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Par La plume de N. Ghis. le 17 Mai 2019 à 12:14
Chapitre XV
— Nous ne parlerons pas pour aujourd’hui de ces choses qui vous tourmentent Isabelle, mais de votre cousine germaine et de sa famille, avait déclaré Renaud à son retour. Pour essayer de la distraire, il lui avait dit combien lui plaisait Aigue-blanche et ses habitants.
— André est un être charmant, sa sœur est la plus aimable jeune fille que je connaisse. Quant à William, je le crois un homme de grande valeur et de cœur et d’esprit, très sensible sous des dehors assez froids.
Il vit s’éclairer le regard fatigué d’Isabelle.
— Oui, c’est une âme capable de souffrir beaucoup sans rien montrer. Il a une très haute conception du devoir et l’on peut se fier à lui sans réserve.
Renaud songea. Elle doit l’aimer. Je ne m’en étonne pas, car il paraît fait pour attirer une nature telle que la sienne. Quant à lui... Sans songer le moins de monde à nier son amour pour sa jeune cousine, William avait reconnu devant lui, au cours de leur conversation, qu’il aimait Isabelle, et qu’il était libre, désormais, après un +otemps respectable de deuil, de lui proposer de devenir sa femme.
— Croyez-moi, cher cousin ! Jamais je n’ai dérogé à mon devoir. J’ai tout essayé pour ne pas succomber à l’amour que je ressentais pour ma cousine ! Avait-t-il ajouté. Lorsque je me suis rendu compte que cet amour défendu prenait une très grande importance dans mon cœur, j’ai fais mon possible pour m’écarter d’elle autant que je le pouvais sous divers prétextes. Mais Ludivine a deviné, elle... C’est ainsi que sa mère en a été informé et de la façon la plus tendancieuse et la plus perfide qu’il soit. Nous sommes tombés d’accord, Isabelle et moi, pour reconnaître que la situation pourrait être dangereuse pour elle. Edith d’Argenson est diaboliquement suspicieuse, astucieuse et vicieuse. Elle semble avoir contre sa belle-fille une haine tout particulièrement féroce. Il faut donc suivre de près son action calomniatrice et saisir l’occasion pour la dénoncer à la justice.
William pensait pouvoir parler franchement à l’abbé Forges, afin de connaître tout ce qui se dirait, hors confession, dans le pays au sujet de sa belle-mère.
De retour à la vieille tour, Renaud proposa d'aller se promener dans le parc. Tout en marchant, le jeune homme expliqua à sa cousine ce qu’il en était, pensait-il, de la haine que lui portait sa belle-mère, au point de vouloir sa perte par tous les moyens possibles et inimaginables pouvant être à sa portée. Isabelle en était consciente et l’avait elle-même crié à son père lors de leur confrontation. La Jeune comtesse s’appuya sur le bras de Renaud et il sentit sa main frémir tandis qu’elle murmurait :
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Par La plume de N. Ghis. le 18 Mai 2019 à 12:06
— Mais qu’ai-je donc fais à cette femme pour qu’elle me déteste autant, et cela depuis toujours ?
— Le fait d’être née fut une raison suffisante pour vous haïr, ma cousine. Elle devait faire en sorte que sa fille Ludivine prenne toute votre place dans l’existence et le cœur de votre père pour ainsi, vous évincer. Le projet de votre belle-mère était de faire place net autour de votre père, pour mieux le manipuler. Avec le décès de sa fille et son petit fils, son plan, quel qu’il soit, s’en trouve réduit à néant.
Tout en parlant, les jeunes gens étaient arrivés près de l’étang et s’étaient arrêtés un moment face au jardin des nénuphars. Tout y était sombre. Le ciel lui-même était assombrit pas la menace d’une pluie d’automne qui s’annonçait. Isabelle étendit la main vers l’eau grise et lugubre en murmurant :
— C’est ici que mère s’est noyée.
Renaud, pensif, considéra longuement les plantes aquatiques. Puis il fit observer à sa cousine :
— Je me demande comment ma tante a pu avoir l’idée de cueillir une de ces fleurs la nuit tombée. Qui oserait s’y risquer. Elle sont, pour cela, trop éloignée de la rive.
— Oui, n’est-ce pas ? Je m’en suis aperçu lors d’une de mes promenades de ce côté-ci du parc. Pauvre maman ! Ce ne fut pas un accident ; mais un meurtre. Sans pouvoir vous en expliquer davantage faute de preuves, je ne peux m’empêcher de penser que ma belle-mère est pour quelque chose dans la fin tragique de mère. Pour moi, comme je l’ai laissé entendre à mon père, c’est bien un assassina.
—Oui. Je le pense aussi. Dit après réflexion, Renaud. Un geste provoqué par une personne malveillante serait, d’après la disposition des fleurs, plus logique.
— Avec votre aide, cher cousin, nous finirons bien par savoir ce qui s’est réellement passé. Nous n’avons pas encore de preuves pour la confondre, mais avec l’aide de Dieu...
Isabelle regardait maintenant l’endroit où la barque s’était arrêté au retour de la promenade sur l’étang, et où avait péri le petit Thierry. Elle frissonna au souvenir de ce tragique instant. Elle se revit assise en face de Ludivine et elle crut entendre son rire léger, sa voix musicale prononçant avec une grâce ingénue de perfides insinuations... et sitôt après, cette noyade.
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Par La plume de N. Ghis. le 18 Mai 2019 à 12:14
— Ne pensez plus à cela, Isabelle.
Renaud posait la main sur son épaule.
— Venez. Ce lieu vous rappelle trop de choses pénibles. Il est d’ailleurs par lui même, fort mélancolique et l’attrait qu’il inspirait à ma pauvre tante ne devait pas agir d’une manière favorable sur son moral déjà éprouvé par ses doutes et ses désillusions conjugales.
Comme tous deux s’engageaient dans l’allée du parc, en revenant sur leurs pas, ils virent venir à eux William et Catherine. Le cœur serré d’Isabelle se mit à battre plus vite. William, en avançant, la regardait avec une joie contenue. Quand elle lui tendit la main, il y appuya ses lèvres, puis la conserva dans les siennes, tandis qu’il s’informait de sa santé. Tous deux à cet instant, sans une parole, se firent l’aveu de leur amour. Les quatre jeunes gens reprirent le chemin conduisant à la vieille tour. Catherine donnait le bras à son amie.
Derrière eux venait Renaud et William. Sans se soucier de ce pouvaient bien penser Juliette, Renaud tînt à s'informer de l'infortune de sa cousine depuis son retour à Monteuroux et de la vie de William avec sa femme Ludivine. William ne se fit pas prier pour raconter ce que sa femme leurs faisait endurer.
— Isabelle la remettait à sa place à chaque fois, j’en faisais autant ; mais rien ne semblait la déstabiliser. Elle reprenait son air doucereux pour m’amadouer. C’était insupportable ! Mme de Rubens a été informé par sa fille de la façon la plus tendancieuse de l’attirance soit disant supposée que nous ressentions l’un pour l’autre. Nous faisions l’impossible pour ne rien laisser paraître ; mais notre amitié pour elle était douteuse. Ses sous entendus devenaient insupportables. Quant à moi... mon unions avec Ludivine n'était qu'un simulacre de mariage... Elle préférait vivre avec sa mère et son beau-père à Paris, rompant ainsi ses vœux de mariage. Elle ne daignait vivre à Aigue-blanche que quelques semaines par an. Nous n'avions pas de vie commune... Au début de nos fiançailles, elle disait m'aimer. Sous la pression de ma mère, de la sienne et de son beau-père, je cédais. Je ne connaissais rien aux femmes. Je me suis marié sans avoir de sentiments pour elle. Je pensais que je pouvais faire un bon mari, sans plus. De son côté, la naissance de notre fils fut une erreur. De se voir déformer par la grossesse la gênait et la rendait morose. Elle décida qu’elle n’aurait plus d'enfant après Thierry… Ce ne fut pas un mariage heureux… non, vraiment pas…
Quand les quatre jeunes gens passèrent devant le logis du jardinier, le vieil Adrien qui fumait devant sa porte, grommela une vague formule de salutation.
— Ça va Adrien ? Demanda William.
— Doucement Mr le comte.
— Un vieil original, dit William quand ils l’eurent dépassé. Bon serviteur, mais peu enclin aux bavardages. Ils firent quelques pas en silence. Par contre, Catherine parlait avec animation. Sans doute pour distraire Isabelle... Renaud dit en baissant la voix :
— N’a t-on jamais attribué la mort de ma tante à autre chose qu’à un accident ? N’a t-on jamais pensé qu’elle aurait pu se noyer involontairement ?... ou bien de par la volonté vicieuse de quelqu'un ?...
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Par La plume de N. Ghis. le 14 Mars 2020 à 12:47
— Mais non ! Pourquoi ? Supposeriez-vous ?
J’ai constaté, d’après la distance de la berge par rapport aux jardin de nénuphars, qu’elle aurait commis une grave imprudence, ce qui me semble très singulier pour une personne prudente ? Isabelle a eu la même remarque, mais sans y trouver une réponse qui puisse la satisfaire, néanmoins, sans vouloir pousser plus loin sa pensée, elle m'a dit qu’elle était sûr que sa mère avait été victime d’un acte malveillant. J'ajouterais, pour ma part, que ce fut un meurtre et un acte commis intentionnellement ! Il ne faut pas se voiler la face ! A y réfléchir plus avant, je viens d’en venir à la même conclusion que notre cousine, ce qui changerait complètement la direction que pourrait prendre cette affaire. Ne pensez-vous pas ?
— Oui, vous avez raison, approuva William après un court instant de réflexion. Notre tante était profondément croyante et il me semblerait difficile d’admettre qu'elle ait voulu attenter à ses jours ? Maintenant que vous m’en parlez, on peut penser difficilement qu’il puisse s’agir d’une profonde crise de mélancolie provoquée par le chagrin de voir son mari se détacher d’elle... Il paraît qu’elle aimait, en outre, venir rêver au bord de cet étang lorsque la lune était pleine. Cela a pu déterminer le fallacieux projet de la faire disparaître. Peut-être que des mains meurtrières, dicté et dirigé par un esprit machiavélique, est derrière cette énigme ?
— Peut-être, en effet ; mais je n’ai jamais entendu dire que quelqu’un ait fait une supposition de ce genre. Pour les autorités de l'époque, ce fut bien classé comme ayant été un malheureux accident.
Renaud ajouta :
— Justement ! Cela me travaille depuis que j’ai vu les lieux ou la noyade s'est produite. Et si c’était effectivement nous qui avions raison ? Sérieusement ?
Le silence se fit lourd, profond, et les deux hommes se turent devant cette éventualité, ce qui changerait radicalement la façon de considérer la mort de leur tante Daphné.
Comme les jeunes gens atteignaient la vieille tour, ils rencontrèrent Antoinette venant de téléphoner pour demander le médecin. La crise pulmonaire, toujours latente chez sa maîtresse depuis quelque temps, semblait s’aggraver. Puis elle parut très frappée quand je lui ai appris l’accident de l’étang. Depuis ce moment, elle est encore plus sombre qu’à l’ordinaire et elle ne semble plus se battre contre la maladie, ainsi qu’elle le faisait auparavant.
— Dites-lui, Antoinette, que je suis toujours à sa disposition si elle désire me voir.
— Je le lui dirais, mademoiselle. Elle s’est informé hier de l’état de santé de mademoiselle et elle à dit :
— Au moins, elle n’a pas payé pour cette diablesse. Sa mère doit être folle de rage ?
— Pourquoi payer ? Demanda William, se remémorant la supposition qu’avait émit Isabelle en premier, puis Renaud sur la mort de sa tante.
— Je l’ignore Mr le comte.
— Cette pauvre demoiselle est sans doute un peu bizarre, d’après ce que vous m’avez dit, et la maladie ne doit pas rendre ses idées plus saines, suggéra Catherine tandis qu’elle montait l’escalier, suivie de son amie.
— C’est possible. Dit Isabelle, mais je voudrais bien qu’elle me permette d’aller la voir, si elle devient plus malade qu’elle ne l’est déjà. Antoinette est parfaite, entièrement dévouée à ma tante, et du point de vue spirituel, elle aura plus d’action que moi sur cette âme aigrie, égarée dans son orgueil. Toutefois, il serait pénible et indécent qu’aucun membre de sa famille ne fût admis près d’elle sur ses derniers instants de vie. Mon père, lui même, devrait également lui rendre visite, mais il n’a jamais accordé à sa sœur d’attention. S’en est révoltant. J’aimerai qu’elle me permette de lui rendre visite au moins une fois pour lui montrer qu’elle n’est pas seule dans sa souffrance. Elle fût complètement ignorée des siens comme je l’ai été, moi-même par mon père...
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Par La plume de N. Ghis. le 14 Mars 2020 à 12:53
D’un commun accord, Renaud et William avaient décidé de se rendre le lendemain matin chez l’abbé Forges.
Ils trouvèrent celui-ci tout ému, car sa mère venait de lui rapporter le bruit qui courrait dans le village. Il se disait que la comtesse de Rubens soupçonnait Isabelle d’avoir provoqué le fatal mouvement de la barque pour épouser le comte de Rubens-Gortzinski qu’elle aimait.
— Les gents du pays ont beaucoup de sympathie pour Mlle Isabelle, et je doute qu'ils croient à de pareilles calomnies, ajouta le prêtre. Mais il en serait peut-être autrement si le motif prétendu de ce soi-disant crime, n'était pas une invention et que ce soit vraiment un meurtre ? Je pense à une autre personne que nous connaissons bien et qui en voudrait à Isabelle pour cet accident. Nous savons qu'Isabelle est incapable de faire une telle chose ; mais avec le chagrin... sa belle-mère... Le prêtre regardait William dont la physionomie portait la trace des angoisses éprouvées depuis quelques jour. Et je jeune homme d'approuver la confiance que le prêtre avait la jeune fille qu'il avait connut toute petite.
— Vous avez raison, mon père. Isabelle n’est pas capable, pour des intérêts personnelles, de faire ce dont l’accuse sa belle-mère.
Et William de vouloir absolument confondre et punir cette diabolique femme :
— Nous avons l’intention de la poursuivre en diffamations si elle continue ses insinuations.
Renaud suggéra :
— Il faudrait d’abord, je pense, prouver que c’est elle qui répand ces bruits tendancieux. Or, nous pouvons supposer que Mme de Rubens est assez habile pour que toutes les précautions ait été prises afin que l’on ne remonte jusqu’à elle. De plus, n’aurait elle pas l’infernale idée de faire agir son mari contre sa propre fille ? Un père qui diffame sa fille, cela semblera tellement monstrueux qu’on croira difficilement à une telle imposture. Il est tombé bien bas cet homme pour se laisser influencer par une telle femme ! Personne ne peut croire une chose pareille dans le village ! Je parle naturellement de ceux qui connaissent très bien ma cousine depuis l’enfance.
— Vous pensez que Mr de Rubens pourrait ? Dit le prêtre, visiblement suffoqué à cette idée.
— Si vous aviez assisté à la scène qu'il a faite devant moi hier, à ma pauvre cousine ? vous n’en douteriez guère, mon père. Dit encore Renaud. Adélaïde étaient présente lors de cette altercation. Au fur et à mesure que l’affrontement montait en puissance. J'ai compris là, que cet homme est complètement sous le joug de sa femme et qu' il est devenu presque inconscient de son ignominie. Isabelle en a été douloureusement frappée et bouleversée. Elle n’arrivait pas à réaliser que son propre père l’accusait d’avoir fait exprès de faire basculer la barque !
En serrant les poings, William dit la voix pleine de regrets :
— J’étais absent lorsque l’accident est survenu et je n’étais pas là non plus lors de cette scène incroyable. Il va pourtant falloir qu'on la muselle, cette misérable femme ! Croyez-vous que je la laisserai salir ainsi la réputation d'Isabelle ? Ne pourrait-on fouiller dans son passé ? Notre tante est morte dans des conditions qui nous semblent à tous, bien improbables. Il y a des détails qui nous font penser à un meurtre. Nous pourrions découvrir des choses intéressantes qui se seraient passées bien avant le mariage de cette femme avec le père d’Isabelle. Nous pourrions mettre à profit nos découvertes afin de l'obliger à reconnaître ses manigances contre notre cousine. Nous pourrions aussi, découvrir ce qui a vraiment eu lieu la nuit de la mort de ma tante qui, pour moi, n'est pas morte dans un accident. Et c’est encore moins un suicide. J'en suis persuadé !
Renaud déclara qu’il allait se mettre en rapport avec un ami de son père très à même, par ses relations, de leur être utile en cette occurrence. Puis les jeunes gens prirent congé du prêtre et descendirent le chemin menant de l’église au village. Comme ils passaient devant la maison Emilie Granchette, l’ancienne femme de chambre de la mère d’Isabelle, celle-ci vint à eux, la mine agitée.
— Monsieur William, qu’est-ce que je viens d’apprendre sur notre petite demoiselle ? C’est affreux et ce n’est pas possible ! Notre petite demoiselle, accusée d’avoir provoqué la mort d’un enfant et de sa mère ! Je ne peux croire à une telle chose !
— Affreux, oui, Emilie ! C'est son odieuse belle-mère qui mène la manœuvre, en dessous. Démentez, Emilie, démentez de toutes vos forces et de tout votre cœur !
— Oh ! Monsieur n'a pas besoin de me le dire ! Du reste, personne n'y croit. Elle, tuer quelqu'un volontairement ! Bien sûr que c'est un drame de voir une jeune femme comme Mme la comtesse et un beau petit garçon comme Thierry, périr ainsi ; mais ce n'est pas une raison pour accuser une innocente !
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Par La plume de N. Ghis. le 14 Mars 2020 à 12:55
— Ah ! Tenez, voilà Berthe qui monte au cimetière ! Elle à l'air bien abattue, remarqua pensivement Emilie.
J’étais au courant de bien des secrets, mais la discrétion était de mise au château sous peine de ne plus travailler pour le comte. J’étais la seule personne à qui Madame se confiait. Elle avait confiance en moi, et même si je voyais souvent des larmes dans les beaux yeux de ma chère maîtresse qui souffrait terriblement de la désaffection de Mr le comte à son égard, elle ne voulait rien montrer de ce qui la torturait, et me défendait d’en parler à qui que ce soit. Je vous avouerais que j’ai souvent pensé que la cause de l’accident de madame la comtesse était à mon avis, surprenant ; mais à qui confier mes doutes ? Dans le village, beaucoup de gens se demandaient pourquoi le comte s’était remarié si vite, alors qu’il adorait sa femme avant la rencontre avec Mme d’Argenson ? La nouvelle châtelaine n’était pas appréciée. Elle était hautaine et prenait son rôle très au sérieux pour se faire apprécier. Mr le comte avait changé à son contact. Tout ce qu’elle voulait, elle l’obtenait. Dans le village, on lui faisait bonne figure, mais nous ne l’aimions pas.
Lors de l’accident, nous avions reçu l’ordre de ne pas parler de la noyade de Mme la comtesse Daphné à sa petite fille qui n'avait que six ans. Confiée à l’éducation et à la responsabilité de Mlle Adélaïde. Melle Isabelle n’a rien su des causes de l’accident survenu à sa mère pendant longtemps. Nous savions que depuis son remariage, le comte avait délaissée la petite qui ne voyant guère le seul parent qui lui restait, ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait. La nouvelle châtelaine n’aimait pas avoir, à ce qu’en disaient les domestiques du château, Isabelle dans ses robes. La seule enfant qui comptait vraiment à ses yeux, était Mlle Ludivine de Richemont, la fille unique de Mme d’Argenson, devenue comtesse de Rubens. Mr le comte semblait complètement avoir oublié sa petite fille au profit de sa nouvelle famille.
— Je ne trouvais pas bien du tout cette façon d’agir, lui qui avait tant aimé sa première femme, et qui adorait sa petite fille, avant...
— Continuez Emilie. N’ayez pas peur de nos réactions. Emilie, mise en confiance par William et Renaud, s’exécuta, non sans mettre en garde les cousins d’Isabelle.
— Je vous préviens mes bons messieurs, cela va être dur à croire, mais c’est pourtant ainsi que l’histoire se présente ! Il vous faut être large d’esprit pour écouter ces choses qui sembles, pourtant, inconcevables, mais, néanmoins, elles sont arrivées telles que je vais vous les décrire!
— Mais allez-y ma bonne Emilie ! Si cela peut venir en aide à notre cousine, il faut parler !
— Et bien, voilà. Euh ! Vous êtes les premiers à qui j’ose en parler sans passer pour une illuminée.
Quelque temps après l’horrible accident de ma maîtresse, comme à l’accoutumé, les bûcherons du village venu couper du bois dans la forêt avoisinant l’étang, eurent l’impression d’être les témoins d’une apparition surnaturelle qui ressemblait fort à Mme Daphné de Rubens. Ils n’en crurent pas leurs yeux. Cette vision se produisit à plusieurs reprises. Les bûcherons qui sont de solides gaillards ne craignant rien, et qui ne sont pourtant pas des hommes peureux ! Et bien, ils ne voulaient plus aller dans cet endroit du parc qui faisait face à l’étang-aux-ormes.
Catherine était bouche baie. Telle une statue de sel, elle était pétrifiée, incrédule. Ce qu’elle venait d’entendre était tellement incroyable ! Une apparition ? Serait-ce possible ? Emilie se rendait bien compte qu’elle avait choqué la jeune fille, mais elle ne pouvait plus s’arrêter. Il fallait qu’elle dévoile toute l’histoire. Elle risqua :
— Cela peut vous paraître impensable ce que je vous confis là, Melle Catherine, mais c’est comme je vous le dis ! Je ne fais que vous confier ce qu’il s’est passé après la mort de la comtesse et l’histoire ne s’arrête pas là !
— Dites, ma bonne Emilie. Nous voulons tout savoir. Affirma Renaud. Emilie s’exécuta de nouveau.
En écho à ces racontars qui allaient bon train dans le village. Mr le comte, lui-même, descendit voir les bûcherons qui l’informèrent de ce dont ils avaient été témoins. Bien qu’il ne voulu pas croire à ce genre de chose, il interdit qu’on parla de cette histoire d’apparition qu’il qualifiait de divagations de la part de ces hommes. Le comte se mit en colère et certifia que si une seule insinuation, sur ce sujet, devait parvenir jusqu’au château, le village serait sévèrement sanctionné.
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Par La plume de N. Ghis. le 14 Mars 2020 à 13:10
— C’est quand même impensable ! Fit William. Personne ne croit aux fantômes de nos jours ! C’est une histoire incroyable que vous nous contez-là !
— Je comprends bien, mais ce que je vous raconte, est la stricte vérité ! Si je n’avais pas confiance en votre jugement, je ne vous aurais rien dit ! Si aujourd’hui je vous confie cette histoire qu’il a fallu taire pendant toutes ces années, c’est pour que vous en tiriez quelques renseignements susceptibles de vous aider dans la recherche de la vérité sur la mort de ma maîtresse. Daphné de Rubens, pour moi, n’est pas morte de la façon dont on le dit. J’en suis persuadée ! C’est pour cette raison que la deuxième comtesse de Rubens déteste tant Isabelle. Il y a quelque chose de sournois là dessous ! C’est depuis longtemps mon avis !
— Je vous entend bien Emilie ! Dit Renaud. N’ayez crainte ! Nous allons nous servir de vos renseignements pour aider Isabelle et confondre l’actuelle comtesse. Ses méfaits ne resteront pas impunis.
Isabelle et Renaud déjeunèrent le lendemain à Aigue-blanche et y passèrent l’après-midi. Tacitement, les sujets douloureux auxquels tout le monde pensait furent bannis de la conversation. Sur la demande du jeune Anglais, William lui fit visiter le domaine auquel il avait apporté nombre d’améliorations. Isabelle et Catherine les accompagnaient. Tous deux s’intéressaient à l’agriculture, aimaient la campagne et ses occupations. A celle-ci, Isabelle n’était que peu initiée. Déclarait-elle avec un furtif sourire qui amena un peu de détente sur le visage soucieux de William.
Renaud et elle regagnèrent Monteuroux vers la fin de l’après-midi. Tandis que le jeune homme rentrait sa voiture dans le garage où désormais, la place ne manquerait plus. Isabelle le précéda vers la vieille tour. Adélaïde l’accueillit par ces mots :
— Il paraît que le médecin ne donne pas d’espoir pour votre tante, mon enfant. Antoinette demande si vous pouvez allez chercher demain matin des ballons d’oxygène, à la ville la plus proche du village, car on en aura certainement besoin rapidement pour la soulager.
— Mais oui ! Je partirais dès sept heures. Pauvre tante !
Renaud intervînt :
— J’irais demain à la place de ma cousine qui est très fatiguée. Ne vous inquiétez pas, Antoinette. Je ne vais pas oublier.
— Merci Renaud, de ton aide.
Dans sa chambre, Isabelle alla s’accouder à la fenêtre. Les premières grisailles d’une fin d’après-midi morose d’un d’automne qui n’arrivait pas à s’imposer, ne comblait pas son cœur empli de doute.
L’atmosphère à Aigue-blanche avait un instant calmé ses angoisses sous le regard bienveillant et gravement passionné, par moment, de William, redevenu anxieux. Elle pensait à celle qui se mourait, là-haut, solitaire, farouche comme elle l’était depuis tant d’années. Jamais plus, elle n’entendrait la plainte déchirante du violon de sa tante, ses rêveries ardentes, ses gémissements où l’âme claustrée dans son orgueilleuse retraite exhalait un peu de son amère souffrance. Jamais plus... Victoria de Rubens allait mourir. Paraîtrait-elle ainsi devant son juge, devant celui qu’elle ne connaît plus depuis tant d’années ? Se demanda Isabelle.
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Par La plume de N. Ghis. le 8 Novembre 2020 à 13:12
Une porte s’ouvrit derrière la jeune comtesse.
— Antoinette voudrait vous parler, dit Adélaïde.
— Dites-lui d’entrer Adélie. Antoinette pénétra dans la chambre de Isabelle, et lui tendit un rouleau de papier :
— Mlle Victoria envoie cela à Mlle Isabelle pour qu’elle le lise tout de suite.
— Ah ! Bien, Antoinette. Ma tante est-elle vraiment au plus mal ? Risque t-elle de nous quitter dans les jours qui vont suivre ?
— Elle va tout à fait mal. Je lui change ses draps tous les jours, tellement elle transpire. La fièvre ne descend pas. Elle vient en outre de se fatiguer pour écrire ces pages qu’elle voulait à tout prix vous faire porter. Je l’ai soutenu comme j’ai pu, mais elle à eu beaucoup de peine pour arriver à la fin.
La voix d’Antoinette se brisait. Sur son visage altérée par le chagrin, on discernait la fatigue accumulée par un dévouement qu’elle ne ménageait pas.
— Est-elle conscience de son état ?
— Oh ! Très bien, mademoiselle. Elle sait qu’elle est perdue.
— Elle ne veut pas voir le prêtre ?
Les yeux tristes d’Antoinette parurent s’éclairer tout à coup.
Il faut attendre l’heure de Dieu. Nous ne comprenons pas non plus, nous, mais Lui sait le moment où l’âme s’ouvre pour le recevoir.
— Si votre maîtresse voulait, je pourrais vous soulager un peu, Antoinette... en veillant sur elle cette nuit, par exemple ?
— Mademoiselle m’a chargé de dire à Mlle Isabelle qu’elle la recevrait ce soir, si elle veut venir après avoir lu ce qu’elle lui envoie.
Sur ces mots, Antoinette se retira. Isabelle, intriguée, prit une chaise et déroula les deux feuillets couverts d’une écriture heurtée, un peu en zigzags, mais où l’on retrouvait partout les traits caractéristiques d’une nature excessive et volontaire.
« Ma chère nièce,
Tu es sans doute étonnée que je puisse, après t'avoir ignoré pendant toutes ces années, t'appeler ainsi, mais puisque je vais mourir, il faut que je libère ma conscience. Isabelle, moi seule sais vraiment comment ta mère est morte. J’étais dans le pavillon le soir où elle fut poussée dans l’étang par une femme que je n'ai pas su reconnaître sur l'instant, mais qui me fit poser des questions. Ce geste meurtrier finit par guider ma réflexion sur la femme de chambre de ta belle-mère. A cette époque, et sur l'ordre de la vicomtesse d'Argenson, elle remplaçait la dame de chambre de ta mère. Je suis presque sur que ce ne pouvait être que cette femme aux ordre de ta belle-mère.
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Par La plume de N. Ghis. le 8 Novembre 2020 à 13:30
Isabelle faillit défaillir. C’était donc vrai ! Ce qu’elle pensait depuis des années, à présent, était une certitude. Sa mère avait bien été assassinée par des mains cruelles voulant sa mort. Elle arrêta sa lecture, et appuya sa tête dans ses mains. C’était bien pour cette raison que sa mère n’était pas en paix ? Après une pause et les yeux embués de larmes, elle essaya de reprendre sa lecture. Lors d’une apparition de sa mère, Isabelle avait cru que son cerveau lui avait joué des tours ; mais c’était bien la raison pour laquelle sa mère revenait de l’au-delà... Elle arrêta sa lecture, prit une chaise et appuya sa tête dans ses mains. Sa mère avait donc bien été assassinée ! Après une pause et les yeux embués de larmes, elle essaya de reprendre sa lecture. Lors d’une apparition de sa mère, Isabelle avait cru que son cerveau lui avait joué des tours ; mais c’était bien la raison pour laquelle sa mère revenait de l’au-delà ! Isabelle avait toute sa raison et ne mettait plus en doute ses visites afin de la protéger ! Elle arrêta sa lecture, prit une chaise et appuya sa tête dans ses mains. Sa mère avait donc bien été assassinée ! Après une pause et ses joues ruisselantes de larmes, elle essaya de reprendre de nouveau sa lecture.
— Pourquoi n’ai-je rien dis ? Parce que je haïssais ma belle-sœur qui était tout ce que je n'étais pas. Elle était tellement belle ! Elle me semblait heureuse et aimée comme jamais une personne telle que moi ne pourrait l’être un jour. C'était une bonne personne qui me traitait avec une affection que je prenais pour de la pitié, ce qui blessait mon orgueil. Dans mon fort intérieur, je n'acceptais pas ses gentilles attentions envers moi. Chaque fois qu'elle m'invitait à boire un thé, faire de la broderie ou qu'elle me conviait à écouter un morceau de Frédérique Chopin, je ne refusait pas, cachant, ainsi, mon ressentit vis à vis d'elle. J’étouffais ma colère derrière des amabilités, enviant sans le montrer, sa position de jeune femme aimée. Ta mère avait un véritable talent de pianiste au point de faire pleurer mon âme. J'étais jalouse. J'avais mal au point de reconnaître que je ne pleurais pas seulement en écoutant ce qu'elle transmettait par le jeux de ses jolies mains, mais aussi, sur mon sort de femme déformée. Je ne pleurais intérieurement que sur moi-même... Mon âme était empoisonnée par la jalousie. Oui, c’était de la haine qui s’insinuait en mon cœur comme un poison violent. Antoinette me disait que j’étais possédée par le diable. Maintenant que je vais m’en aller, je me dis qu’elle n’avait peut-être pas tout à fait tord et que l’enfer doit ressembler aux souffrances interminables que ressentent les damnés... Au point où en ait la maladie, je sais que j’en ai plus pour longtemps, et je veux décharger mon âme. Il faut aussi que tu saches ceci. On a tué ta mère. Qui ? Je n’ai pu reconnaître cette femme. Elle était grande et vêtue de noir, comme je te l’ai dis. Était-ce Edith d’Argenson ou sa domestique ? Je ne saurais, encore aujourd’hui, être certaine de l’identité de la meurtrière. Je ne connais pas, ta belle-mère parce que je ne l’ai jamais vue. Je m’étais déjà enfermée ici lorsqu’elle a commencé de fréquenter Monteuroux et mon frère. Mais qui donc aurait eu intérêt à supprimer ta mère, sinon celle qui convoitait sa place, son titre et qui, ensuite, s’est faite épouser si rapidement par mon frère ?
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Par La plume de N. Ghis. le 9 Novembre 2020 à 13:36
— Je t’ai déjà prémunie contre elle. Je savais par Angèle qu’elle a toujours cherché à te nuire. Si c’est elle qui est la cause du meurtre de ta mère ou qui en ait l’instigatrice, qui sait ce dont elle est capable de faire contre toi ? Prends garde ! Au cas où tu trouverais quelque intérêt à ce que soient connus les faits tels qu’ils se sont passés, use de cet aveu que je te fais. On me considérera avec raison comme une complice de ce crime, puisque je ne n’ai pas dénoncé ce dont j’ai été témoin. Tu me détesteras, Isabelle, et tu auras raison. Mais peut-être songeras-tu un peu aux tortures morales qui m’ont ravagées l’esprit depuis toutes ces années. Je ne te demande pas de me pardonner. Pourtant, je connais ta bonté d'âme. J'implore, malgré ce que tu as dû supporter depuis ta plus tendre enfance, ta pitié, mon enfant.
Victoria de Rubens »Lorsque Adélaïde surprise de ne pas voir sa protégée à l’heure du dîner, en sa dans sa chambre. Elle la trouva affaissée dans un fauteuil, toute frissonnante, ses doigts froissant la lettre de Victoria. L’horreur étreignait son âme et elle ne savait en ce moment laquelle lui paraissait plus odieuse de la confession de Victoria ? Elle avait, au moment du meurtre, ressentie une haine jusqu’à se réjouir de la mort de sa mère. Qu’est-ce qui lui semblait le plus horrible ? La femme mystérieuse qui était peut-être sa belle-mère ou bien la domestique qui avait exécuté ses ordres ?
Lorsque plus tard, entre Adélaïde et Renaud, elle se fut un peu remise de cette révélation imprévu, elle jugea nécessaire de leurs communiquer la confession de sa tante, ce qui pouvait peut-être aiguiller son cousin sur une voie intéressante pouvant aider sa défense contre le machiavélisme de la d’Argenson. Renaud jugea aussitôt que dès le lendemain, à la première heure, après avoir rapporté les ballons d’oxygène pour la tante de sa cousine, il irait faire part à William de l’étonnante lettre qu’il avait conservé précieusement.
— Le crime paraît certain après cet aveu, mais il faudrait prouver l’identité de la meurtrière, ajouta t-il. Or, en pleine nuit, elle a dû passer inaperçue... A moins que... Vous m’avez dit Isabelle, que votre vieux jardinier avait coutume de travailler quelques fois à son jardin par les nuits de pleine lune, les soirs d’été ?
— En effet.
— Il faudrait que j’aille l’interroger au plus tôt. Peut-être a-t-il vu passer cette femme dont parle votre tante, et surtout, pourra-t-il nous donner une indication susceptible de l’identifier.
— Oui, peut-être, dit Isabelle d’un air las.
Elle demeura très absorbée, pendant le dîner auquel personne ne toucha guère. En se levant de table, elle fit un pas vers la chambre, puis, se ravisa et dit à Adélaïde :
— Je monte chez ma tante.
Sa voix avait un léger tremblement. Adélaïde la suivit d’un regard anxieux que des larmes mouillaient.
— Ma pauvre petite chérie ! Murmura t-elle. Que d’épreuves et quelles révélations en ces quelques jours !
— la vie est ainsi ma chère Adélaïde. En ces instants de grande souffrance morale, Elle ne le sait pas encore, mais elle gagne son bonheur. Dit pensivement Renaud.
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