était aussi la sienne. Il était dégoûté par cette férocité cachée qu’avait toujours eu la d'Argenson pour Isabelle qui avait compris depuis longtemps sa fausseté, ainsi que ses manigances afin d’arriver à ses fins. Il fallait qu’il se débarrasse de cette colère non constructive qu’il avait contre cette machiavélique manipulatrice. En quittant Monteuroux, il décida de rendre visite à l’abbé Forges, et tous deux conviendraient de la conduite à tenir vis à vis de cette femme...

    Quoi qu’il fît pour maîtriser son bouleversement, il ne pu s'empêcher de repenser à cette venimeuse vipère déversant ses accusations sur Isabelle. Avant d'aller voir l’abbé forges, William alla frapper à la porte des appartements d'Adélaïde. Celle-ci eut une exclamation lorsque, ouvrant la porte à laquelle il avait frappé, elle vit un visage décomposé par une révolte et une colère dont elle ne connaissait pas encore la cause. Elle s’exclama :

    Mon Dieu, Monsieur William ! Mais qu’avez-vous ?

    Il ne pouvait lui expliquer l’entrevue orageuse avec sa belle-mère, avant de savoir exactement comment les faits s'étaient déroulés... Prenant cela pour une douleur légitime, Adélaïde osa lui confier ses regrets pour ce regrettable accident.

    Oh ! C'est une terrible chose, n'est-ce pas ? Tous les deux ! Ce pauvre enfant ! Et juste à l'endroit ou ma chère Daphné à perdu la vie !

    Oui... terrible…

    La voix de William était étranglée par la rage. Cependant, il essaya de se raisonner pour demander des nouvelles d’Isabelle.

    Comment-va votre protégée ?

    Nous avons eu très peur de la perdre aussi. La fièvre nerveuse semble avoir disparue, mais elle est, maintenant, prostrée. En ce moment, elle sommeille. Juliette est près d’elle.

    Elle s'est jetée à l'eau pour les sauver, n'est-ce pas ?

    Oui, la pauvre chérie ! Dans son délire causé par la fièvre, elle répétait :

    J’ai vraiment fait tout ce qu’ai pu pour les sauver ! C’est affreux ! J’ai vraiment fait tout ce que j’ai pu !

    Le docteur Pichon a expressément défendu qu’on l’interroge. Mais ce matin, d’elle-même, elle m’a raconté ce qu’il s’était réellement passé. Ludivine a insisté pour qu’elle leurs fasse faire un tour sur l’étang que réclamait à corps et à cris le petit Thierry.

    L'enfant faisait un caprice parce que je ne voulais pas accéder à leur désir, étant occupée à peindre. Me dit-elle.

    Voyant qu’il ne se calmait pas, sa mère insista pour que je cède à son caprice et accepte cette promenade en barque. A bout de patience, sachant que Thierry ne se calmerait pas, je donnais mon accord pour cinq minutes seulement. Nous montâmes dans la barque. Lorsque nous fûmes installés, Ludivine commença à me poser, comme à son habitude, des questions indiscrètes pendant que son fils barbotait dans l’eau en se penchant un peu trop. Il ne restait pas assis et il se penchait de plus en plus dangereusement. J’en fis la remarque, mais sa mère ne tint pas compte de mon conseil. Elle le gronda simplement gentiment, le suppliant de s'asseoir, mais son fils n'écoutait pas et laissait ses petites mains jouer avec l'eau. Je m'apprêtais à revenir prés de la rive, en frôlant le jardin aquatique sans m’y arrêter et n'y pensant même pas, lorsque Thierry se pencha un peu plus pour atteindre les fleurs de nénuphars inatteignables pour lui. Pendant que Ludivine continuait à me poser ses questions insidieuses, la barque se mit à tanguer dangereusement, lorsque Thierry tendit son bras pour attraper une des fleurs. Emporté par le poids de son petit corps, il bascula. Ludivine essaya bien de le retenir par ses vêtements, mais peine perdue. Par ce brusque mouvement, faisant un peu plus pencher la barque, elle est passée par-dessus bord en même temps que son fils... Je ne pouvais pas prévoir ce qu’il s’est passé. Je n’ai rien pu faire pour empêcher l’enfant et sa mère de basculer dans l’eau. Je n’ai pu que plonger pour essayer de rattraper Ludivine qui…  Oh ! Mon Dieu ! Thierry avait déjà disparu... Je ne suis aucunement fautive de ce qu’il vient d'arriver !  J'ai tout fais pour que la mère et l'enfant se tiennent tranquilles lorsque je pagayais ; mais comme à son habitude, Ludivine n'en faisait qu'à sa tête. Je me suis permise de lui dire, que céder à un enfant tous ses caprices, n'était pas pour lui rendre service. Elle me répondit avec son air de supériorité, que je n'étais pas mère et que je ne pouvais savoir comment est-ce que l'on élevait un enfant. Est-ce que vous me croyez au moins ?

    Calmez-vous ma chérie ! Ne vous agitez pas. Bien sûr que je vous croie !

    Avec une émotion contenue, Adélaïde parlait s'en prendre le temps de souffler entre chaque mots :

    Isabelle s’est jetée à l’eau, a saisi Ludivine par un pan de sa robe et réussi à la ramener inanimée sur la berge, aidé par André le jeune jardinier qui avait entendu ses cris. Une fois Ludivine sur la terre ferme, elle est repartie, sans attendre, chercher le petit Thierry.

    192

    sceau copyright  

     


    2 commentaires
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Une troisième victime... Isabelle, redit lentement William dont les lèvres tremblaient. Isabelle que… Il s’interrompit. Non, il était inutile d’inquiéter cette pauvre femme en lui apprenant l’odieuse manœuvre de cette d’Argenson pour nuire à sa belle fille.

    Cet affreux accident, lui a provoqué une forte commotion nerveuse, reprit Adélaïde. Elle n’était déjà pas bien ces derniers temps. Elle avait certainement quelques soucis dont elle ne voulait pas me confier la teneur. J'étais inquiète, mais il n'y avait rien à faire. Elle ne voulait pas se confier. J'aurais pu l’aider à se libérer de ce poids qui lui pesait, mais elle s’était enfermée dans un mutisme que je ne lui connaissais pas. Elle m’a annoncé que nous partirions dans une quinzaine de jours, je crois, pour aller en Bretagne.

    Elle voulait partir d’ici ? Répéta William.

    Cela vous étonne aussi ? Elle était un peu bizarre, un peu nerveuse, depuis quelques jours. C’est à la suite d’un entretien avec son père qui est venu la trouver ici, qu'elle a pris cette décision tout à fait imprévue.

    Ah ! C'est à la suite de ça ? William pensa qu’il y avait encore quelque méchanceté de la part de la d’Argenson...

    Enfin, conclut Adélaïde, je suis bien contente que Mr de Montaigu arrive demain, car cela lui changera peut-être les idées.

    Il arrive demain ? Je serais heureux de faire sa connaissance.

    Renaud de Montaigu, le cousin dont Isabelle vantait la droiture, l’esprit réfléchi, la subtile intelligence... Celui-là aussi pourrait être un défenseur pour Isabelle ? Catherine parut à ce moment, sortant de la chambre d’Isabelle. En refermant la porte très doucement, elle dit à mi-voix :

    Elle dort. Je reviendrai demain matin. Je la trouve vraiment mieux.

    Oui, mais quelle peur j’ai eu, quand elle est tombée là, hier ! Heureusement, Antoinette à entendu mes appels et elle est descendue pour m'aider à la lui enlever ses vêtements pour la coucher et la réchauffer. A nous deux, nous l'avons fait revenir à elle. Cette bonne Antoinette m'a été d'un grand secours.

    William demanda :

    Son père n’est pas venu la voir ?

    Si, hier soir. Elle se reposait à ce moment-là. Je venais de lui donner un calmant prescrit par le médecin. Il m'a posé des questions auxquelles je n'ai su que répondre, puisque alors, Isabelle ne m'avait encore rien dit sur la façon dont s'était produit l'accident. Euh, il faut que je vous dise que je lui ai trouvé un air très bizarre... Comme gêné.

    C’est un rude coup pour Mme de Rubens, dit Catherine. Sa fille, et ce pauvre petit Thierry... Si peu sympathique qu’elle soit, il faut cependant la plaindre.

    William préféra ne pas répondre aux paroles de sa sœur. Il avait son opinion sur la valeur de cette abominable femme qui l’écœurait. Ses lèvres eurent un pli d’amertume, tandis qu’il songeait :

    La plaindre, cette femme qui ne pense qu’à se venger bassement sur Isabelle ! Je méprise la fausseté avec laquelle, il fut un temps, elle nous a manipulé. Ludivine était à l’image de sa mère. Seule sa fille et son petit fils comptaient à ses yeux. De les perdre tous les deux est intolérable pour elle. Il lui faut une coupable et c’est Isabelle. De rage, elle veut se venger sur elle pour avoir compris son manège depuis longtemps. Ma pauvre Catherine, tu ne parleras plus ainsi, lorsque tu sauras.

    Dans la matinée du surlendemain, la voiture de Renaud de Montaigu croisa un convoi mortuaire sur la route qui menait de Monteuroux à la petite église sur le piton rocheux. Deux cercueils, l’un drapé de noir, et l’autre, beaucoup plus petit, drapé de blanc, voisinaient sur le char funèbre, tous les deux couverts de fleurs. Renaud eut le temps de remarquer au passage le ferme profil, la mince silhouette de l’un des deux hommes qui conduisaient le deuil. Par Dominique qui lui ouvrit la grille du Château, il apprit l’accident qui avait causé la mort de Mme la comtesse de Rubens-Gortzinski et de son fils. Le vieux domestique ajouta que Mlle Isabelle allait beaucoup mieux aujourd’hui et qu’elle attendait, avec impatience, sa venue.

    193

    sceau copyright  

     


    1 commentaire
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Lorsque son cousin entra, Isabelle se leva du fauteuil où elle était assise et alla vers lui, les deux mains tendues.

    Quelle joie de vous revoir Renaud !

    Chère Isabelle, il paraît que vous avez été bien secouée ? Votre beau visage en porte encore les marques.

    Dominique vous a raconté ?

    Succinctement. Mais vous me direz tout cela plus tard. Mieux vaut ne pas remuer encore ces pénibles souvenirs. Parlons d’autre chose. Renaud se borna donc à donner des nouvelles de son père, d’Alice, sa sœur, et de tous ceux qu’Isabelle avait connus en Angleterre. Elle se délectait de ses paroles en voyant son rassurant visage souriant et la ferme bonté de son regard. Isabelle sentait descendre en elle un apaisement. Ses nerfs mis à rude épreuve par la commotion cérébrale subie trois jours auparavant encore mal calmée, se détendaient enfin vraiment. Elle décida de se rendre avec son cousin à Aigue-blanche, dans l’après-midi, pour le présenter à Mme de Beau-levant et à ses enfants.

    Je pense qu’il va falloir aussi que j’aille voir votre père, et votre belle-mère aujourd’hui ? dit Renaud.

    Sans doute. Mais peut-être ne vous recevront-ils pas... elle, du moins. Ce matin, on a enterré sa fille et son petit fils. Je ne pense pas qu’elle soit en état de vous recevoir.

    J’ai rencontré le convoi tout à l’heure... et j’ai aperçu le comte de Rubens-Gortzinski... brun, grand, mince, comme vous me l'aviez décrit naguère. A côté de lui, devait être votre père et votre belle-mère, mais je n'ai pas eu le temps de la distinguer. Après tout, à la réflexion, mieux vaudrait que je reporte à demain cette visite.

    Mais Renaud devait quand même faire la connaissance de Mr de Rubens ce jour même. Le comte apparut chez sa fille au début de l’après-midi, alors qu’elle s’entretenait avec son cousin et Adélaïde dans la pièce qui servait de salle à manger. Il parut contrarié à la vue du jeune homme et la cordialité qu’il lui témoignait ensuite avait quelque chose de contraint. Renaud, très observateur, très fin dans ses jugements, avait l’impression que sa présence le gênait. Il allait se lever prétextant un désir soudain de faire un tour dans le parc, lorsqu’une question du comte à sa fille le fit changer d’avis.

    Voudrais-tu, Isabelle, me faire le récit exact de cette tragique promenade sur l’étang ? Le ton un peu brusque et menaçant, surprit le jeune homme, et sans doute aussi Isabelle, car elle regarda son père avec un visible étonnement.

    En termes brefs, avec une altération dans la voix elle raconta ce qu’il s’était passé depuis l’instant où Ludivine, tenant Thierry par la main, l’avait abordée sur la berge de l’étang, quand elle arriva au moment crucial ou s'était produit le drame.

    Mr de Rubens l’écoutait d’un air perplexe, en tapotant nerveusement le bras du fauteuil où il avait pris place. Il eut un hochement de tête dubitatif quand Isabelle conclut :

    Je croyais pourtant avoir sauvé Ludivine ? On m'a dit qu'elle avait succombé à une congestion cérébrale ?

    Oui. Tu ne savais pas qu’elle avait l’habitude de goûter vers cette heure-là ?

    Si, je le savais car je l'ai vu plusieurs fois à Aigue-blanche prendre des tasses de chocolat ou de thé avec des pâtisseries plus ou moins lourdes, dont elle raffolait.

    Ah ! Alors, tu savais…

    194

    sceau copyright  

     


    2 commentaires
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Isabelle lui fit la remarque d'un ton qui ne souffrait aucune remarque :

    Je ne surveillais pas tous ses faits et gestes ; mais bien sûr que je connaissais sa gourmandise pour l’avoir vu, à plusieurs reprises, lors des goûters à Aigue-blanche, prendre des tasses de chocolat ou de thé avec des pâtisseries plus ou moins lourdes dont elle raffolait. Vous connaissez son caractère ?! Lorsqu'elle à une idée en tête, vous savez très bien qu’il est difficile de l'en faire changer ! Je connaissais son petit défaut ; mais je ne me doutais pas qu’il se préparait cette tragédie ! On ne peut prévoir ces choses qui se produisent sans que l’on s’y attende ! Croyez-vous, père, que j’aurais accédé à sa demande si j'avais pu me douter qu'il allait se passer un drame ?!

    Tu aurais pu…

    Mais enfin, père ! Vous avez quelques doutes sur ma conduite ? Ai-je encore besoin de vous prouver ma loyauté ? Dois-je encore me justifier auprès de vous ?! Je ne pouvais pas savoir que j'aurai la visite de Ludivine accompagnée de son fils ! Je ne pouvais pas prévoir que Thierry ferait un caprice en voulant à tout prix monter dans la barque pour cueillir une fleurs de nénuphar et que sa mère lui céderait ! Je ne pouvais pas deviner qu'elle insisterait jusqu'à temps que j’accède à sa demande afin de satisfaire le caprice de son fils ! Thierry voulait à tous prix cueillir une de ces maudites fleurs aquatiques déjà préjudiciables à ma chère mère ! Une maladresse de la part de l'enfant suivit de celle de sa mère afin de le retenir au moment de sa chute à été fatal ! Ce geste malheureux, cette imprudence les à fait basculer tous deux dans l’eau ! J'ai tout de suite plongé pour attraper le bras de Ludivine, mais elle s’affola et s’agrippa à moi, manquant de m’entraîner dans les profondeurs avec elle avant de perdre connaissance. Cela a compromis le temps restant pour pouvoir me porter au secours de Thierry ! Vous pouvez concevoir ceci avant de vous fiez aux insinuations de votre femme ?! Je suis votre fille et digne de votre confiance ! Vous me savez droite, sans aucune intransigeance pour la dissimulation et le mensonge ! Protesta Isabelle, hors d'elle devant les soupçons à peine voilés de son père.

    Après quelques minutes de silence, Mr de Rubens reprit d’une voix qui hésitait un peu :

    N’as tu pas pu provoquer, sans en avoir conscience, à un moment donné, ce mouvement de la barque qui a précipité à l’eau Ludivine et l’enfant ? Les sourcils d’Isabelle se rapprochèrent, en signe de vive surprise.

    Mais père, je vous ai déjà expliqué ce qu’il s'est passé. C'est Thierry qui a voulu cueillir cette fleur de nénuphars, et ainsi, par innocence, il a déterminé la suite des événements qui se sont conclus par une tragédie ! Je n'ai pu qu'essayer de les sauver tous les deux ! N'oubliez pas que j'étais seule et que je devais faire vite pour sauver la mère et l'enfant ! Si Ludivine ne s'était pas accroché à moi au point de me faire couler avec elle, j'aurais, peut-être, pu sauver le petit ! Si vous tenez absolument à chercher une responsable, c'est Ludivine qui est en cause en ayant cédé au caprice de son fils ! Elle n'a jamais su l'habituer à obéir !

    Renaud prêtait une oreille attentive et très aiguisée aux propos qu’avançait le comte envers sa fille et la réplique tout à fait censée de sa cousine. Singulière question, singulier accent... Il regardait le visage de cet homme dont les traits fins s’affaissaient, dont la bouche molle dénotait une redoutable faiblesse de caractère.

     

    195

    sceau copyright  

     


    4 commentaires
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Après quelques minutes de silence, Mr de Rubens reprit d’une voix qui hésitait un peu :

    N’as tu pas pu provoquer, sans en avoir conscience, à un moment donné, ce mouvement de la barque qui a précipité à l’eau Ludivine et l’enfant ? Les sourcils d’Isabelle se rapprochèrent en signe de vive surprise.

    Mais père, je vous ai déjà expliqué ce qu’il s'est passé. C'est Thierry qui a voulu cueillir cette fleur de nénuphars et ainsi, par innocence, il a déterminé la suite des événements qui se sont terminés en tragédie ! Je n'ai pu qu'essayer de les sauver tous les deux ! N'oubliez pas que j'étais seule et que je devais faire vite pour sauver la mère et l'enfant ! Si Ludivine ne s'était pas accroché à moi au point de me faire couler avec elle, j'aurais, peut-être, pu sauver le petit ! Si vous tenez absolument à chercher une responsable, c'est Ludivine qui est en cause en ayant cédé au caprice de son fils ! Elle n'a jamais su l'habituer à obéir !

    Le ton d’Isabelle s’était nuancée d’impatience et de sécheresse. Mr de Rubens en semblait très violemment irrité.

    Vas-tu oser accuser maintenant cette malheureuse enfant ?

    Je désire simplement que les responsabilités ne soient pas déplacées, et que vous ne cherchiez pas à me culpabiliser pour une chose que je n’aurais jamais faite. Ludivine, malgré le refus que je lui opposais d'abord, à insister pour faire une promenade sur l'étang, et elle n'a pas su ensuite empêcher son fils de commettre une imprudence qui devait s'avérer fatale pour tous les deux. Voilà toute la vérité ! Il est donc inutile de chercher une coupable comme sait si bien le faire, auprès de vous, votre femme !

    Tu parles bien haut, ma fille. Baisses le ton, veux tu ?!

    Baisser le ton !? Malgré le respect que je vous dois, père, il faut bien que je me défende ! Je ne vais quand même pas me laisser accuser d’une faute dont je ne suis pas responsable !

    Nous savons que tu n’aimes pas ta belle-mère depuis que, pour toi, elle a pris la place de ta mère.

    Et pour cause, mais de là à penser que je sois capable de tuer ! Ne trouvez-vous pas que vous allez un peu trop loin !? Pensez-vous que je sois capable d'attenter à une vie humaine !? Je connais une certaine personne qui en serait capable et il est inutile d’aller chercher bien loin !

    Isabelle avait jeté ces mots dans un cri de colère et d'indignation auquel fit écho le cri d’horreur d'Adélaïde. Le comte, surprit à son tour par cette rebuffade, ne comprit pas tout de suite l’allusion de sa fille. Intrigué, il la questionna de nouveau sur ce qu’elle entendait par cette réflexion :

    Que cherches-tu à insinuer, Isabelle ?

    196

    sceau copyright  

     


    2 commentaires
  • Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    — Au lieu de me négliger, si j’avais été présentée à votre nouvelle femme qui aurait, peut-être, pu me traiter comme une enfant de six ans ?! Si elle avait vraiment chercher à m’aimer au lieu de m’évincer de vos vies comme elle l’a si bien fait en me dévalorisant à vos yeux comme aux yeux de notre proche famille qui avait toujours aimé maman ?! J’aurais peut-être pu accepter cet amour dont j’avais tant besoin, enfant. Mais elle a préféré jouer la comédie auprès de vous afin de vous montrer combien elle désirait mon affection, alors qu’il n’en était rien dans ce qu’elle voulait vous faire croire. Une enfant sent ces choses-là ! Vous m’avez délaissé au profit de votre nouvelle femme sans vous soucier de la petite fille qui avait besoin de Sa mère disparut, et de son père ! Vous avez donné à Adélaïde le minimum d’argent pour mon entretient sans vous inquiétez si elle avait assez, si bien que lorsqu’il en manquait, elle prenait sur son maigre héritage lui venant de son frère. Lorsque je fus plus grande, la pension que vous donniez à Adélaïde pour mes besoins, n’a pas augmenté pour autant ! Adélaïde m’a pris sous son aile en attendant aucune aide de votre part ! Ensuite, lorsque j’ai eu seize ans, vous m’avez envoyé chez mon oncle à ses frais pendant six ans. Vous ne vous sentez pas un peu gêné d’avoir profité du frère de mère et d’Adélaïde ?! Ils se sont occupés de moi avec bienveillance tandis que votre vie était ailleurs ?!

    Vous vous êtes attaché à votre belle-fille et vous vous êtes laissé manipuler par cette femme qui à fait loi sur votre volonté et votre jugement. Toutes ces années sans vous voir ou presque, m’ont fait beaucoup souffrir. J’ai manqué de tout ce qu’une enfant est en droit d’attendre de son père ! Il ne me restait que vous, père ! Vous avez failli à votre devoir envers moi ! Je me suis construite pratiquement seule grâce à Adélaïde et Mr le curé. Vous avez oublié que vous aviez une fille de votre propre sang à aimer ! Votre rôle était de me prendre avec vous et non pas de me laisser végéter seule, avec le chagrin d’une enfant qui avait perdu sa mère ! De quel droit m’avez-vous caché sciemment l’accident, préférant me laisser dans l’ignorance ?! C’est Ludivine qui m’a appris la vérité avec l’intention de me faire mal juste avant que je ne parte pour l’Angleterre ! Vous trouvez qu’elle a agît par compassion ou une quelconque tendresse envers moi ?! Pourquoi avez vous toujours été très dur avec moi... ou absent ? J’avais besoin de vous, père ! Pourquoi avez vous laissez faire votre femme qui avait pour dessein de vous éloigner de moi ? Je ne l’aime pas, pas plus que je n’ai aimé sa fille ! Elles me l’ont bien rendu toutes deux et sans se forcer! A mon retour d’Angleterre, rien n’avait changé entre elles et moi ! Ne pensez-vous pas que vous y allez un peu fort dans vos soupçons ?! Pour la deuxième fois ! Je vous pose la question ! Pensez-vous vraiment que je sois capable de tuer par jalousie, ainsi que vous semblez le croire ?!

    Isabelle hurlait carrément ces mots à l'intention du comte stupéfait de tant de colère rentrée en elle depuis toutes ces années, et qui se libérait, tel un ouragan, sur ses manquements vis à vis d'elle. C'était vraiment des cris d'indignation à la limite de l’ hystérie. Isabelle ne se contenait plus.

    Les paupières du comte battirent sur ses yeux qui semblaient ne pas pouvoir soutenir le regard franc de sa fille.

    Je ne dis pas cela... je... je cherche à connaître les circonstances... Il y a des choses troublantes là-dedans...

    De quelles choses troublantes voulez-vous parler, si non celles qui sont dans la tête de votre femme qui ne supporte pas la perte de sa fille et de son petit-fils, et qui veut, à tous prix, orienter la culpabilité de cette perte douloureuse pour elle, sur moi ?! Mais parlez donc, père ?! Dites quelque chose ! Lança violemment Isabelle.

    Et bien, ton... tes sentiments pour William… Isabelle se leva si brusquement de la chaise qu’elle occupait, que celle-ci se renversa. Son visage s’empourpra, la faisant de nouveau réagir avec la même violence :

    Ah ! C’est cela que vous pensez ?! Vous accusez votre fille d’être une lâche meurtrière et une voleuse de mari !  Vraiment, père ! Au contact de cette harpie, vous êtes tombé bien bas !

    Je te défend ! Je suis ton père !

    Vous n’êtes mon père que par filiation. C’est un fait. Mais je ne peux pas dire que c’est un honneur, vu le comportement que vous avez eu toutes ces années, envers votre fille ? Je vous pose la question concernant vos manquements, père ! Vous sentez-vous à votre aise devant ma personne en ce moment ?!

    Je ne te permet pas ! Tu me dois le respect et je t’interdis de me parler ainsi !

    197

    sceau copyright  

     


    1 commentaire