• Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-  

    Lorsque la jeune comtesse allait se promener dans le parc, Adélaïde lui recommandait sans cesse de ne pas aller trop près du bords de cet étang dont les berges étaient devenues dangereuses. La jeune fille ne s’en souciait guère, et ne se privait pas de braver les recommandations d’Adélaïde. Elle aimait cet endroit sans en connaître la raison qui l’attirait près de la pièce d'eau. Elle s’y rendait chaque fois qu’elle le pouvait. Était-ce le besoin de braver les interdits ? Elle ne le savait pas elle-même. Elle était frondeuse la jeune comtesse !

    Un jour que l’envie lui était venu de cueillir une de ces fleurs, elle eut soudain l’idée, comme le faisait sa mère, de prendre la vieille barque sans se demander si elle saurait la manipuler, se souciant peu de ne pas savoir encore nager. Téméraire devant le danger, bravant le sort, se servant des rames avec maladresse, elle s’était approchée le plus près possible du jardin aquatique. A l’aide d’une longue branche souple et fourchue qu'elle s'était procuré avant de prendre la barque, elle avait réussi à attirer à elle une de ses fleurs tant convoitées par sa mère. Elle l’avait cueilli avec mille précautions pour ne pas faire chavirer son embarcation, et revenant prudemment près de la rive, elle remit la barque à sa place, sans omettre de l'arrimé bien consciencieusement,  de monter les trois marches qui permettaient de se retrouver sur la terre ferme. Heureuse d'être parvenue à ses fins, Isabelle prit soins de fixer la fleur dans ses cheveux. La jeune fille se sentait curieusement en paix. Sur le chemin qui menait à Châteauroux, Isabelle croisa Ludivine de Richemont qui, avec ce sourire ingénu plein de sous-entendus dont elle avait le secret, lui dit :

    Vous avez cueilli cela dans l’étang ? Quelle imprudence ! Comment avez-vous fait ? Le jardin aquatique n’est pas si près de la berge ! Avez-vous donc envie de finir comme votre mère ?

    Obéissant aux réflexes habituels, chez elle, dès qu’il s’agissait de  la d'Argenson ou de sa fille, Isabelle, répliqua sèchement :

    Quoi ?! Qu’a fait ma mère, et en quoi cela vous regarde t-il ?! De quoi vous mêlez-vous ?!

    — Ce que votre mère à fait ?! Mais elle s’est noyée dans l’étang en voulant cueillir ces fameuses fleurs ! Du moins on le suppose... Personne ne vous l’a jamais dit ?

    Abasourdie et furieuse par ce qu’elle venait d’apprendre sans ménagement de la bouche de cette péronnelle de Ludivine, Isabelle lui asséna une réplique digne d’une personne qui savait des choses que la fille de la d’Argenson ignorait :

    Ne serait-ce pas quelqu’un qui aurait poussé ma mère intentionnellement ? Je ne suis pas idiote ! J’ai pris la barque moi-même pour aller cueillir ces fleurs ! On ne peut les attraper de la berge ! Ne trouvez-vous pas étrange qu’elle ait cherché à attraper ces fleurs seule, alors que dans la journée qu’elle prenait la barque de  pour aller les cueillir ?!  C’est curieux ! Ne trouvez-vous pas ?

    Oh ! Mais qu’allez-vous chercher là ? Ce n’est pas la version officielle de la mort de votre mère ! fît Ludivine derrière un sourire malicieux et plein de sous entendus. Vous vous montez la tête, ma chère !

    Son air plus qu’ironique, humiliant et méprisant en disait long sur l’animosité que nourrissait Ludivine de Richement à l'encontre d' Isabelle de Rubens.

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    — Vous êtes vraiment une peste pour me dire de telles choses ! Lorsque ma mère est décédée, vous n’aviez que deux ans de plus que moi ! C’est votre mère qui vous a mise au courant alors que l’on me l’a caché depuis toutes ces années et que c’est vous qui me l’apprenez en y mettant un malin plaisir ?! Vous êtes décidément mesquine, cruelle et pleine de méchanceté ! Pour cela, vous êtes le portrait de votre mère, sans aucun doute ! Êtes-vous satisfaite de me faire du mal ?

    Ludivine ne répondit pas, mais le sourire de satisfaction qu’elle affichait en disait long quant à l’effet produit sur Isabelle concernant sa révélation. Hors d’elle, la jeune comtesse gifla magistralement sa rivale qui ne s’attendait pas à une telle violence. Ne lui laissant pas le temps de réagir, Isabelle s’éloigna avec la rage au cœur, se répétant sans cesse à voix haute :

    — Noyée ? Ma mère s’est noyée ? C’est impossible ! Elle ne s’est pas noyée seule ! On l’y a aidé ! Cela ne peut en être autrement ! Adélie m'a souvent répété que mère était bien trop prévoyante et responsable pour faire de telles imprudences !

    De son côté, Ludivine, la joue en feu et blessé dans son orgueil, marmonna les dents serrées :

    — Tu va me payer cette gifle tôt ou tard ma petite… Tu ne perds rien pour attendre.

    Ce qu’Isabelle venait d’apprendre jeta en son âme une horreur tragiquement douloureuse. Elle se précipita dans la cour, entra comme une folle chez Adélaïde, et lui cria :

    — Pourquoi ne m’avez-vous pas dit que ma mère s’est noyée dans l’étang ?! Je comprends la raison pour laquelle vous me répétiez sans cesse de ne pas m’approcher des bords où se trouvent ces maudits nénuphars ! J’attends une explication !

    Adélaïde, interloquée par ce que la jeune fille venait de lui annoncer avec tant de violence dans la voix, eut bien du mal à retrouver son calme avant de pouvoir articuler un mot :

    — Heu... Comprenez-moi ma chère enfant ! Vous étiez bien trop jeune pour accepter ce malheur ! Qui… qui vous a... mise au courant de cette... cette tragédie que nous avons tous pris soins de vous cacher le plus longtemps possible ? Pour une fois, je ne pouvais donné tort à votre père qui voulait vous protéger et vous épargner le désarroi d’une toute petite fille qui ne pouvait comprendre cette tragédie. Vous expliquer que désormais, vous ne reverriez plus votre pauvre maman, était trop dur et j’avais ordre de vous cacher la vérité. Votre maman à eut accident, ma chérie ! C’est officiellement la cause de sa mort. Il fallait préserver votre jeune âme le plus longtemps possible de l'horrible choc ! L'accident s’est produit alors que vous n’aviez que six ans. Cela vous aurait certainement marqué à vie ? Je ne pouvais m'y résoudre et votre père m’avait interdit de vous dire ce qu’il s’était passé. Je pensais, pour une fois, la même chose. Mais... qu’est-ce... cette fleur dans vos cheveux ? !

    Cela me regarde Adélie !

    Vous avez bravé le sort pour savoir s’il était possible d'attraper une de ces fleurs, alors que le jardin de nénuphars n’est pas si près que cela de la berge ! Votre maman prenait la barque pour aller les cueillir en plein jour, prenant soin de s’habiller en conséquence. Elle ne s’y serait jamais risqué, la nuit tombée !

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    Hors, l’accident s’est produit, il devait être onze heure du soir. Votre père et les domestiques l’on cherché toute la nuit et votre père ne l’a retrouvé que le lendemain matin à la levée du jour.

    — Puisque vous l’avez vu être portée sur son lit au sortir de cet étang, Adélie. Comment maman était t-elle habillée ?

    — Elle avait une très belle robe dans les tons de parme, ainsi qu’un châle agrémentant sa tenue.

    Justement ! Cela ne vous a pas semblé inconcevable que maman est été vêtue pour une simple promenade et que père ne l’ai pas accompagné ? J’ai voulu me rendre compte par moi-même de ce qui avait pu se passer, et j’ai vite compris que l'énigme n'avait rien à voir avec les nénuphars. Se servir de cette vieille barque pour cueillir ces fleurs, n’était pas son idée. Elle n’était pas là, en pleine nuit pour cette raison ! Ce qui m’a tout de suite interpellé, c’est qu’il est tout à fait impossible de cueillir ces fleurs de la berge ! J’ai fais ce que je pensais être la manière de faire de maman, et j’ai dû trouvé un bâton courbé sur le bout, afin de constituer un genre de crochet. Puis, j'ai pris la barque pour aller jusqu’aux fleurs, mais lorsque je me suis risqué à faire cette expérience, la seule différence était qu’il faisait jour ! Pour sa promenade, maman n’était pas habillée en conséquence pour aller à la cueillette de ces fleurs, ce qui me fait poser bien des questions… Comprenez-moi, Adélie. Il est très risqué, surtout la nuit tombée, je dirais même, impossible, de vouloir attraper ces fleurs de la berge, si belles soient-elles ! Je suis convaincue que maman a été poussé ! C'est un assassinat, Adélie !

    Il me semble, en effet, que vous ayez vu juste mon enfant ! Votre pertinence dans votre façon de raisonner me fait voir les choses sous un autre angle. Je m'en rends compte à présent. Votre présence d'esprit vient de me faire comprendre bien des choses dont je ne m'étais pas rendu compte aveuglée par le chagrin d'avoir perdu Daphné...  Je pense, à présent, qu'il est bien trop tard... beaucoup trop d'années se sont écoulées depuis, pour arriver à découvrir le fond de cette énigme... Pourquoi vous faire du mal, Isabelle ? Cela est si loin...

    Mais pour moi, Adélie, maman vient seulement de me quitter pour  la deuxième fois et pour toujours ! Est-ce que vous vous rendez compte de ma peine ? ! Maman est morte assassinée par une personne malveillante qui n'a pas été punit par la loi des hommes ! Dieu sait ce que l’on à fait à ma chère mère et je demande, j’implore la justice divine !

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    — Maintenant que vous  en parlez, je me suis souvent posé les mêmes questions que vous aujourd’hui quant à la version officielle de sa mort ? Comment aurait-elle pu être aussi inconsciente et s’aventurer sur ces berges glissantes pour des fleurs déjà inaccessibles en plein jour ? Votre mère connaissait le danger. La pleine lune, n’aurait pu lui suggérer l’idée même d’essayer ? Elle était trop intelligente pour tenter une telle expérience en pleine nuit. Je n'ai pas osé faire part de mes soupçons à votre père prostré dans son chagrin, mais quand il revînt de son voyage, il était déjà remarié. Isabelle. Dites-moi laquelle, de la mère ou de la fille, vous a mise au courant de la noyade de votre maman ? Je suis sûr que cette méchanceté ne peut venir que de Ludivine ! Répondez-moi, Isabelle. Est-ce Ludivine ? Elle ne pouvait tenir ce secret que de sa mère ! Elles sont aussi malveillantes l’une que l’autre. Le fiel empoisonne leurs âmes.

    — Je ne les craint pas, Adélie ! Tout mal se paie sur terre... Tôt, ou tard... J’en suis persuadée ! Que ce soit ma belle-mère ou la mesquine Ludivine, elles seront obligées de rendre des comptes à Dieu ! Je n’ai aucune vengeance en mon cœur. Simplement de la colère vis à vis de mon père trop faible pour résister à cette odieuse femme... Je n’en veux pas, non plus à William pour ne pas se rendre compte de la noirceur de l’âme de sa fiancée. Je haie cette d'Argenson ! Heureusement que l’abbé Verges m’aide à évacuer la haine que je ressens ! la prière et la confession me sont précieuses. Je sais que Dieu est là pour veiller à ce que justice soit faite ! Je ne saurais dire comment, mais je le sens... 

    — Vous êtes bouleversée, mon enfant, et je comprends votre chagrin. Que vous soyez choquée et révoltée, ça aussi, je le comprends. Pardonnez-moi, Isabelle. Mais votre père ne... votre père ne voulait et ne veut absolument pas que vous soyez au courant de la fin horrible de votre mère... Maintenant que vous savez...

    — Maintenant que je sais, je ne changerais rien à mon comportement vis à vis de quiconque. La Ludivine va être très surprise de ne pas avoir de retour sur notre altercation au bord de l'étang. Père vous avait interdit, et vous interdit toujours de me tenir au courant de qu'il ne veut pas que je sache ! Mais tout ceci est finit !

    Père ne me fait appeler que pour que sa femme ait la joie de me reprocher ma conduite envers elle ou sa chère fille. Cette femme est d’une ignoble cruauté et sa fille la suit de près ! C’est peu de le dire ! Elle m’a fait mal en se réjouissant de ma surprise et de ma peine qui devait se lire sur mon visage lorsqu’elle s’est fait un plaisir de me dire la vérité sur l’accident de mamanC’est vraiment là que j'ai découvert cette personnalité malsaine qu'elle cache si bien sous des mimiques coquettes et innocentes, sa voix doucereuses que l'on peux associer à du venin... Elle aime se réjouir impunément du malheur des autres. Malgré ma peine, je viens de me rendre compte que cette peste de Ludivine, bien malgré elle, ma rendu un grand service en voulant me faire souffrir. 

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    Ce que je viens d’apprendre m’a éclairé sur certains points qui m’étaient restés obscures étant trop petite pour réaliser les véritables raisons concernant l’absence de maman. Je suis plus à même de me conforter dans ce que je soupçonne depuis longtemps ; mais elle n’aura pas le dernier mot sur moi ! Je saurais surmonter mon chagrin. Ne me cachez plus rien Adélie. Je veux tout savoir sur ce qui concerne maman. Je vous dis qu’il y a quelque chose de malsain dans ce supposé accident ? Vous savez, Adélie, ce que je pense de tout cela.

    Depuis cet instant fatal où la jeune adolescente avait appris la mort tragique de sa mère par la bouche de Ludivine de Richemont, elle considérait la pièce d’eau comme une sorte de lieu de pèlerinage. Chaque fois que cela lui était possible, elle se devait de venir s’asseoir dans l’herbe devant l'étang. Là, Elle repensait à sa mère morte, bêtement, noyée, sans personne pour la secourir. Elle imaginait la scène tout en frissonnant d’horreur. 

    — Quelle mort affreuse ! Pensa Isabelle. Comme elle a dû avoir peur avant de s’enfoncer définitivement dans l’eau froide, sombre et profonde et surtout dans le noir complet de la nuit déjà bien avancée.

    La blondeur de sa chère mère aux grands yeux pensifs dont le portrait ornait sa chambre, lui faisait penser à son contraire aux cheveux diaboliquement noir corbeau qu’elle ne supportait pas. Le portrait de sa mère était l’unique lien qui la reliait à elle. Tous les soirs et chaque matin à son levé, Isabelle lui parlait. Elle sentait que sa mère la protégeait et l’aimait. Daphné et Isabelle, par l’intermédiaire de ce tableau, n’avaient jamais été vraiment séparées.

    Il existait, au bord de cet étang, un vieux pavillon à demi ruiné par l’humidité et le manque d’entretien, mais qui avait conservé les lignes élégantes des constructions du XVIII ème siècle. A l’intérieur, l'on pouvait encore observer quelques-unes des boiseries sculptées et recouvertes d’une fine couche d’or, avoisinant avec de fines peintures dont on l’avait autrefois décoré.

    Dans ces années où la fortune des de Rubens ne les avait pas encore abandonnés, pareil à leurs ancêtres, ils donnaient des fêtes au bord et sur cet étang. Comme l’exigeait la coutume et la bienséance, l’on offrait collations ou soupers, selon les heures ou les invités se trouvaient être encore aux abords du pavillon. Cela faisait bien longtemps que les de Rubens n’exerçait plus aucune activité en ce lieuCe qu’il restait de leur fortune, ne leurs permettait plus de l’entretenir. Seule Isabelle y venait lire, rêvasser ou dessiner. Seule, non, car un jour, elle y avait trouvé un long voile de tulle blanc qui devait appartenir à sa tante Victoria, puisqu’il n’y avait plus que sa tante, à part elle, qui venait de ce côté-ci du parc. Cette tante qu’Isabelle ne connaissait pas, ne fréquentait ces lieux qu’à la nuit tombée, lorsque sa silhouette déformée par une bosse au dos déportant, par obligation, sa taille, compressant aussi son coeur et ses poumons. Sa tante, profitant de la nuit, sortait de la vieille tour et se confondant avec les hombres nocturnes, se dirigeait vers l’étang ou se trouvait le pavillon, étant sûr de n’y rencontrer âme qui vive.

    Deux jours après son entrevue avec la comtesse Marie-Marguerite, Isabelle, par un après-midi maussade, vînt s’asseoir sur une des marches du pavillon légèrement en surélévation, permettant de visionner dans son ensemble l'endroit plus que mystérieux qu'était l'étang. 

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    Elle ouvrit son carnet à dessins qu’elle avait apporté dans l’intention de croquer la berge de la pièce d'eau qui lui faisait face. Les herbes folles recouvraient le sol. Seuls les trois degrés près de la vieille barque restaient à découvert. D’une main déjà très adroite, Isabelle traça une esquisse de cet endroit qu’elle aimait pour son calme, sa beauté, ses cygnes qu’elle adorait voir évoluer sur l’eau. Ce dessin lui permettait d'avoir prés d'elle le lieu où sa mère devait perdre la vie et se sentir ainsi, plus près d'elle. Adélaïde lui avait donné, elle-même, quelques leçons, et la jeune fille s’était tout de suite montrée très agile dans ses coups de crayon. Elle aimait le dessin et ses progrès étaient stupéfiants ! La vieille demoiselle s’étonnait de son savoir-faire sans jamais avoir pris de véritables leçons, si ce n’est que les siennes. Ce don inné lui rappelait Victoria. Elle était très adroite, elle aussi, de ses mains et artiste accomplit, ce qui lui faisait dire :

    — Quel dommage de ne pouvoir mieux cultiver les dons que vous avez ma chère enfant ! Il est vraiment triste que votre tante Victoria vive en recluse ! Vous auriez beaucoup appris avec elle. Victoria est une artiste confirmée dans bien des domaines ! Son savoir ne serait pas perdu avec vous. Elle est très adroite de ses mains, ce qui en fait une artiste accomplit. Je ne croie pas qu’elle vive encore longtemps. Ses poumons et son coeur sont comprimés par sa cage thoracique qui, obligatoirement, suit la rotation de sa colonne vertébrale, et celle-ci ne cesse  de vriller au fur et à mesure du temps qui passe. Elle doit avoir beaucoup de mal à respirer. 

    — J’aurais bien aimé, chère Adélie, lui adoucir le temps qu’il lui reste à être avec nous. Mais voudrait-elle accepter ma présence 

    — Je ne croît pas ma chère enfant. Elle ne veut jamais voir personne à part sa dame de compagnie, la gentille Antoinette,  ainsi que Dominique et Angèle.

    — C’est triste Adélie. Nous sommes chacune en manque d’attention et de tendresse pourtant, je suis sûr que nous arriverions à nous entendre, et même à nous apprécier... si elle le voulait. Ses jours seraient moins tristes, je lui adoucirais ses journées et elle m’apprendrait tellement de choses… Que ne puis-je essayer de la convaincre par l’intermédiaire d’Antoinette ?

    — C’est ainsi ma petite chérie. Face à son obstination, nous ne pouvons rien faire.

    Dans ces années où la fortune des de Rubens ne les avait pas encore abandonnés, pareil à leurs ancêtres, ils donnaient des fêtes dans le pavillon sur plombant l'étang. Après que l'on ai fait des promenades sur l'eau en aimable société, et comme l’exigeait la coutume,  ainsi que la bienséance, selon les heures, l’on offrait collations ou soupers dans ce même pavillon qui, en ces temps anciens, resplendissait de sa royale magnificence.

    Cela faisait bien longtemps que les de Rubens n’exerçait plus aucune activité de ce côté-ci du parc. Ce qu’il restait de leur fortune, ne leurs permettait plus d’entretenir ce pavillon qui, malgré sa solitude, tenait toujours debout. Seule Isabelle y venait lire, rêvasser ou dessiner, mais toujours seule. Pourtant, un soir, elle y avait trouvé un long voile de tulle blanc. A qui appartenait-il ? Qui pouvait bien porter ce châle à part la sœur de son père ? Elle n'avait jamais vu sa tante Victoria ; mais puisqu’il n’y avait plus, à part elle, aucune personne qui venait de ce côté-ci du parc à la nuit tombée, ce ne pouvait être qu'elle ? Cette tante que Isabelle ne connaissait pas et qui ne fréquentait ces lieux que la nuit tombée, lorsque sa silhouette déformée par une bosse au dos, déportant par obligation sa taille, se confondait alors avec les hombres nocturnes. Victoria sortait pratiquement chaque soir de la vieille tour, puis elle se dirigeait vers l’étang où se trouvait le pavillon, étant sûr de ne jamais y rencontrer âme qui vive.

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    Depuis cet l'instant où elle avait appris la fin tragique de sa mère par la comtesse Ludivine de Richemont, Isabelle considérait douloureusement la pièce d'eau lorsque qu'elle y venait. Elle ne pouvait  s'empêcher de penser à sa mère partie loin d'elle dans une fin horrible. Elle ne faisait pas que penser à sa mère trop tôt disparut, mais elle imaginait aussi la scène, tout en frissonnant d’horreur. 

    — Quelle mort affreuse ! Pensa la jeune fille à haute voix. Comme elle a dû avoir peur en sentant que sa vie allait s'arrêter là, dans le noir complet de la nuit, avant de s’enfoncer définitivement dans l’eau froide, sombre et profonde, sans personne à ses côtés pour la secourirLa blondeur de sa chère mère aux grands yeux pensifs dont le portrait ornait sa chambre, lui faisait penser à son contraire aux cheveux diaboliquement noir corbeau qu’elle ne supportait pas. Le portrait de sa mère était l’unique lien qui la reliait à elle. Tous les soirs à son coucher et chaque matin à son levé, Isabelle lui parlait. Inconsciemment, elle sentait que sa mère la  comprenait, la protégeait et l’aimait. Daphné et Isabelle, par l’intermédiaire de ce tableau, n’avaient jamais été vraiment séparées.

    Le vieux pavillon à demi ruiné par l’humidité et le manque d’entretien, servait souvent d’abri à Isabelle, lorsqu’elle croquait principalement cet endroit avec ses grands arbres, Isabelle aimait le silence ou la brise se faisait sentir de temps à autre. Tout était silencieux et parfois, le désagréable cri d’un animal blessé déchirant l’air, parvenait jusqu’à elle. A un moment donné, la musicalité d'un léger rire de femme s’éleva, et troubla le silence, frappant l’oreille de la jeune comtesse. Elle tressaillit et le crayon que ses doigts tenaient fermement s’arrêta net. Isabelle reconnu le rire cristallin de Ludivine de Richemont. Que faisait-elle sur les berges de cette pièce d’eau qui ne lui étaient aucunement familière ? Elle n’y venait jamais. Ce lieu, après ce qu'il s'était passé il y a des années, ne semblait pas assez hospitalier pour cette péronnelle ! Les lèvres serrées, la jeune comtesse se leva, gravit rapidement les quelques degrés ou elle était assise et qui la séparait de l’intérieur du pavillon. Elle repoussa les battants d’une porte qui supportait encore quelques vitres intactes, puis, pénétra à l'intérieur. La pièce, dallée en damier de marbre noir et blanc, n'avait rien perdu de ses airs de demeures seigneuriales. Ce pavillon avait une longue histoire qui n'admettait pas qu’on oublie son existence, mais à cause de l'humidité provenant de la résurgence diffuse de sources souterraines nouvellement apparues en surface par endroit, décollaient progressivement les peintures pourtant vieilles de plusieurs siècles. Les conséquences désastreuses de ces sources, abîmaient considérablement les panneaux décorés encadrant l’une des très grandes pièces qui se trouvait être en fort mauvais état. Le plafond, lui aussi, était extrêmement endommagé, mais on y discernait encore quelques vagues formes mythologiques. Trois portes vitrées, pareilles à celles qu’Isabelle venait de franchir, donnaient sur les autres façades se trouvant à l'arrière du pavillon. La jeune fille s’approcha de l’une d’elle, l’entrouvrit sans bruit, et tendit l’oreille. Un peu plus loin, sur le chemin menant à l'étang, venaient de s’arrêter deux personnes qui n'étaient autres que Ludivine de Richemont et William de Rubens-Gortzinski. 

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    Elle minaudait la demoiselle, certaine de son pouvoir de séduction. Ses mots se voulurent caressants, lorsqu’elle prononça ces quelques paroles :

    Nous irons où vous voudrez, William chéri. Nous pourrons même attendre l’hiver pour notre voyage de noces afin d’avoir plus de temps jusqu’à ce moment où votre travail vous laissera quelque liberté. Nous pourrions aller dans le midi ? Je connais un bel endroit où nous serions tranquilles pour jouir de notre bonheur.

    La voix suave de Ludivine se fit un doux roucoulement lorsque, à la déconvenue de l'adolescente, en avançant à pas lents sur la berge de l'étang, la tête brune de son ennemie se pencha sur l’épaule de William. Le jeune comte, conscient des exigences à peine déguisées de sa fiancé, essaya de la résonner :

    Vous avez là une bonne idée, chère Ludivine. Pourtant, j’aimerais mieux ne pas m’absenter plus de quelques jours au moment de notre mariage. Ce sera l’époque des travaux d’automne. Un agriculteur n’a pas beaucoup de liberté. Vraiment, ne craignez-vous pas de vous ennuyer à la campagne, vous qui êtes plutôt habituée à une existence mondaine ?

    Oh, non, mon chéri ! Avec vous, jamais ! Rien ne compte plus, à mes yeux, que notre amour !

    Isabelle s’écarta brusquement de la porte fenêtre, le dégoût au bord des lèvres. Son visage était tendu, ses sourcils rapprochés dénotaient une sourde colère. Avec un sourire méprisant, elle murmura :

    Et il la croit, cet imbécile ! Sa mère et elle n’aiment pas la campagne. A l'arrière saison, ainsi que les mois d’hiver, elles ne restent jamais au château.

    La voix de Ludivine se fit entendre de nouveau, mais cette fois, légèrement plus forte, puisqu’ils étaient arrivés à hauteur du pavillon, face à l’étang. La porté de ses paroles parvenaient plus distinctement aux oreilles d'Isabelle qui n’en perdait pas une miette :

    Je n’aime pas cette pièce d’eau. Depuis cet accident, elle a toujours eu quelque chose de lugubre. Je me demande pourquoi la mère d’Isabelle en faisait une de ses promenades favorites, et je suis curieuse de savoir ce qu’elle pouvait bien trouver à cet endroit ? Je n’aime vraiment pas ce côté-ci du domaine ! Aurait-elle cherché à se suicider ?

    Quelle drôle d’idée à traversé votre tête et que vous importe ! De mon côté, je tiens à savoir la raison qui vous a poussé à m’entraîner de ce côté-ci du parc si vous n’aimez pas cette pièce d’eau ?

    Sans se troublée, Ludivine argumenta :

    Je désirais connaître le chemin qui menait à l’étang. Je ne l’avais jamais empreinté. J'ai surtout souvent entendu parler de cet endroit par mère. Avec vous, je ne crains rien, mon chéri. Et puis, je désirerais, en savoir un peu plus sur cette Daphné. Vous qui l’avez connu et côtoyé étant plus jeune, pourriez-vous m’éclairer ? Je sais juste ce que mère m’en a dit. William sursauta en entendant traiter sa tante défunte d’une manière guère respectueuse, ce qui le fît vivement réagir :

    Vous êtes bien insolente, ma chère ! Vous serait-il plaisant que l’on dise de vous : cette Ludivine ? Elle ne mérite pas cette appellation péjorative ! Je ne vous dirais rien de ce que vous désirez savoir ! D’ailleurs, je n’ai pas connu ma tante assez bien et assez longtemps pour vous faire une description exacte de sa personnalité. Vous êtes priée de ne plus aborder ce sujet, et à plus forte raison, lorsque la personne n'est plus de ce monde.

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    De plus, vous êtes prié d’éviter de parler des personnes que vous n’avez pas connu, à plus forte raison, lorsqu’elles disparaissent de ce monde d’une bien étrange manière. Vous devez le respect à ma cousine Daphné de Rubens encore plus parce qu’elle ne peut se défendre, car je pense et à juste titre, qu’elle aurait beaucoup de choses à dire afin de vous remettre à votre place ! Vous êtes un esprit médisant, qui ne me plaît guère, ma chère!

    Nullement intimidée par le ton exaspéré de son fiancé, Ludivine continua :

    Il paraît qu’elle était très belle, mais il y avait en elle quelque chose qui éloignait.

    Enfin, c’est ce que mère m’en a dit ! J’étais très jeune à cette époque et mère n’a jamais eu de sympathie pour elle. Je ne crois pas qu’elle eut rendu son époux bien heureux si elle avait vécu. Elle n’avait pas de fortune personnelle. Le comte Rudolph ne devait pas s’amuser tous les jours avec une personne froide et sans dote.

    Hors de lui, William s’écarta brusquement de Ludivine et lui fit face. Son visage exprimait devant ce jugement sournois, une sourde colère. Sa voix était froide, mordante, accusatrice n’appréciant pas du tout les paroles de sa fiancée lorsqu’il l’apostropha :

    Comment pouvez-vous juger de sa froideur ? Ne savez-vous pas qu’il ne faut jamais dénigrer ni juger les personnes que l’on ne connaît pas, et de surcroît, quand elles ne sont plus ?! Devrais-je vous le répéter encore ?! Vous avez le jugement bien trop facile concernant autrui ! Vous croyez-vous parfaite ?! En ce temps là, vous n’étiez qu’une enfant ! Que connaissez-vous aujourd’hui de la comtesse Daphné de Rubens? Vous avez vraiment un parti pris exécrable ! Qui vous a mis toutes ces idées en tête ? Je vous interdis de dire encore un seul mot de plus sur la comtesse Daphné, si non, je vais perdre mon calme ?!

    Sans se départir de son aplomb, Ludivine insista :

    Mais enfin, mon cher William ! Je ne dis que ce qui est ! J’en ai le droit ! Je vais bientôt faire partie de votre famille et ce que je pense de votre tante, me regarde également ! Comment mon beau-père arrivait-il à faire face financièrement aux dépenses qu’engendrait le domaine, étant donné que la comtesse Marie-Marguerite, sa mère, ne lui accordait aucun crédit ?

    Je suis stupéfait ! En quoi cela vous regarde-t-il ?! Décidément ! Vous êtes d’une impudence !

    Ça me regarde, mon ami, puisque nous somme fiancés et que bientôt, nous serons mariés !

    D’après votre façon de penser qui n’est pas ma façon de comprendre la vie et les choses telles que vous essayez de me les faire accepter, ce n’est pas encore fait ! Il est très probable que nous annulions nos fiançailles.

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    Notre désaccord est à ce point mon ami ? Tout ceci parce que je vous ai ouvert mon cœur ? Nos parents tiennent à ces fiançailles ! Qu’ai-je fais de mal en vous demandant de simples renseignements ?

    William excédé, manquant exprès de courtoisie envers sa promise, ne répondit pas et s’éloigna sciemment d’elle, la laissant continuer seule ses jacasseries et son chemin le long de la berge.

    William ! Vous me laissez seule prés de cet étant maudit ? Vous êtes un mufle ! Père et mère vont êtres furieux contre vous en apprenant ce que vous me faites supporter à cet instant ! Mère, régît les comptes du château et injecte quand même de ses avoirs provenant de sa propre fortune dont elle a hérité, pour moitié, à la mort de père qui, au bout de sa longue maladie, sentant sa fin prochaine, avait pris des mesures auprès de son notaire afin de désigner mère comme héritière et tutrice de la part qui devait me revenir à ma majorité ou bien à mes noces.

    Je vous apporte une très belle dote mon ami ! Vous me devez le respect ! Stupéfait par l’aplomb dont faisait preuve sa fiancée, William s’arrêta net, se retourna sur elle, la laissant se rapprocher, car pour rien au monde, il ne se serait humilier à revenir vers elle. Il était hors de lui et ne se gêna pas pour le lui montrer :

    Je ne vous dois rien ! Vous êtes, en plus, d’une prétention ! Qu’ai-je à faire de votre dote ! Pensez-vous que votre fortune m’intéresse ? Vous avez une drôle de façon de voir les choses que je n’aime pas du tout ! Vous êtes vénale et mesquine ! Il va falloir changer votre raisonnement d’enfant gâtée si vous voulez que… réflexion faite, je ne connaissais guère cet aspect de votre personne ? Je vous le répète, je ne sais pas si nos fiançailles sont une bonne chose ! Nous ne sommes pas du même monde. Nos caractères sont bien trop différents et je viens de découvrir votre perfidie !

    Mais je vous aime, William ! Nous sommes fiancés ! Vous ne pouvez me rendre votre parole ! Lorsque nous serons mar…

    William coupa net Ludivine :

    A cette heure, nous ne sommes plus fiancés ! Je viens de vous le faire comprendre à l’instant ! Votre personnalité ne me plaît guère ! Je ne vous voyais pas sous ce jour !

    William ! Je vous en supplie ! Que vont dire nos parents ? Ils tiennent à ce mariage ! Je regrette de vous avoir contrarié ! Pardonnez-moi, je vous en prie !

    Le jeune comte ne répondit pas à sa supplique, se défourna de son ex-fiancé, reprit sa marche et activa le pas afin de s’éloigner au plus vite d’elle et de son comportement qui l’insupportait. Voyant qu’elle perdait son attention et que sa colère perdurait, rusée, Ludivine reprit la conversation avec douceur et persuasion, accélérant elle même son pas, le suivant de très prés pour ne pas se retrouver abandonnée en ce lieu qu’elle trouvait malsain et qui, décidément, ne lui réussissait pas.

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     Ne vous braquez pas ainsi, cher William ! Mère était encore très jeune et très belle après ses deux veuvages, et le comte qui est devenu, par la suite, mon beau-père, ne fut pas insensible à ses charmes ! Mère ne voulait pas m’élever seule. Elle considérait que j’étais encore trop jeune pour ne pas avoir de model masculin auprès de moi. Elle devait se remarier. Le comte de Rubens étant veuf et libre, elle ne se refusa pas à lui lorsqu'il lui demanda sa main. Pourquoi aurait-elle dû attendre plus longtemps pour retrouver le bonheur ?

    S’en était trop pour le jeune comte qui asséna à sa fiancée, ce à quoi elle ne s’attendait guère, s'arrêtant net  sur la dernière réflexion de la comtesse de Richemont. En cet instant, son envie de la fuir était pressante puis, se ravisant, furieux, William revînt sur ses intentions et lui fît, sans ménagement, mille reproches sur la conduite de sa mère et la sienne, prenant la défense de sa cousine germaine sur un ton que Ludivine n'aurait jamais soupçonné être dans sa nature. Il lui aboyait carrément dessus, et ses paroles arrivaient furieusement jusqu'aux oreilles d'Isabelle.

    — Vous vous êtes approprié l'attention et l'amour de son père au détriment de la jeune cousine qui aurait pu être élevé avec vous ! Vous rendez-vous compte que votre mère et vous, l’avez privé d la bienveillance d'un père à votre profit ? Vous me semblez très égoïste, ma chère, et je n’aime pas cela ! Je m’aperçois que vous avez de bien vilains défauts, ce qui n’est pas de bon augure pour notre avenir. SIsabelle avait, depuis son plus jeune âge, été élevée par son père, comme cela aurait dû être, ainsi que par votre mère faisant preuve, pour une fois, de bonne volonté, elle aurait joué et grandit avec vous, telle une petite sœur et sans qu'il y ait la moindre différence entre vous, comme cela aurait dû être ! Deux petites filles pratiquement du même âge entourée de la tendresse et de l’amour d’un père et d’unbelle-mère bienveillante qui aurait put remplacer avantageusement sa mère, sans pour autant lui faire oublier ma tante Daphné ! Ne croyez-vous pas que la jeune fille rebelle qu’est devenu ma cousine aujourd’hui, serait encore, à ce jour, telle que nous la connaissons ?! Il est normal qu’elle veuille se défendre contre vos manières et qu’elle ait des griefs contre son père qui est manipulé par votre mère et vous même ! Je viens de me rendre compte que vous n'êtes, toutes deux, que de mauvaises personnes !

    — Mais... Mon chéri ! Je vous aime ! Vous ne pouvez pas !

    Le ton employé par le jeune homme ne souffrait aucune réplique de la part de son interlocutrice qui continuait d'argumenter, vexée de ne pas avoir le dernier mot, ce qui agaçait profondément le jeune homme qui se montra encore plus furieux et blessant :

    — Assez, vous dis-je !

    — C'en est trop ! Je… je ne peux vous laisser défendre cette gamine mal éduquée ! Cette sauvageonne !

    — Cette gamine comme vous dites, n’a que deux ans d’écart avec vous ! De plus, elle me semble bien plus saine d’esprit dans ses raisonnements, que vous et votre mère !

    — Oh ! Je vais en référer à mère et à père !

    — Taisez-vous, vous dis-je ! Ce n’est pas votre père, mais celui d’Isabelle ! Vous vous accaparez bien vite les personnes qui ne sont pas de votre sang et que vous faite votre ! Je ne veux plus entendre un seul mot sortir de votre bouche ! Nous allons rentrer et nous reparlerons de ce qu'il vient de se passer ! Sans plus de discutionsje reprends ma parole, que vous l'acceptiez ou non ! Entendez-vous !? 

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    Isabelle ne revenait pas d'avoir été témoin de la dispute qui venait d'opposer  les deux fiancés William venait de prendre ouvertement sa défense et celle de sa mère ? Ce pouvait-il qu’il ait compris le manège de la d'Argenson et sa fille  ? Bien qu’elle ait quelques griefs contre lui, elle remercia intérieurement son cousin pour avoir remis à sa place la fille de celle qui aurait dû devenir sa belle-mère, s'il n'avait pas rompu, à temps, ses fiançailles avec cette chameau de Ludivine. Le couple s’éloigna, séparés l'un de l'autre par des divergences d'opinions et bien plus encore...

    Ne se doutant pas une seule seconde qu’une oreille indiscrète avait suivi les propos acerbes et pleins de sous-entendus de cette peste de Ludivine qui minaudait quelque temps au paravent sur l'épaule de William. Isabelle fulminait de ne pas avoir pu fermer le bec de cette pie jacassante désirant satisfaire sa curiosité sur un sujet qui qui ne la regardait absolument pas. Curieuse d’en apprendre un maximum sur leur mésentente flagrante, Isabelle tendait une oreille attentive au moindres paroles que Ludivine tenterait de prononcer pour essayer de faire revenir William sur sa décision. Oserait-elle encore braver l’autorité de celui qui venait de rompre ses fiançailles avec elle ? Isabelle essaya de les suivre, mais dans le soir qui tombait, plus aucun son ne parvint à ses oreilles. Le visage de la jeune fille, assombris par la gravité de ce qu'elle venait de surprendre et qui les opposait, jusqu'à faire sortir de ses gonds son cousin, l'avait étonnamment surprise ? Aller jusqu’à rompre ses fiançailles d'avec sa pire ennemie, l'avait laissé étrangement pensive... Que devait-elle croire ?

    Isabelle essaya de calmer l’orage qui grondait en son âme. Des larmes roulaient sur ses joues qu’elle essuya d’un revers de mains rageur tout en serrant les dents. Isabelle ne pouvait se douter qu'un jour, son cousin pourrait prendre sa défense comme il venait de le faire sous le coup d'une colère plus que légitime. Pourtant, elle ne voulut pas baisser sa garde envers lui. Cette animosité envers William avait grandi depuis qu’il avait changé au contact de la d’Argenson. Cependant, là, il venait de faire preuve de compassion envers elle, se demandant même s’il avait eu raison d’accepter ces fiançailles avec une peste telle que la fille de la d'Argenson. En fin de compte, s'était-il rendu compte qu'elle ne lui convenait pas, et qu'il allait sans doute l'épouser pour satisfaire sa mère et sa futur belle-mère ? Isabelle se demandait si William avait de véritables sentiments pour Ludivine de Richemont ? Qu'elles étaient les raisons qui l'avaient décidé à se fiancer avec la fille de cette sorcière comme il l'avait, dans son exaspération, surnommé lui même ? Autrefois, alors qu’il n’était encore qu’un adolescent et que Isabelle n'était que de quelques années plus jeune que lui, il s’était montré gentil à son égard. Il lui avait même affirmé qu’elle serait un jour une très belle jeune fille, qu’elle était très intelligente pour son âge, et déjà très intéressante dans ses raisonnements. Son attitude envers elle avait commencé à changer sous l’influence de la nouvelle comtesse de Rubens qui la traitait avec une telle indifférence et une telle froideur, qu'il lui semblait qu’elle n'était devenue qu'une petite chose insignifiante pour son propre père naturellement influencé par la nouvelle maîtresse du château qui ne manquait jamais une occasion de faire valoir sa propre fille. Depuis, à ses yeux, au contact de cette mégère manipulatrice, William s'était, petit à petit, lui aussi, transformé en un quelqu'un d’autre qu’elle ne reconnaissait plus.

    Isabelle se refusait à croire qu'il ait soudainement et sous la colère, changé d'avis à son égard ; mais pourquoi l'avait-il, alors, défendu ? Était-ce pour contrecarrer les paroles venimeuses de Ludivine devenue en un instant son ex-fiancée ? Pensait-il vraiment ce qu'il venait de dire à son sujet ? La questions s'imposait à elle sans qu'elle ne puisse y trouver une réponse plausible. Connaissant la fourberie de sa marâtre, pouvait-elle lui accorder le bénéfice du doute ? Était-il soudain redevenu son ami, ou devait-elle continuer à se méfier de lui  ?Isabelle présentait que ce revirement soudain pouvait ne pas durer, sachant très bien l’influence néfaste que cette femme exerçait sur les membres des deux familles de Rubens. 

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    Elle se refusait de croire qu'il ait soudainement et sous la colère, changé d'avis à son égard. Mais alors, pourquoi l'avait-il, défendu ? Était-ce pour contrecarrer les dires venimeux de sa future femme devenue, en un instant, son ex-fiancée ? La questions s'imposait à elle sans qu'elle ne puisse y trouver une réponse plausible. Elle se méfiait de la perversité de sa belle-mère bien trop habile à retourner n’importes quelles situations scabreuses à son avantage. Ce qu’il venait de se passer n’était qu’un intermède pour elle… D’ailleurs, la réponse à ce qu’elle redoutait, ne se fît pas attendre. Il se passa quelques jours avant qu’Isabelle se rendre compte qu’elle avait vu juste concernant les retournements de situation dont sa marâtre était coutumière. Encore une fois, elle avait réussit un coup de maître. De nouveau, les fiançailles de sa fille étaient d’actualité, ce qui n'était pas pour lui convenir. Isabelle se posait mille questions sur la manipulatrice qu'était la d’Argenson. Quel était son secret pour, en si peu de temps, réussir à remettre au goût du jour les fiançailles rompus de sa fille ?

    La jeune fille, sortit du pavillon, demeura un moment immobile, pensive, les yeux fixés sur l’eau sombre de l’étang. Les roseaux frissonnaient sous la brise du soir. Isabelle ne sentait pas la fraîcheur qui tombait sur ses jeunes épaules. Les mains serrées sur son album à dessins, elle était comme pétrifiée par une souffrance intérieure indescriptible, qui n’était que la conséquence de tout ce chagrin accumulé depuis des années. Soudain, un murmure se fit entendre. Sur le moment, elle ne comprît pas, puis elle entendit de nouveau ce murmure et cette fois, bien distinct à ses oreilles quelqu'un l'appelait :

    Isabelle...

    Son prénom semblait flotter dans l’air. Était-ce une illusion ? Pourquoi l’appelait-on et qui ? Pour la troisième fois, l’adolescente entendit son prénom. Cette fois-ci, il n’y avait plus de doute : une douce voix de femme l’appelait. La voix venait de l’étang : ce qui était impossible pour quelqu'un de rationnel ! Isabelle douta de sa raison, mais elle se trouvait assez proche du bord pour y deviner un visage qui ressemblait étrangement à celui de sa mère dont le pastel était accroché sur le mur de sa chambre. Depuis qu’elle avait appris son tragique accident, elle venait constamment devant cette pièce d’eau, traumatisée par cette tragédie qu’elle ne pouvait plus ignorer. Ludivine de Richemont avait évoqué bien cruellement sa mère, et ne s’était pas gênée pour la dénigrer. Était-ce le résultat de toutes ses critiques qui faisait qu’Isabelle apercevait le visage tant aimé de sa mère, là où elle avait disparu ? Tant de questions se pressaient dans son esprit torturé...  

    Afin d’être sûre qu’elle n’avait pas imaginé tout ceci, Isabelle se pencha un peu plus vers cette eau qui l’attirait d’une manière plus qu’étrange, mais la vision s’était évanouie comme par enchantement. De petites vaguelettes troublaient l’eau et Isabelle ne distinguait plus rien que l’ombre de Daphné de Rubens qui planait encore sur l’étang-aux-ormes. Isabelle se fit violence pour ne pas douter de sa raison. Pourtant, elle avait bien distingué ce doux visage tant aimé de ses propres yeux ? Impossible de le nier ! Elle était sûre de ce qu’elle venait de d’apercevoir ! Toute retournée, Isabelle s’éloigna, à regret de la pièce d’eau, en direction du château, par le chemin le plus broussailleux, de façon à ne pas rencontrer ces deux tourtereaux mal assortis. Elle nourrissait trop de rancœur contre Ludivine, et même si William avait pris sa défense, elle se devait d’être prudente. Quand elle fut en vue du parterre inférieur, elle jeta vers les alentours un coup d’œil méfiant. Non, ils n’étaient pas là... L’autre parterre paraissait tout aussi désert que celui qu’elle venait d’inspecter. Seul le vieux chien de chasse tout maigre, boiteux et pas loin de sa fin de vie, arpentait les plates-bandes sommairement entretenues. Il vint vers Isabelle qui lui donna une caresse distraite avant de se diriger vers la vieille tour qui était son seul refuge.

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    Chapitre IV

    Trois jours plus tard, dans la chapelle du château, furent célébrées les obsèques d’Aurélie de Rubens, née comtesse de Brémont. Le curé du village célébra la messe dans la chapelle du château, et un religieux bénédictin, cousin de la défunte, donna l’absoute.

    L’assistance était peu nombreuse. Quelques châtelains de la contrée, quelques personnes du village, les familles de fermiers depuis longtemps au service des de Rubens constituaient l’assemblée. Devant eux, se tenaient le comte Rudolph de Rubens, Isabelle, Édith et sa fille, Mme de Beau-levant et son fils William de Rubens-Gortzinski. Adélaïde qui était une de Brémont comme sa grand-mère avant son mariage avec Stéphan de Rubens, était présente également. Angèle et son frère, strictement au service de la défunte, se trouvaient relégués, avec les autres domestiques, derrière les seigneurs de Monteuroux. Victoria qui s’était abstenue de paraître au lit de mort de sa mère, se trouvait également absente de cette cérémonie dernière.

    La chapelle, qui occupait l’extrémité des anciens bâtiments, avait jusqu’alors résisté à la ruine. Elle ne servait plus qu’en de semblables circonstances. Les vieux vitraux subsistaient dans leurs alvéoles de plomb et laissaient passer une clarté indécise entre ces visages de saints auréolées, dans laquelle s’estompaient le visage des assistants. Celui d’Isabelle restait caché sous le voile qu’elle ne songeait pas à écarter. La jeune fille se sentait mal à l’aise entre sa belle-mère et son père. Elle n’aimait pas se retrouver entre sa belle-mère et l’auteur de ses jours. Contrairement à son habitude, elle avait une piété sincère et bien dirigée par le curé, mais là, sa pensée ne suivait pas les rites sacrés.

    Depuis le moment où elle avait assisté, invisible, à cette scène révélatrice près du lit où se mourait la vieille comtesse, elle restait sous l’impression d’un écroulement affreux qui l’avait fait si précipitamment fuir. Jusqu’alors, bien qu’elle connût l’influence de la d’Argenson sur son père, elle n’aurait jamais osé penser que celui-ci poussât la faiblesse jusqu’à fouiller les quelques meubles sous les yeux de sa mère mourante. Rien, jamais rien, ne pourrait enlever ce souvenir de la mémoire d’Isabelle, pas plus que le sourire de l’aïeule : cet atroce sourire qui signifiait, pour elle, la joie haineuse de la vieille dame à la pensée de la déception promise aux héritiers avides.

    Toutes ces images passaient et repassaient dans sa tête, et lui faisait entrevoir un désespoir sans nom devant ce monde décidément trop cruel. Ce sourire, la jeune fille l’avait retrouvé sur les lèvres de la morte quand, avec Adélaïde, elle s’était agenouillée près d’elle. Angèle, impassible, sèche et glacée, ainsi qu’à l’accoutumé, se tenait près de sa maîtresse défunte.

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    Comme Adélaïde murmurait le cœur remplit d’effroi :

    Oh ! Pourquoi sourit-elle ainsi ?

    Angèle avait répondu avec une étrange intonation de voix à peine audible en direction d’Adélaïde :

    Elle est morte contente, probablement. Sans doute a-t-elle joué un bon tour à ses descendants, à commencer par son fils et sa belle-fille...

    On entendit soudain une voix masculine qui entonnait le Dies irac. C’était le menuisier du village avec sa belle voix de Baryton. Isabelle frissonna en entendant ce chant magnifiquement

    Interprété… Un jour de colère dans le cœur de la jeune comtesse.

    Isabelle songeait à celle dont le corps inerte, réduit à l’état de cadavre, parti sans regret avec ses secrets juste confiés à sa petite fille qu’elle avait ignoré toute sa vie, mais qu’elle préférait à tout autre personne de sa descendance, connaissant la cupidité qui faisait loi dans ce château qui s’en allait en décrépitude au fur et à mesure que les années s’écoulaient.

    La comtesse avait une âme orgueilleuse et dure. Elle avait dû paraître devant son juge nimbée de la féroce joie de sa vengeance. Mme de Rubens, cloîtrée dans cet orgueil inflexible, avait toujours dédaigné une religion qui glorifiait les humbles et conseillait le pardon aux injures si l’on voulait être en accord avec les préceptes de l’église qu’elle considérait comme hypocrite. Dans son contraire, elle avait méprisé au plus haut point Édith D’Argenson, et elle était certainement décédée en la haïssant plus encore...

    Mais était-ce donc une grande faute que de haïr cette femme ? Alors, elle, Isabelle ? Elle qui la détestait de toute son âme ? Qui ne pouvait la regarder sans souhaiter sa mort ? Son regard envahit par l’angoisse alla vers l’autel. Un grand Christ très ancien, sur une croix en bois de chêne vermoulu, dominait l’assistance. Isabelle joignit les mains en songeant en elle-même : Peut-être me pardonnerez-vous seigneur, vous qui avez tant souffert des hypocrites pendant votre vie et les avez si bien fustigés en paroles. Mais ne me demandez pas de ne plus détester cette femme ! Tout au plus, je promets de ne plus lui souhaiter de mal... mais c’est tout, mon Dieu, c’est tout ! Il est trop injuste qu’elle puisse profiter de la faiblesse de mon père, du nom qu’elle porte afin d’effacer celui qui était le sien, avant, qu’elle jouisse d’une notoriété non méritée, et d’un titre qu’elle a volé à ma chère mère.

    Isabelle ramena tout contre son visage le voile de crêpe noir pour ne pas sentir le parfum capiteux, hors de prix, dont sa belle-mère se paraît. Vers sa droite, Catherine de Rubens blonde, maigre, fatigué, avec un visage fané, tenait ouvert son livre de messe, mais il restait toujours à la même page.

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    — Encore une qui se laissait prendre par le charme hypocrite et sournois de sa marâtre et de sa fille. Se dit Isabelle.

    Mr de Richemont avait été le premier mari d’Édith, emporté par une maladie qui s’éternisait. Il avait eu le temps de régulariser son testament et laissé à parts égales entre sa femme et sa fille, un héritage composé de biens immobiliers, de terres cultivables dont les fermages rapportaient bien, ainsi que des liquidités très, très substantielles !

    En deuxième noces, Édith de Richemont avait épousé le vicomte d'Argenson avant que celui-ci ne décède deux ans après leur union. Alors seule héritière, elle avait profité de ses biens qui étaient assez conséquents malgré les frais inhérents à cette succession. Voir sa fortune grossir lui apporta une certaine satisfaction. Le comte de Rubens, était donc son troisième époux. Il était moins argenté que ses deux premiers maris ; mais il y avait du potentiel à venir qu’elle ne tenait pas à négliger. Isabelle avait vu de ses propres yeux, sa cupidité et ce qu’elle avait derrière la tête : l’argent... l’argent ! Isabelle en détestait instinctivement le mot, bien qu’elle ne connût pas encore à fond les bassesses dont les gens étaient capables pour en avoir toujours plus.

    La jeune fille aimait sa pauvreté et même, elle en était fière, comme si, en elle, se ressentait une supériorité morale sur sa belle-mère et sa fille. Est-ce qu’elle l’avait deviné, car plus d’une fois elle l’avait tentée en lui offrant la possibilité d’avoir les mêmes toilettes élégantes que Ludivine, en la raillant hypocritement, et avec un sourire légèrement ironique, sa mise très modeste, mais Isabelle n’était pas tombée dans le piège : C’était à son père de l’entretenir.

    Ah ! Plutôt mendier mon pain que de devoir quelque chose à cette sorcière ! Pensa la jeune comtesse.

    L’obligation de rester auprès de la d'Argenson pendant la cérémonie funèbre produisait chez Isabelle un profond malaise qu’elle avait du mal à réprimer. Aussi, éprouva t-elle un vif soulagement quand les assistants quittèrent leur place pour suivre le cercueil que l’on s’apprêtait à descendre dans la crypte où reposaient depuis quelques siècles les restes de tous les successeurs de Monteuroux, Sous la voûte romane, soutenue par de lourds piliers, s’alignaient des sarcophages de pierre. Les porteurs déposèrent le cercueil sur des tréteaux que la famille et les serviteurs entourèrent tandis que le prêtre commença les dernières prières à la lueur des cierges ancrés dans les anciennes appliques d’argent encastrées, elles-mêmes, dans les épais murs de la crypte. Isabelle, deux fois par an, à la Toussaint et le 16 août, anniversaire de la mort de sa mère, descendait avec Adélaïde dans cette lugubre crypte où les défunts reposaient. Elle n’y pénétrait pas sans un serrement de cœur, car l’atmosphère de la crypte y était pesante et sombre.

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    Aujourd’hui, la même sensation l’étreignait devant ce cercueil de chêne qui renfermait l’altière comtesse Marie-Marguerite et son sourire… En levant les yeux, elle vit son père le visage défait. Son beau visage très fin était pâle et contracté. Ses paupières baissées ne laissaient pas voir son regard. Pensait-il, lui aussi, à ce sourire qui avait quelque chose de machiavélique ? Se disait-il comme Isabelle, qu’il ne pourrait jamais oublier les traits de sa mère au moment de son dernier souffle.

    Elle détourna les yeux de ce père qui l’avait complètement négligé. Maintenant, elle regardait sa belle-mère qui prenait le goupillon des mains de son mari. Elle avait un visage de circonstance, et sa douceur feinte ne trompait pas la jeune fille revoyant ce même visage se montrer tel qu’il était : empreint de méchanceté, et de cupidité. Pour la première fois, Isabelle avait observé ce même visage rendu méconnaissable par l’avidité dans la chambre même de son aïeule ! Elle entendait toujours les paroles que cette harpie, pleine d’avidité, avait prononcé sans aucune considération pour la mourante, alors qu’elle cherchait les fameux bijoux de la princesse hindoue. Isabelle était écœurée et l’envie de prendre la fuite la démangeait.

    Ne plus voir cette mégère et son père qu’elle avait pourtant tant aimé lorsque, toute petite fille, elle se blottissait contre lui et qu’il l’entourait de ses bras avec tendresse. Il l’appelait en ce temps-là, ma petite reine, ma petite chérie. Il l’écoutait babiller et s’en enchantait. A ce moment-là, Daphné était en vie ; mais Daphné, à cette heure, n’était plus. La d’Argenson l’avait remplacé très rapidement auprès de ce père tant aimé, mais si faible devant le sourire d’une femme sachant s’y prendre pour le séduire, avant qu’elle ne prenne définitivement la place de sa pauvre mère...

    Isabelle eut un sursaut. Le goupillon lui était justement tendu par sa belle-mère. Elle le prit, et le secoua machinalement sur le cercueil puis, le passa à Ludivine en réprimant avec difficulté son dégoût. Elle se détourna et s’en alla vers les marches humides de la crypte pour les gravir rapidement, sans se soucier des condoléances à venir.

    Ce fut le moment ou la famille devait s’aligner pour recevoir le salut des assistants, mais sans Isabelle qui s’était glissée au-dehors afin de gagner la vieille tour.

    Dans l’escalier, elle croisa Antoinette, la femme de chambre de Victoria qu’elle n’avait pas quitté depuis sa naissance. Mince et les cheveux parsemés de gris, habillée très simplement, elle avait une figure fine avec des yeux calmes et très doux. Elle parlait peu, mais entendait et répétait à sa maîtresse, tout ce qui lui venait aux oreilles. Lorsque Isabelle se rendait en semaine à la messe, elle la voyait toujours agenouillée à la même place, dans un complet recueillement. Elle se sentait attirée et intriguée en même temps par cette Antoinette, car elle avait l’impression d’une paix intérieure qui émanait d’elle.

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    En s’écartant pour laisser passer la jeune comtesse, la femme de chambre de Victoria, la salua avec un air de doux respect non feint qu’elle avait toujours pour la nièce de sa maîtresse. Isabelle dit machinalement :

    Bonjour Antoinette. Cette rencontre l’amenait à repenser à cette tante pratiquement inconnue, farouchement retirée du monde pour cacher sa disgrâce. Après tout, elle avait raison. Il n’y avait partout que méchanceté, fourberie, prétention, et égoïsme. Il n’y avait que désillusion, et mieux valait, toute jeune, se retirer de ce monde trompeur, de ce monde odieux où vivaient des Édith, Ludivine, des êtres décevants comme William…

    Cela faisait bien cinq minutes qu’Isabelle était perdue dans ses amères pensées, quand Adélaïde, arriva. Elle s’écria dans l’entrée même :

    Pourquoi êtes-vous partie si vite jeune fille ? Il fallait attendre la fin de la cérémonie ! Que les assistants vous eussent salué, comme les autres !

    Isabelle eut un geste las qui en disait long sur ce qu’elle pensait des ces êtres vils et sans morale qu’était sa famille. Elle dit d’une toute petite voix :

    Cela n’a aucune importance Adélie, je suis si peu connue ! Je pense que l’on ne s’est même pas aperçu de mon absence.

    Je crois, au contraire, que vous allez recevoir des observations, mon enfant.

    Ah ! De ma belle-mère, peut-être ? Je n’en ai que faire. Un sourire méprisant souleva la lèvre d’Isabelle.

    Et bien ! Je les écouterai, comme à l’accoutumée, et je ne m’en porterai pas plus mal.

    Elle n’aura pas tout à fait tort en la circonstance de vous réprimander. Votre place était à côté de votre père, Isabelle.

    Que vous n’aimiez pas votre belle-famille est une chose, mais vous vous deviez d’être auprès de votre seul parent direct : votre père. Il faut vous habituer à ne plus agir telle une petite sauvageonne.

    A qui la faute si je suis devenue ainsi. Mon père m’a délaissé au profit de sa nouvelle famille sans aucun remord pour l’enfant que j’étais. Isabelle montra soudain de la colère en invectivant sa préceptrice tout en se redressant du fauteuil où elle s’était laissée choir en entrant dans sa chambre.

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    Je serai toujours une sauvage, Adélaïde. Je ne veux pas vivre dans ce monde ! Si j’étais un homme, je n'aurais pas autant de complications et je serais libre de me retirer dans un monastère ou l'on fait silence à longueur de journée ! Je sais que cela existe !

    Adélaïde considérait avec perplexité les beaux yeux d’un vert noisette reflétant un immense désespoir dans une mince figure tendueElle sentit qu’il y avait quelque chose d'anormal dans son comportement et que quelque chose n’allait pas. Une sourde colère avait envahi l'esprit de sa protégée.

    — Qu'est-ce qui vous tourment ma chère enfant ? Que vous  a-t-on fait ?

    Imperceptiblement,  Adélie pencha son visage inquiet vers celui de Isabelle qui se leva d'un bon et lui entoura le cou de ses bras en pleurant :

    — Je trouve que le onde est cruel, affreux de méchanceté ; mais vous êtes là ma chère Adélie pour m'aider à le supporter. Vous ne me quitterez pas, Adélie? Jamais ! N'est-ce pas ?                                                                          

    Quelle idée, Isabelle ! Pas de mon plein gré, tout au moins. Il n’y a que si je devais partir pour un ailleurs, ou si l’on vous envoyait en pension pour jeunes filles désargentées.

    En pension ?

    Isabelle esquissa un mouvement de recul signifiant une violente protestation. Le sujet revenait sans cesse dans les propos de son amie.

    Ne me parlez plus jamais de pension, Adélaïde ! Je ne pourrais pas vivre enfermée parmi ces étrangères. Et puis, cette Édith de malheur serait fort capable de prétendre que c’est elle qui paie mon éducation parce que les revenus de mon père sont absorbés pour l’entretien de la propriété. Elle a déjà insinué cela un jour, je vous en ai fait part.

    Je resterai ici jusqu’à ma majorité. Je ferai n’importe quels travaux, et je vous rembourserai ce que vous dépensez pour moi, ma très chère Adélie.

    Oh ! Quant à cela…

    Si, si : je vous rembourserai tout depuis que vous vous occupez de moi ! Mon père n’a pas l’air de se soucier de comment et de quoi je vis ! Quant à Édith la sorcière... moins ses deniers sont mis à contribution, mieux je me porte !

    Adélaïde considérait avec mélancolie la jeune petite comtesse au visage résolu. Elle savait, de par son expérience, que ce ne se passerait pas comme Isabelle se l’imaginait avec l’innocence de sa jeunesse encore si loin du fonctionnement de ce monde matérialiste. Il allait bien falloir que son père se décide à contribuer à son entretient…

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    Si, si : je vous rembourserai tout depuis que vous vous occupez de moi ! Mon père n’a pas l’air de se soucier de comment et de quoi je vis ! Quant à Édith la sorcière... moins ses deniers sont mis à contribution, mieux je me porte !

    Adélaïde considérait avec mélancolie la jeune petite comtesse au visage résolu. Elle savait, de par son expérience, que ce ne se passerait pas comme Isabelle se l’imaginait avec l’innocence de sa jeunesse encore si loin du fonctionnement de ce monde matérialiste. Pourtant, il allait bien falloir que son père se décide à contribuer à son entretient…

    Adélaïde devait vraiment avoir une discutions avec cet homme qui ne semblait pas ou ne voulait pas se rendre compte des besoins de sa fille. Certes, elle continuerait de dépenser pour Isabelle les revenus provenant de son héritage qui lui permettait tout juste d’être indépendante. Cet héritage ne pouvait indéfiniment subvenir à l’entretien de la jeune fille. L’intelligence et l’instinct d’Isabelle lui avait permis de découvrir, les fourberies de sa belle-mère, elle connaissait fort bien le mauvaise esprit de Ludivine. Elle n’était pas étrangère non plus à ce qu’était le gouffre financier que représentait le château à entretenir. Ce château était la principale raison pour laquelle son père se souciait si peu, de son devenir. Peu lui importait de laisser sa fille à la surveillance d’Adélaïde. L’inquiétude saisissait Adélie à la pensée de l’avenir incertain qui semblait attendre cette enfant sensible et fière dont certains côtés de sa nature lui étaient encore inconnus.

    Le son d’un violon, à cet instant, arriva par la fenêtre ouverte. Surprise, Adélaïde eu un léger sursaut et murmura :

    Le jour de l’enterrement de sa mère, elle aurait quand même pu, il me semble que...

    L’oreille tendue vers le son plaintif de l’instrument, Isabelle écoutait. Ce n’était pas comme à l’ordinaire. La plainte musicale s’élevait, puis un chant grave s’en suivait, laissant percevoir une peine profonde. Isabelle dit pensivement :

    C’est, peut-être, sa façon à elle de prier pour sa mère ?

    Le violon gémissait, exhalait une pathétique angoisse. Isabelle, les nerfs à vifs, leva son beau visage pâli par cette douleur de vivre, comme pour mieux en recueillir la poignante signification que dispensait l’archet de Victoria. Mais, soudainement, elle se raidit, figée dans une stupéfaction presque horrifiée : une sorte de ricanement s’élevait, un chant diabolique sur un rythme de danse macabre. Puis, brusquement, l’archet grinça, et plus rien.

    Isabelle eut un long soupir d’angoisse en s’écartant de la fenêtre et détourna les yeux pour qu’Adélaïde ne puisse pas voir la détresse qui s’y reflétait.

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