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    Aujourd’hui, la même sensation l’étreignait devant ce cercueil de chêne qui renfermait l’altière comtesse Marie-Marguerite et son sourire… En levant les yeux, elle vit son père le visage défait. Son beau visage très fin était pâle et contracté. Ses paupières baissées ne laissaient pas voir son regard. Pensait-il, lui aussi, à ce sourire qui avait quelque chose de machiavélique ? Se disait-il comme Isabelle, qu’il ne pourrait jamais oublier les traits de sa mère au moment de son dernier souffle.

    Elle détourna les yeux de ce père qui l’avait complètement négligé. Maintenant, elle regardait sa belle-mère qui prenait le goupillon des mains de son mari. Elle avait un visage de circonstance, et sa douceur feinte ne trompait pas la jeune fille revoyant ce même visage se montrer tel qu’il était : empreint de méchanceté, et de cupidité. Pour la première fois, Isabelle avait observé ce même visage rendu méconnaissable par l’avidité dans la chambre même de son aïeule ! Elle entendait toujours les paroles que cette harpie, pleine d’avidité, avait prononcé sans aucune considération pour la mourante, alors qu’elle cherchait les fameux bijoux de la princesse hindoue. Isabelle était écœurée et l’envie de prendre la fuite la démangeait.

    Ne plus voir cette mégère et son père qu’elle avait pourtant tant aimé lorsque, toute petite fille, elle se blottissait contre lui et qu’il l’entourait de ses bras avec tendresse. Il l’appelait en ce temps-là, ma petite reine, ma petite chérie. Il l’écoutait babiller et s’en enchantait. A ce moment-là, Daphné était en vie ; mais Daphné, à cette heure, n’était plus. La d’Argenson l’avait remplacé très rapidement auprès de ce père tant aimé, mais si faible devant le sourire d’une femme sachant s’y prendre pour le séduire, avant qu’elle ne prenne définitivement la place de sa pauvre mère...

    Isabelle eut un sursaut. Le goupillon lui était justement tendu par sa belle-mère. Elle le prit, et le secoua machinalement sur le cercueil puis, le passa à Ludivine en réprimant avec difficulté son dégoût. Elle se détourna et s’en alla vers les marches humides de la crypte pour les gravir rapidement, sans se soucier des condoléances à venir.

    Ce fut le moment ou la famille devait s’aligner pour recevoir le salut des assistants, mais sans Isabelle qui s’était glissée au-dehors afin de gagner la vieille tour.

    Dans l’escalier, elle croisa Antoinette, la femme de chambre de Victoria qu’elle n’avait pas quitté depuis sa naissance. Mince et les cheveux parsemés de gris, habillée très simplement, elle avait une figure fine avec des yeux calmes et très doux. Elle parlait peu, mais entendait et répétait à sa maîtresse, tout ce qui lui venait aux oreilles. Lorsque Isabelle se rendait en semaine à la messe, elle la voyait toujours agenouillée à la même place, dans un complet recueillement. Elle se sentait attirée et intriguée en même temps par cette Antoinette, car elle avait l’impression d’une paix intérieure qui émanait d’elle.

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    En s’écartant pour laisser passer la jeune comtesse, la femme de chambre de Victoria, la salua avec un air de doux respect non feint qu’elle avait toujours pour la nièce de sa maîtresse. Isabelle dit machinalement :

    Bonjour Antoinette. Cette rencontre l’amenait à repenser à cette tante pratiquement inconnue, farouchement retirée du monde pour cacher sa disgrâce. Après tout, elle avait raison. Il n’y avait partout que méchanceté, fourberie, prétention, et égoïsme. Il n’y avait que désillusion, et mieux valait, toute jeune, se retirer de ce monde trompeur, de ce monde odieux où vivaient des Édith, Ludivine, des êtres décevants comme William…

    Cela faisait bien cinq minutes qu’Isabelle était perdue dans ses amères pensées, quand Adélaïde, arriva. Elle s’écria dans l’entrée même :

    Pourquoi êtes-vous partie si vite jeune fille ? Il fallait attendre la fin de la cérémonie ! Que les assistants vous eussent salué, comme les autres !

    Isabelle eut un geste las qui en disait long sur ce qu’elle pensait des ces êtres vils et sans morale qu’était sa famille. Elle dit d’une toute petite voix :

    Cela n’a aucune importance Adélie, je suis si peu connue ! Je pense que l’on ne s’est même pas aperçu de mon absence.

    Je crois, au contraire, que vous allez recevoir des observations, mon enfant.

    Ah ! De ma belle-mère, peut-être ? Je n’en ai que faire. Un sourire méprisant souleva la lèvre d’Isabelle.

    Et bien ! Je les écouterai, comme à l’accoutumée, et je ne m’en porterai pas plus mal.

    Elle n’aura pas tout à fait tort en la circonstance de vous réprimander. Votre place était à côté de votre père, Isabelle.

    Que vous n’aimiez pas votre belle-famille est une chose, mais vous vous deviez d’être auprès de votre seul parent direct : votre père. Il faut vous habituer à ne plus agir telle une petite sauvageonne.

    A qui la faute si je suis devenue ainsi. Mon père m’a délaissé au profit de sa nouvelle famille sans aucun remord pour l’enfant que j’étais. Isabelle montra soudain de la colère en invectivant sa préceptrice tout en se redressant du fauteuil où elle s’était laissée choir en entrant dans sa chambre.

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    Je serai toujours une sauvage, Adélaïde. Je ne veux pas vivre dans ce monde ! Si j’étais un homme, je n'aurais pas autant de complications et je serais libre de me retirer dans un monastère ou l'on fait silence à longueur de journée ! Je sais que cela existe !

    Adélaïde considérait avec perplexité les beaux yeux d’un vert noisette reflétant un immense désespoir dans une mince figure tendueElle sentit qu’il y avait quelque chose d'anormal dans son comportement et que quelque chose n’allait pas. Une sourde colère avait envahi l'esprit de sa protégée.

    — Qu'est-ce qui vous tourment ma chère enfant ? Que vous  a-t-on fait ?

    Imperceptiblement,  Adélie pencha son visage inquiet vers celui de Isabelle qui se leva d'un bon et lui entoura le cou de ses bras en pleurant :

    — Je trouve que le onde est cruel, affreux de méchanceté ; mais vous êtes là ma chère Adélie pour m'aider à le supporter. Vous ne me quitterez pas, Adélie? Jamais ! N'est-ce pas ?                                                                          

    Quelle idée, Isabelle ! Pas de mon plein gré, tout au moins. Il n’y a que si je devais partir pour un ailleurs, ou si l’on vous envoyait en pension pour jeunes filles désargentées.

    En pension ?

    Isabelle esquissa un mouvement de recul signifiant une violente protestation. Le sujet revenait sans cesse dans les propos de son amie.

    Ne me parlez plus jamais de pension, Adélaïde ! Je ne pourrais pas vivre enfermée parmi ces étrangères. Et puis, cette Édith de malheur serait fort capable de prétendre que c’est elle qui paie mon éducation parce que les revenus de mon père sont absorbés pour l’entretien de la propriété. Elle a déjà insinué cela un jour, je vous en ai fait part.

    Je resterai ici jusqu’à ma majorité. Je ferai n’importe quels travaux, et je vous rembourserai ce que vous dépensez pour moi, ma très chère Adélie.

    Oh ! Quant à cela…

    Si, si : je vous rembourserai tout depuis que vous vous occupez de moi ! Mon père n’a pas l’air de se soucier de comment et de quoi je vis ! Quant à Édith la sorcière... moins ses deniers sont mis à contribution, mieux je me porte !

    Adélaïde considérait avec mélancolie la jeune petite comtesse au visage résolu. Elle savait, de par son expérience, que ce ne se passerait pas comme Isabelle se l’imaginait avec l’innocence de sa jeunesse encore si loin du fonctionnement de ce monde matérialiste. Il allait bien falloir que son père se décide à contribuer à son entretient…

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    Si, si : je vous rembourserai tout depuis que vous vous occupez de moi ! Mon père n’a pas l’air de se soucier de comment et de quoi je vis ! Quant à Édith la sorcière... moins ses deniers sont mis à contribution, mieux je me porte !

    Adélaïde considérait avec mélancolie la jeune petite comtesse au visage résolu. Elle savait, de par son expérience, que ce ne se passerait pas comme Isabelle se l’imaginait avec l’innocence de sa jeunesse encore si loin du fonctionnement de ce monde matérialiste. Pourtant, il allait bien falloir que son père se décide à contribuer à son entretient…

    Adélaïde devait vraiment avoir une discutions avec cet homme qui ne semblait pas ou ne voulait pas se rendre compte des besoins de sa fille. Certes, elle continuerait de dépenser pour Isabelle les revenus provenant de son héritage qui lui permettait tout juste d’être indépendante. Cet héritage ne pouvait indéfiniment subvenir à l’entretien de la jeune fille. L’intelligence et l’instinct d’Isabelle lui avait permis de découvrir, les fourberies de sa belle-mère, elle connaissait fort bien le mauvaise esprit de Ludivine. Elle n’était pas étrangère non plus à ce qu’était le gouffre financier que représentait le château à entretenir. Ce château était la principale raison pour laquelle son père se souciait si peu, de son devenir. Peu lui importait de laisser sa fille à la surveillance d’Adélaïde. L’inquiétude saisissait Adélie à la pensée de l’avenir incertain qui semblait attendre cette enfant sensible et fière dont certains côtés de sa nature lui étaient encore inconnus.

    Le son d’un violon, à cet instant, arriva par la fenêtre ouverte. Surprise, Adélaïde eu un léger sursaut et murmura :

    Le jour de l’enterrement de sa mère, elle aurait quand même pu, il me semble que...

    L’oreille tendue vers le son plaintif de l’instrument, Isabelle écoutait. Ce n’était pas comme à l’ordinaire. La plainte musicale s’élevait, puis un chant grave s’en suivait, laissant percevoir une peine profonde. Isabelle dit pensivement :

    C’est, peut-être, sa façon à elle de prier pour sa mère ?

    Le violon gémissait, exhalait une pathétique angoisse. Isabelle, les nerfs à vifs, leva son beau visage pâli par cette douleur de vivre, comme pour mieux en recueillir la poignante signification que dispensait l’archet de Victoria. Mais, soudainement, elle se raidit, figée dans une stupéfaction presque horrifiée : une sorte de ricanement s’élevait, un chant diabolique sur un rythme de danse macabre. Puis, brusquement, l’archet grinça, et plus rien.

    Isabelle eut un long soupir d’angoisse en s’écartant de la fenêtre et détourna les yeux pour qu’Adélaïde ne puisse pas voir la détresse qui s’y reflétait.

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    Le surlendemain de sa dernière entrevue avec Adélie, alors que l’après-midi était déjà bien avancé, Isabelle s’en alla vers la vieille salle de l’ancien château où elle aimait travailler pendant les jours d’été. Là, elle était sûre de ne pas rencontrer son père, sa belle-mère ou Ludivine. Assise sur l’appui de la baie ogivale, elle regardait la vallée, la noble perspective des hauteurs, en partie couverte de bois et de forêts. Le ciel voilé ne donnait qu’une lumière atténuée dont la douceur détendait quelque peu les nerfs de la jeune fille. Un silence atténué par les effets de ce temps maussade, l’enveloppait. De temps à autre, elle tricotait, mais le plus souvent, elle restait songeuse, ses yeux errant devant le paysage familier. A droite, dans la vallée, un bouquet d’arbres cachait Aigue-blanche : la demeure de Mme de Rubens, veuve de Mr le baron de Beau-levant, mère de William. Elle ne s’occupait plus du tout de l’exploitation agricole. Des deux enfants qu’elle avait eu de son premier mariage, elle n’en n’avait aucun à sa charge. André, son autre fils était infirme et sa fille de quinze ans, Juliette vivait chez une de ses sœurs en Angleterre. L’adolescente ne venait chez sa mère qu’une fois par an pendant les vacances d’été. Isabelle ne les connaissait que très peu, car depuis longtemps, la baronne ne l’invitait plus à accompagner sa belle-mère et sa fille quand celles-ci lui rendaient visite. Sa réputation de jeune fille sauvage et insoumise avait vite fait de dissuader Mme de Beau-levant de s’affliger le spectacle d’une tenue dont le laisser-aller lui aurait fait honte. Il ne lui échappait pas que Mme la baronne de Beau-levant, lors de rencontres fortuites, lui témoignait une malveillance à peine déguisée. Isabelle savait l’influence que sa belle-mère exerçait sur cette femme comme sur son père et William. Ces personnes qui, autrefois, était en très bonnes relation avec sa mère, semblaient complètement l’ignorer maintenant. Isabelle ne les côtoyait presque jamais et lorsque cela se produisait, pour ne pas montrer son désarroi et sa souffrance, elle leur opposait une apparente impassibilité, en narguant leurs hypocrites manœuvres destinées à lui nuire. Elle avait conscience de les décevoir, de ne pas se comporter comme ils aimeraient qu’elle se tienne en société, mais c’était sa seule défense contre leur crédulité et la médisance de sa belle-mère à son encontre. Qu’il était dur, parfois, de maintenir cette attitude ! Avec quelle joie elle voyait, la mère et la fille, plier baguage chaque année, au début de l’automne !

    Les quelques semaines choisis dans les mois d'été ou elles séjournaient à Monteuroux, lui semblaient si austère les années ou elle vivait solitaire avec sa marraine et les domestiques. Cette fois, son père et les deux vipères partiraient un peu plus tard : Ludivine se marierait le 15 Octobre, dans la petite église du village. Un mariage simple, disait sa belle-mère. Simple comme elles ne l’étaient pas du tout... La physionomie d’Isabelle se renfrogna à la pensée de ce mariage.

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    Le jour de l’enterrement de sa mère, elle aurait quand même pu, il me semble que...

    L’oreille tendue vers le son plaintif de l’instrument, Isabelle écoutait. Ce n’était pas comme à l’ordinaire. La plainte musicale s’élevait, puis un chant grave s’en suivait, laissant percevoir une peine profonde. Isabelle dit pensivement :

    C’est, peut-être, sa façon à elle de prier pour sa mère ?

    Le violon gémissait, exhalait une pathétique angoisse. Isabelle, les nerfs à vifs, leva son beau visage pâli par cette douleur de vivre, comme pour mieux en recueillir la poignante signification que dispensait l’archet de Victoria. Mais, soudainement, elle se raidit, figée dans une stupéfaction presque horrifiée : une sorte de ricanement s’élevait, un chant diabolique sur un rythme de danse macabre. Puis, brusquement, l’archet grinça, et plus rien.

    Isabelle eut un long soupir d’angoisse en s’écartant de la fenêtre et détourna les yeux pour qu’Adélaïde ne puisse pas voir la détresse qui s’y reflétait.

    Le surlendemain de sa dernière entrevue avec Adélie, alors que l’après-midi était déjà bien avancé, Isabelle s’en alla vers la vieille salle de l’ancien château où elle aimait travailler pendant les jours d’été. Là, elle était sûre de ne pas rencontrer sa belle-mère ou Ludivine. Assise sur l’appui de la baie ogivale, elle regardait la vallée, la noble perspective des hauteurs, en partie couverte de bois et de forêts. Le ciel voilé ne donnait qu’une lumière atténuée dont la douceur détendait quelque peu les nerfs de la jeune fille. Un silence atténué par les effets de ce temps maussade, l’enveloppait. De temps à autre, elle tricotait, mais le plus souvent, elle restait songeuse, ses yeux errant devant le paysage familier. A droite, dans la vallée, un bouquet d’arbres cachait Aigue-blanche : la demeure de Mme de Rubens, veuve de Mr le baron de Beau-levant, mère de William. Elle ne s’occupait plus du tout de l’exploitation agricole. Des deux enfants qu’elle avait eu de son premier mariage, elle n’en n’avait aucun à sa charge. André, son autre fils était infirme, et sa fille Juliette de quinze ans, vivait chez une de ses sœurs en Angleterre. L’adolescente ne venait chez sa mère qu’une fois par an pendant les vacances d’été. Isabelle ne les connaissait que très peu, car depuis longtemps, la baronne ne l’invitait plus à accompagner sa belle-mère suivit de sa fille quand celles-ci lui rendaient visite. Sa réputation de jeune fille sauvage et insoumise avait vite fait de dissuader Mme de Beau-levant de s’affliger le spectacle d’une tenue dont le laisser-aller lui aurait fait honte. Il ne lui échappait pas que Mme la baronne de Beau-levant, lors de rencontres fortuites, lui témoignait une malveillance à peine déguisée. Isabelle savait l’influence que sa belle-mère exerçait sur cette femme comme sur son père et William.

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    Un mariage simple, disait sa belle-mère. Simple comme elles ne l’étaient pas du tout... La physionomie d’Isabelle se renfrogna à la pensée de ce mariage.

    Un rire rageur s’étouffa dans sa gorge. La belle Édith avait réussi après une longue discussion assez orageuse avec son futur gendre, à persuader son mari et la mère de William de faire leur possible auprès de lui afin qu’il accepte les excuses de Ludivine pour sa conduite qui avait amené celui-ci à rompre leurs fiançailles au sujet de la dispute qu’ils avaient eu sur les berges de l’étang-aux-ormes. A bout d’arguments, et de patience, pour contenter sa mère, William avait cédé. Dominique, mit au courant par les domestiques du château qui avaient parfaitement tout entendu de l’affrontement entre la D’Argenson et William, avait tout rapporté à Adélaïde. Isabelle n’était pas satisfaite du revirement concernant son cousin. — Ah ! Les hommes ! Se disait-elle. — En tout cas, sa belle-mère n’aurait pas les joyaux de l’aïeule hindoue ! Celle-ci ne se doutaient guère que c’était elle, Isabelle la mal aimée, la paria qui en était la détentrice ! Quel bon tour Aurélie de Rubens leur avait joué, là ! Isabelle jubilait de les priver de cette fortune que sa belle-mère désiraient tant s’accaparer. Un peu moins secret que sa sœur Angèle, Dominique avait mis Adélaïde au courant des recherches que la comtesse avait entrepris concernant les joyaux. Sans tenir compte de sa fatigue, elle l’avait obligé à chercher partout et dans les moindres recoins de l’appartement de la vieille comtesse jusqu’à une heure tardive dans la soirée.

    Adélaïde avait su que la défunte comtesse léguait à ses deux fidèles domestiques une rente de quatre mille francs mensuels. Par contre, elle ignorait si Mme de Rubens avait pris des dispositions particulières pour sa petite fille. Adélaïde ne s’étonna pas que sa grand-mère l’ait exclu de son testament. Peu lui importait cet oubli volontaire de la part de l’aïeule : Ce qui l’inquiétait était de savoir si Isabelle en avait été exclu, elle aussi ?

    La jeune comtesse ne s’en souciait guère, car elle avait encore toute l’inexpérience d’une jeunesse tenue à l’écart du fonctionnement d’une société puritaine, avide de pouvoir, de fortune, de reconnaissance, et faisant grand cas des titres à épouser bien avant la personnalité de l’homme, afin d’être sûr d’obtenir une considération plus que légitime à leurs yeux, le titre, le sang, le rang, les terres, les biens en valeurs sonnantes et trébuchantes, valaient plus qu’une union par amour.

    Le désintéressement de la jeune comtesse était un des traits génétiques de  la famille de Rubens, et elle le poussait à l’extrême. Bien trop désintéressée parfois. Pensait Adélaïde.

    En effet : pas une fois Isabelle n’avait songé que les bijoux donnés par son aïeule étaient inestimables. Cela ne lui avait même pas effleuré l’esprit qu’elle pourrait en jouir plus tard. Elle considérait seulement qu’elle en était la dépositaire et qu’elle se devait de les soustraire à la cupidité de sa belle-mère. Pour la jeune fille, cette pensée la rassurait et lui procurait une immense satisfaction. Dans le silence où Isabelle s’engourdissait un peu, la voix d’Adélaïde vint la faire tressaillir :

    Isabelle ! Êtes-vous par ici ? Votre père vous demande.

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     Chapitre V

    La jeune fille bondit hors de sa cachette jusque dans la cour où sa marraine venait de s’arrêter, tout près de l’antique bassin desséché.

    Qu’y a-t-il, Adélie ?

    Mr de Rubens vous demande, ma chère enfant.

    Les fins sourcils d’Isabelle se froncèrent et ses yeux, tout à l’heure si sereins, s’assombrirent.

    Que me veut-il, encore ?

    Je n’en sais pas plus, malheureusement. Il vous attend dans le petit salon. Isabelle dit ironiquement :

    Je vois... ma belle-mère sera là et l’on va me juger sur ma conduite, comme d’habitude... Tout cela, parce que je n’ai pu supporter plus longtemps cette comédie…

    Adélaïde regarda avec effarement la jeune Isabelle.

    Une comédie ? Quelle comédie ?

    Mais Isabelle éludant la question, se dirigea vers le salon où on l’attendait. Elle était déjà loin du petit bassin aux anges et se souciait peu de ce que sa marraine essayait de lui recommander en élevant un peu la voix :

    Recoiffez-vous un peu avant de paraître devant eux, et prenez le temps, au moins, de mettre des chaussures convenables !

    Mais Isabelle n’entendait plus rien. Près du grand salon se trouvait un salon décorée de glaces en pieds où trônait un fauteuil Louis XVI. Cette pièce donnait sur un bureau d’où Édith d’Argenson régentait le domaine. De forts beaux meubles anciens bien entretenus, étaient ornés se somptueux vases garnis chaque jour de fleurs nouvelles. Édith d’Argenson en avait fait son domaine favori. 

    Après avoir fait un examen complet de ce qui entourait sa marâtre, Isabelle entra dans le grand salon. La comtesse, vêtue d’une vaporeuse robe d’un bleu nattier, se trouvait enfoncée dans un profond fauteuil bergère. Elle conversait avec son mari debout près d’une porte fenêtre donnant sur la terrasse.

    Elle enveloppa sa belle-fille d’un rapide coup d’œil qui s’attarda sur ses sandales usées et sur ses bas rapiécés à multiples reprises.

    Toujours aussi mal vêtue, Isabelle ? Vous me faites l’effet d’une pauvresse pour une de Rubens. Vous avez pourtant quelques robes moins affligeantes que celle-ci ? Mais quel plaisir avez-vous, lorsque vous vous présentez à votre père et moi-même, à vous affubler de la sorte ? Vous êtes incorrigible, vraiment !

    Isabelle ne se démonta pas et répliqua :

    Je suis à mon aise pour faire ce qu’une sauvageonne a, à faire, hors de votre présence. De plus, en m’affublant de la sorte, comme vous dites, je ne fais qu’économiser votre argent, Mme. La fortune déclinante de monsieur votre mari servant à entretenir uniquement le château... il ne peut guère supporter les frais de mon entretient qui devrait pourtant être à sa charge...

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    Heureusement que ma marraine, avec sa rente mensuelle lui venant de l’héritage de son défunt frère, pallie au manque depuis mes six ans ! Accoutrée ainsi, je ne coûte guère avec mes déplorables vêtements plus que rapiécés et mes ballerines usées jusqu’à ne presque plus avoir de semelles. Je ne dois mon affection et mon respect qu’à une seule personne : celle qui m’a élevée et qui prend soin de moi depuis mes six ans. Ainsi, je ne mets pas en péril vos deniers, Mme !

    Quelle suavité dans cette douce voix d’où ne sortaient que des reproches pleins de sous-entendus, afin de mettre son père mal à l’aise.

    A la réplique cinglante de sa fille, Mr de Rubens la toisa d’un regard courroucé et répliqua :

    Cela devient intolérable, Isabelle ! Tu n’as aucune retenue dans tes propos ! Tu ne tiens pas compte des observations que ta mère se donne la peine de te faire pour ton bien !

    Ma mère ? Mais je n’ai plus de mère, Mr le comte ! Comme je n’ai plus de père, étant donné que ses absences m’ont presque fait oublier son visage et de quoi il a l’air actuellement !

    Vas-tu te taire ! Qui te permet ?! Fit le comte, hors de lui.

    Et pour quelle raison me tairais-je ? Vous, Mme, avez pris la place de ma mère et m’avez relégué volontairement, avec l’accord de votre troisième mari : mon père, aux oubliettes. Je vis dans un donjon. Autant dire, que les oubliettes sont d’actualité ! Pratique pour ne pas s’encombrer d’une enfant de six ans qui, en grandissant, est encore plus coûteuse à entretenir ! N’est-ce pas, Mr le comte ?

    Tu as un aplomb, ma fille ! Ce que je fais de mon argent ne regarde que moi, Isabelle !

    Oh ! Je ne le sais que trop ! Je suis si insignifiante ! N’est-ce pas, Mme ! Seule votre fille compte au point de m’avoir éliminé de l’existence du père auquel, légitimement, je croyais avoir droit ! Je suis telle que vous désirez que je sois : une laissée pour compte, et votre plaisir à détourner père de moi, vous satisfait votre égaux ! Il ne faut vous en prendre qu’à vous même si je suis une sauvageonne comme vous vous plaisez à me surnommer.

    La d’Argenson accusa le coup et fit mine d’en être peinée :

    Est-ce là, votre façon de m’exclure de votre vie, Isabelle ? Que vous ai-je fait pour mériter une telle haine, moi qui ne veux que votre bien ?

    Je ne vous hais pas : vous m’êtes complètement indifférente !

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    Rudolph, allez-vous la laisser me traiter de cette manière ?

    Le comte, ulcéré du manque de déférence à sa femme, par sa propre fille, adhéra à sa supplique :

    Isabelle ! Ce que tu dis est injuste ! Tu dois le respect à ta mère !

    Dois-je vous redire que je n’ai plus de mère depuis mes six ans ? Mme est votre seconde femme Je ne lui dois absolument rien ! Dieu m’en garde ! Je n’ai aucun compte à lui rendre, sauf à vous, Mr le comte et ce, jusqu’à mes vingt et un ans, puisque je ne puis faire autrement...

    Le comte, outré, haussa le ton :

    Je suis ton père ! Il suffit ! De tes insolences, tu vas être puni ! Avant-hier, tu as agi avec la plus grande inconvenance en quittant la chapelle au lieu de demeurer près de nous où se trouvait ta place pour recevoir les condoléances des assistants.

    Isabelle, en serrant les dents, persifla :

    Je n’aime pas les hypocrisies et les apparences trompeuses qui me prêtent une place que je n’ai guère auprès de vous devant les gens, et encore moins dans vos vies courante ou je suis complètement absente. Pour le peu de considération que vous m’accordez depuis que vous êtes remarié avec Mme votre femme, j’ai jugé que ma présence n’était pas nécessaire et que je pouvais m’éclipser sans que les personnes présentes aient à y redire. Je suis une inconnue pour la plupart d’entre eux, et une fille indisciplinée pour votre nouvelle famille. Je suis une petite sauvageonne, comme dit Mme…

    Édith d’Argenson, que la jeune comtesse de Rubens se plaisait à humilier en ne lui accordant aucun droit sur le titre de noblesse de sa mère, feint d'être outrée par cette insolence innée chez l’adolescente qui, depuis longtemps, lui avait fait comprendre que sa place n’était pas à côté de son père en lui lançant à la figure que le rang qu’elle devrait tenir, en tant que vraie de Rubens, ne serait jamais le sien, même avec les plus belles toilettes mettant en valeur sa dite noblesse aux yeux de ce monde hypocrite qu’Isabelle n’aimait pas. Comédienne jusqu’au bout des ongle, la d’Argenson fit mine de s’évanouir, remise à sa place par une jeune fille de seize ans, ce qu’elle ne pouvait souffrir. Rudolph fit chercher des sels afin que la d’Argenson revienne à elle. Aucunement affolée par cet évanouissement feint, Isabelle attendait que la comédie prenne fin, un sourire ironique sur le coin de ses lèvres et ne put s'empêcher d'argumenter en se moquant :

    Voilà une scène très réussit ! Dommage qu’elle n’ait pas continué dans ce métier de comédienne !

    Vas-tu te taire, Isabelle ! Je te défend d’insulter ma femme !

    Voyant que l'adolescent l'avait percé à jour, la d'Argenson se remit instantanément de son évanouissement spectaculaire pour se plaindre :

    Oh ! Ceci est insoutenable ! Ma petite Isabelle ! Moi qui ne veux que ton bien !

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    En me traitant comme vous le faites, vous gardant bien de montrer votre vrai visage devant mon père ! Ce que vous m’avez fait et me faites encore en me dénigrant auprès de personnes qui sont de ma famille, alors que vous n’êtes rien, vous trouvez que ce n’est pas assez ? Vous ne serez jamais une vraie de Rubens ! Je  sais  que  je suis de trop dans vos projets. Je vous rappelle ma mère en permanence et vous ne m’aimez pas m’avoir en face de vous. Ne vous faites aucune illusion ! Je ne vous aime pas et je n'aime pas me trouver en face de vous, non plus.

    Le regard d’Édith était en panique, vexée d’être mise à jour par une jeune fille à peine sortie de l’enfance. Elle, se tourna vers Rudolph, afin d'y voir une approbation envers elle et d’apercevoir, dans son regard, le signe d’une réprobation certaine envers le comportement de sa fille. Isabelle tournait vers son père un visage froid, sans expression, sentant son courroux au bord de l’explosion.

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    En tant que "petite sauvageonne", je suis à mon aise pour faire ce que j’ai à faire. Je n’ai pas à être en représentation toute la sainte journée comme vous et votre fille ! De plus, je ne fais qu’économiser votre argent, Mme, en me vêtant ainsi. La fortune déclinante de monsieur votre mari servant à conserver le château en l'état, ne peut guère supporter les frais de mon entretient et ce, depuis bien des lustres ! Heureusement que Adélaïde pallie au manque avec ses pauvres revenus lui venant de son défunt frère ! Il est heureux qu'elle ne soit pas que ma préceptrice, mais également ma marraine ! Accoutrée ainsi, je ne coûte guère avec mes déplorables vêtements plus que rapiécés et mes ballerines usées jusqu’à ne presque plus avoir de semelles. Je ne dois mon affection et mon respect qu’à une seule personne et c'est celle qui m’a élevée, qui prend soin de moi chaque jour depuis mes six ans. Ainsi, je ne suis pas au supplice d'être obligée de voir mon père et votre personne. Quant à vos deniers, ils sont en sécurité pour votre propre bien-être... 

    Quelle suavité dans cette douce voix d’où ne sortaient que des reproches pleins de sous-entendus afin de mettre son auditoire mal à l’aise. A la réplique cinglante de sa fille, Mr de Rubens la toisa d’un regard courroucé ne pouvant accepter ces justes et cinglantes remarques. Le comte savait que sa fille avait raison ; mais il ne pouvait accepter son insubordination devant sa femme sans passer pour un faible :

    — Cela devient intolérable, Isabelle ! Tu n’as aucune retenue devant plus âgé que toi, tu ne tiens pas compte des observations que ta mère se donne la peine de te faire pour ton bien.

    — Ma mère ? Mais je n’ai plus de mère, Mr le comte ? Comme je n’ai plus de père étant donné que ses absences m’ont presque fait oublier son visage et de quoi il avait l’air !

    — Vas-tu te taire ! Qui te permet ?! Fit le comte, hors de lui.

    — Et pour quelle raison me tairais-je ? Vous, Mme ! Vous avez pris la place de ma mère et m’avez relégué sciemment aux oubliettes avec l’accord de votre troisième mari, mon père. Je vis dans un donjon. Autant dire, que les oubliettes sont d’actualité ! Très pratique pour ne pas s’encombrer d’une enfant de six ans qui, en grandissant, est encore plus coûteuse à entretenir ! N’est-ce pas, Mr le comte ?

    — Tu as un aplomb, ma fille ! Ce que je fais de mon argent ne regarde que moi, Isabelle !

    — Oh ! Je ne le sais que trop ! Depuis que vous vous êtes remarié, je suis si insignifiante pour vous ! Quant à vous, Mme ! Seule votre fille compte au point de m’avoir éliminé de l’existence du père auquel, légitimement, je croyais avoir droit ! Je suis telle que vous désirez que je sois. Une laissée pour compte n'existe pas. Il vous a été facile de détourner mon père de moi ! Du temps de ma chère maman, j'étais légitimement à la place qui devrait être encore la mienne aujourd'hui, alors que votre fille m'a prit cette même place dans le cœur de mon propre père. Vous faites tout ce qu'il faut pour accaparer toute son attention ! Je suis une de Rubens ! Vous n'êtes qu'une pièce rapportée, mais ma présence vous dérange. Il serait fort à propos qu'il m'arriva un accident comme celui qui est arrivé à la comtesse Daphné de Rubens, ma mère ! Vous seriez débarrasser de ma personne une bonne fois pour toute ! Cela ne vous conviendrait t-il pas ?

     La comtesse accusa le coup :

    — Oh ! Rudolph ! Vous allez la laisser vous répondre encore longtemps ? Mais vous êtes d’une effronterie, Isabelle !

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    — Pourquoi ? Parce que j'ose vous dire ce que je pense, et que vous pensez vous même, tout bas ? Vous ne m'aimez pas et je ne vous aime pas non plus. Il ne faut vous en prendre qu’à vous si je suis une sauvageonne effrontée comme vous vous plaisez à le dire à qui veut l'entendre !

    La d’Argenson, furieuse, cacha sa colère sous des dehors attristés et fit mine d’être peinée de ce que Isabelle lui lançait en pleine figure. Habile, elle essaya d'amadouer sa belle-fille :

    — Est-ce là votre façon de m’exclure de votre vie, Isabelle ? Que vous ai-je fait pour mériter une telle haine, moi qui ne veux que votre bien ?

    — Que vous désiriez mon bien me laisse dubitative. Je ne vous exclu pas de ma vie, puisque vous n'en avez jamais fais partie. Vous m’êtes, tout simplement, indifférente. Voilà tout.

    — Rudolph, allez-vous la laisser me traiter de cette manière ? fit la comtesse en se répandent en larmes.

    Le comte, ulcéré du manque de déférence envers sa femme par sa propre fille, adhéra à sa supplique :

    — Isabelle ! Ce que tu dis est injuste ! Tu te dois de respect ta mère !

    — Dois-je vous redire que je n’ai plus de mère depuis mes six ans ? Mme est votre seconde femme et je ne lui dois absolument rien ! Dieu m’en garde ! Je n’ai aucun compte à lui rendre sauf, malheureusement, à vous, et ce, jusqu’à mes vingt et un ans puisque je ne puis faire autrement.

    Le comte, outré, haussa le ton :

    — Je suis ton père ! Il suffit ! De tes insolences, tu vas être puni ! Avant-hier, tu as agi avec la plus grande inconvenance en quittant la chapelle au lieu de demeurer près de nous où se trouvait ta place pour recevoir les condoléances des assistants.

    Isabelle, en serrant les dents, persifla :

    — Auprès de vous était ma place, attifée comme une pauvresse ! Alors pourquoi le reste du temps vous m'ignorez depuis dix ans et me laissez vivre comme une souillon sans instruction ? Vous n'avez pas honte de me laisser être à côté de vous ? Vous, Mme ! Je vous rappelle tant ma chère mère que vous ne pouvez me supporter. Je n’aime pas les faux semblants et les apparences trompeuses qui me prêtent une place que je n’ai guère auprès de vous et encore moins dans la vie courante ! Père, pour le peu de considération que vous me portez depuis que vous êtes remarié avec cette femme, jai jugé que si ma présence n’était pas nécessaire aupré de vous et votre femme actuelle dans ce qui est votre vie quotidienne ou mondaine, je ne suis pas utile, non plus, dans les enterrements concernant la famille. Je pouvais donc m’éclipser sans que les personnes présentes ne s'en aperçoivent. Je suis une inconnue pour la plupart d’entre eux, et une fille indisciplinée pour la nouvelle famille que vous avez former sans moi, est gênante ! Quant aux personnes qui me connaissent peu, je suis une petite chose insignifiante comme se plaît à dire Mme votre femme. Aucun des assistants ne s'est aperçu de mon départ.

    La jeune comtesse de Rubens se plaisait à humilier sa marâtre en ne lui accordant aucun droit sur le titre de noblesse de sa mère qui dormait du sommeil de l'éternité dans la crypte

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    Outrée par cette insolence innée chez l’adolescente qui, depuis longtemps, lui avait fait comprendre que sa place n’était pas à côté de son père, en lui lançant en pleine face que le rang qu’elle tenait en tant que vraie comtesse de Rubens, ne serait jamais véritablement le siens à ses yeux, même avec les plus belles toilettes ainsi que les bijoux de famille mettant en valeur une noblesse qu'elle ne méritait pas. Elle était seulement considérée par ce monde qu'est cette haute société que la jeune comtesse méprisait. Isabelle jugeait, sans vergogne, ce ramassis de nobles comme étant des gens inutiles. Ils ne vivaient que pour qui les apparences qui, pour eux, sont plus importantes que le reste. Isabelle les trouvait hypocrites, imbus deux mêmes et prétentieux, n'existant que par leur fortune et leurs titres. Comédienne jusqu’au bout des ongle, la dArgenson fit mine de s’évanouir, remise à sa place par une jeune fille de seize ans, ce qu’elle ne saurait souffrir. Rudolph fit chercher des sels afin qu’elle revienne à elle. Les bras croisés sur sa poitrine, aucunement affolée par cet évanouissement feint, Isabelle  attendit, un sourire ironique sur le coin des lèvres, que la comédie prenne fin. A peine la d'Argenson fût elle remise de son évanouissement spectaculaire, elle attaqua :

    — Oh ! Ceci est insoutenable ! Ma petite Isabelle ! Moi qui ne veux que ton bien !

    Isabelle joua sur la psychologie de sa marâtre pour finir de la mettre à terre. Elle persifla :

    — Arrêtez votre comédie à laquelle, ne vous en déplaise, je ne croie pas une seule seconde ! En me traitant devant mon père, comme vous le faites, vous vous gardez bien de montrer votre vrai visage qui cache une sournoiserie et une hypocrisie que j'ai deviné en vous depuis longtemps, mais que votre troisième mari ne voit pas ! Le mal que vous m'avez fait et me faites encore aujourd'hui en me dénigrant auprès de personnes qui sont de ma famille, alors que vous n’êtes pas de notre sang, ne vous gêne aucunement ! Votre moralité  est plus que douteuse ! En leur compagnie, vous vous gardez bien de montrer la noirceur de votre âme ! C'est la même chose avec mon père de peur qu'il ne découvre la vraie femme que vous êtes en réalité ! Vous trouvez que ce n’est pas assez de m'humilier, de me dénigrer ? Qu'espérez Vous ? Vous aurez beau faire, vous ne serez jamais une vraie de Rubens même en employant tous les artifices à votre disposition ! Je sais très bien que je suis de trop dans vos projets parce que je vous rappelle ma mère en permanence, pas plus que vous n’aimez pas m’avoir en face de vous ! Ne vous faites aucune illusion ! J'en ai autant à votre service concernant votre présence en ce château. Ne vous faites pas d'illusions ! Jamais je ne vous accepterai comme belle-mère !

    Le regard d’Édith d'Argenson était en panique, vexée d’être mise à jour par une jeune fille à peine sortie de l’enfance. Elle se tourna vers son époux afin de lire dans son regard une approbation. Le signe d’une condamnation certaine envers le comportement de sa fille, la réconforterait. Isabelle n’en avait cure et tournait vers son père un visage fermé, sans expression, comme-ci ce qu'elle se doutait lui pendre au nez, ne la concernait pas. Au bord de l’explosion, elle attendait, impassible, la sentence qui allait lui tomber dessus. Le comte, hors de lui, dû se contenir en prononçant d'une voix qui se voulait autoritaire, les mots que la jeune fille s'attendait à entendre. 

    — Je te dispense de donner ton avis sur ma façon de conduire ma vie et comment je t'élève ! Je te conseille de te calmer et de faire tes excuses à ta mère ! 

    — Je n'en ai aucune envie. Je ne ferai aucune excuse. J'attends la sanction que vous m'avez préparé pour mon insubordination.

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    Il lui tardaient d'entendre ce qu'on lui réservait, pour enfin disposer. Malgré cela, elle attisa la mauvaise humeur de son père en le provocant une fois de plus :

    Je suis sous votre responsabilité, mais vous ne m'avez pas élevé ! Vous avez délégué ce droit à ma marraine depuis dix ans. Vous m'avez, jusqu'à ce jour négligé, et je ne pense pas que cela puisse changer ?  Depuis que ma mère s'en est allée, je suis un poids pour vous. J'en suis consciente !

    Tu n’es pas maltraitée que je sache ?

    Isabelle ne put s’empêcher une dernière réplique cinglante et pleine d’ironie :

    — Euh... vous trouvez, père... ?

    — Oh ! Rudolph ! S’offusqua Édith. Vous allez accepter cela de votre fille ?

    Cela ne vous concerne en rien, Mme. Je m’adresse à celui qui est encore, officiellement, mais malheureusement, mon père !

    Pour ta réponse, tu dois des excuses à ta mère, Isabelle !

    Je ne lui dois aucune excuse ! Elle n’est pas une de Rubens ! J’attends la sanction que vous m’avez préparé pour mon insubordination, et je trouve qu’elle est un peu longue à venir...

    Il lui tardait d’entendre la sentence que son père lui réservait pour, enfin, disposer. Malgré cela, elle attisa sa mauvaise humeur en le provocant une fois de plus :

    —  Je suis ton père ! Tes réflexions sont inacceptables !

    — Vous ne pouvez faire autrement que de les entendre ! Je suis telle que la vie à permit que je devienne. Il fallait vous y prendre plus tôt pour annihiler en moi toute révolte et m'aider à grandir comme est censé le faire un père digne de ce nom ! Il vous fallait me prendre en charge sous votre protection, de façon à ce que je sois élevée comme votre belle-fille ! Peut-être auriez vous réussi à me modeler à votre manière et selon le souhait de Mme si elle vous en avait laissé le pouvoir... Dans votre rôle de père, vous avez manqué à tous vos devoirs !

    — Tu es virulente dans tes propos, ma fille ! Je ne conçois rien de tout ce que tu nous reproches ! Tu n'as que seize ans et... 

    — Justement parce que je n'ai que seize ans, j'ai eu tout le temps de grandir seule, de comprendre comment votre femme, ainsi que sa fille, vous manipulait afin de vous détacher de votre propre enfant qui est de votre ligné ! J'ai évolué sans votre affection, et je me suis habituée à ne plus vous voir. Je me suis, tout simplement, résignée, et pour combler le vide d'un amour inexistant envers moi, je me suis mise à compter vos absences... Votre indifférence, niant, à votre manière, mon existence, m'a fait beaucoup de mal. J'ai également compris bien des choses au sujet de Mme ! Ma solitude forcée à renforcé mon caractère et fait de moi une femme bien plus tôt que les autres jeunes filles du canton. Quant à vous ! Mme, vous ne me prendrez pas dans vos filets ! Je suis assez forte pour déjouer vos manigances !

    — Oh ! Rudolph ! Je n'en puis plus ! Faite la sortir de ma vue ! Je vous en prie ! Toutes ces accusations et sentiment malsains qu'elle me prête... mes sels ! Donnez-moi mes sels ! Je vais m'évanouir !

    N'en pouvant plus, Rudolph hurla à l'encontre de sa fille :

    — Je ne te permets pas ces insinuations ! Tu vas partir de Monteuroux. Nous ne voulons plus de toi ici !

    Isabelle contint avec peine un tressaillement en affichant un air frondeur qui en disait long sur le dégoût qu'elle ressentait envers son père : 

    — Enfin ! Vous vous décidez à me dire le fond de votre pensée ! J'attendais ce moment depuis déjà un bout de temps ! Mme d'Argenson doit certainement y être pour quelque chose... Vous ne prenez aucune décision sans son accords...

    Le comte Rudolph ne pouvais rien faire contre le dédain que sa fille n'avait pas peur d'afficher concernant la  sa femme qui se dissimula derrière un regard se voulant, en apparence, très doux sous de longs cils foncés, guettant le moindre signe d’émotion et d’anxiété chez la jeune comtesse, mais elle en fut pour ses frais. 

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     Avec son air très aristocratique, le comte annonça à sa fille :

    — J’ai reçu ces jours derniers une lettre de ton oncle, Lord Montaigu-Meldwin. Il serait désireux de te connaître et demande que tu passes quelque temps chez lui, à Londres, dans son domaine de Verte-court ( Green-short range ). J’ai donc décidé que tu partirais le mois prochain avec Adélaïde, chez lui. Je vais écrire à Lord Montaigu-Medwin, afin qu'il cherche pour toi une excellente pension de jeunes filles où tu recevras l’instruction et l’éducation qu’il te manque.

    Frondeuse, Isabelle persifla encore avec le même petit sourire ironique qui agaçait tant son père :

    — Euh ! Vos finances, ou celles de Mme votre femme, vont-elles faire les frais de ma nouvelle éducation, ou bien, est-ce mon oncle qui va devoir me prendre en charge pendant six ans ?

    — Mais vas-tu arrêter tes sarcasmes !

    — Pourquoi devrais-je arrêter ? Répliqua encore une fois Isabelle avec cet aplomb peu commun pour une jeune fille de son âge. Je ne fais que me préoccuper de mon avenir dont vous êtes si peu soucieux. Vous semblez vous dessaisir un peu trop facilement des responsabilités qui vous incombent. J’en veux pour preuve le peu d’allocation que vous versez à Adélaïde qui puise indéfiniment dans ses revenus personnels pour mon entretien, et Mme veut que je sois descente lorsque je me présente au petit salon ? Vous comptez m'envoyer couverte de haillons chez mon oncle ? Il vous faudrait revoir mon trousseau afin que je sois présentable pour une de Rubens !

    — Tu as la langue trop bien pendue, ma fille ! Nous allons remédier à cela !

    — Ne trouvez-vous pas qu’il est un peu tard pouexercer votre autorité sur l’indisciplinée que je suis, père ? 

    — Il n’est jamais trop tard pour redresser un arbuste qui pousse de travers, mon enfant ! C’est pourquoi tu seras en internat. Tu ne sortiras que les fins de semaine, et tu resteras chez ton oncle. Le contact de sa fille achèvera de faire de toi quelqu’un ayant conscience des règles de la bienséance que doit connaître une jeune fille faisant partie de la noblesse et de la haute société. Du moins, nous l’espérons.

    — Nous reviendras-tu  transformée en une jeune personne bien élevée ?

    Isabelle répondit :

    — Bien élevée, sans doute, si cela n’exclut pas la franchise et l’honnêteté ! Docile et manipulable à votre guise, ainsi celle de Mme ? Je n’en ai guère l’intention ! C’est un non définitif ! Fit Isabelle en dirigeant son regard vers sa belle-mère.

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    Isabelle prenait sur elle pour ne rien laisser paraître de sa fureur intérieure. La jeune fille mourrait d’envie de blesser son père en lui assénant encore quelques vérités en face. Mais la d’Argenson serait trop heureuse de voir la colère et la douleur l’envahir. Il fallait se raidir, se taire tout en gardant cet air de défi glacé qui irritait son père au plus haut point. Celui-ci l'apostropha sèchement :

    — Qu’as-tu à me regarder ainsi ? Ne peux-tu parler au lieu de prendre cet air... cet air...

    — Pensez ce que vous voulez. Cet air, comme vous dites, vous dérange parce qu’au fond de vous même, vous savez très bien quels sont vos torts vis à vis de ma personne. Je n’ai rien à vous dire de plus que ce que je dont je vous ai fait part.

    La riposte d’Isabelle qui se voulait sèche, interloqua visiblement Mr de Ruben qui ne su que répondre, lorsque la voix de sa femme, venant à son secours, s’éleva avec un accent d’ironique réprobation :

    — Quelle insolence ! Vraiment Isabelle, tu abuses de notre indulgence. Ne penses pas que tu en trouveras ailleurs une semblable !

    Et Isabelle de répondre sur le même ton, avec un instinct très intuitif sur ce qui pouvait blesser l’orgueil de sa belle-mère, elle saisit l’arme du sarcasme qu’elle savait la mettre hors d’elle.

    — Oh ! Je sais très bien qu’il n’existe rien de comparable à vous... Mme. Vous êtes parfaite, sans équivalent concernant vos défauts et le manque de complaisance envers la fille de votre mari depuis que vous êtes entrée dans la famille des de Rubens !

    En même temps qu’elle prononçait ces paroles acerbes, Isabelle attarda sur Édith ce même regard de défi dans lequel passait une lueur de triomphe car elle songeait aux joyaux si vainement cherchés que sa belle-mère n’aurait jamais l’occasion d’avoir entre les mains. La d'Argenson avait dû chercher dans tous les recoins de  château vieux, mais sans succès. Dépitée par cet échec cuisant, elle s’était montrée intraitable avec Dominique, le forçant à finir son service bien plus tard qu’à l’ordinaire, l’obligeant à passer l’heure du souper avec sa sœur et les autres serviteurs. Il était furibond et déjà qu’il n’aimais pas la comtesse, il s’était fait un malin plaisir de tout dévoiler de la cruauté de cette mégère envers le personnel depuis qu'elle était devenue la comtesse de Rubens.

    Bien sûr, Adélaïde en avait parlé à sa jeune protégée qui avait bien rit intérieurement du bon tour que sa  son aïeule avait joué à son fils et à sa belle-fille avant de partir pour un autre monde. Isabelle connaissait les bruits  qui courraient sur son compte, et savait que le personnel de l’aimait pas. Comme pour donner du poids à ce que Adélie venait de lui confier, Isabelle se jura encore une fois de ne jamais trahir le secret de son aïeule. 

    Isabelle, connaissant son orgueilleuse belle-mère, osa encore ajouter sur un ton moqueur, cette phrase assassine qu’elle savait, la concernant, être très blessante :

    — Vous avez, madame, à n’en pas douter, des mains admirablement soignées, mais un peut courtes et trop épaisses pour une aristocrate. Ce ne sont pas les mains fines et blanche de ma chère mère ! L'équivalent de ses nobles mains n'existe pas à ce jour...

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    Beaucoup de ses amies et ses connaissances admiraient ses longues mains blanches et fines. Vos mains sont larges, courtes et n'inspirent pas l'admiration. J'étais très petite lors de son... accident tragique. Pour moi, maman est toujours avec moi. J'ai, sur le mur de ma chambre, un pastel la représentant en entier, et l'on peut y admirer la noblesse de ses mains reposant sur sa jolie robe... les vôtres sont quelconques...

    Sous le regard insistant d'isabelle, les mains de la comtesse qui reposaient sur sa robe de soie bleue nuit, se crispèrent : L’œil inquisiteur de sa belle-fille la dérangeait terriblement. Isabelle, qui n'en avait pas tout à fait finit avec son orgueilleuse belle-mère, osa encore ajouter d'un air narquois, 

    — Vous pouvez vous affubler des toilettes les plus onéreuses et des bijoux de famille les plus précieux, vous n’aurez jamais la grâce de ma mère pour les porter, pas plus que ne coulera dans vos veines le noble sang des comtes de Rubens ! Vos titres de noblesse, avant d'endosser celui de mon père, vous les avez usurpé ! Que cela vous convienne ou non, je suis la dernière vraie comtesse de Rubens, ne vous en déplaise ! Les alliances sont bien souvent sources d’ennuis et vous en faites partieJe vous laisse le choix de vos réflexions à ce sujet. 

    Pendant un instant, les paupières aux longs cils cachèrent le regard furieux que cherchait les yeux provocants d’Isabelle. Mr de Rubens s’empêtrait dans sa colère, ce qui le fît bégayer lorsqu'il haussa de nouveau le ton pour fustiger sa fille : 

    — En voilà assez ! Vas...vas-tu te... te taire ! Tu... tu as un ton qui ne... ne me plaît guère pou... pour t'adresser à ma fff... femme !

    Ne vous étranglez pas, père ! Votre femme serait veuve avant l'heure ! On ne peut deviner ce qu’elle peut avoir en tête ! Quant au ton que je prends : c’est le miens, Mr le comte. Vous n’y pourrez rien changer ! Fît Isabelle avec un rire moqueur.

    Oh ! Rudolph ! Qu'ose t-elle supposer à mon sujet ?! C'est insoutenable !

    — Petite insolente ! Va-t’en ! Hors de ma vue ! Dit à Adélaïde de venir me parler demain matin pour que je lui donne les instructions à ton sujet !

    — Bien, Mr ! Comme il vous plaira, Mr ! Répliqua toujours ironiquement Isabelle, nullement impressionnée par le son de sa voix.

    Après une révérence qu’elle voulait impeccable pour faire enrager sa marâtre et prouver à son père qu’elle savait très bien se conduire en société si l’entourage où elle évoluait lui convenait, Isabelle s'appliqua à faire une gracieuse volte face et sortit du salon sans en refermer la porte et en prenant bien soins d’adresser un sourire narquois à la femme de son père qui était, intérieurement, folle de rage... Le sourire moqueur que l'adolescente affichait était un sourire de provocation, masquant une peine immense d'avoir à quitté son Monteuroux. Elle se devait de ne rien montrer de sa peine en acceptant de mauvais gré le sort qui lui était réservé. Et pourtant...

    — Détestable enfant ! S’affligea Édith ; mais cette appréciation s’accompagnait d’un sourire qui devait en diminuer la portée afin de ne rien laisser paraître à son époux, de la haine qu’elle portait à la fille.

    — Espérons que la société de sa cousine et de son cousin que je suppose tous deux bien élevés, lui seront profitables puisque ni vous, ni moi, ne pouvons rien obtenir d’elle. Espérons que Lord Montaigu-Meldwin réussira mieux avec elle, là où nous avons échoué ?

    Peut-être ? En tout cas, vous serez délivrée de ce soucis, ma chère femme. Nous la laisserons jusqu'à sa majorité là-bas, et à son retour, nous tâcherons de la marier le plus tôt possible. Elle ne sera pas dotée de ma part car je ne puis, vu mes finances, lui laisser quoi que ce soit. Par contre, sa grand-mère en a fait son héritière universelle. Elle n'ai pas au courant de cet héritage. Je crains, par ailleurs, que le charme et la grâce naturelle de sa mère ne lui face défaut, ce qui auraient pu, aux yeux de certains jeunes partis, être une compensation...

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    Edith soupira en affichant sur son visage un soupçon de regret qui sonnait faux, mais que Rudolph prit pour une sincère affliction. Edith d'Argenson ajouta pour faire une bonne impression au regard de son époux :

    J’aurais tant voulu remplacer sa mère, faire d’elle la sœur de ma Ludivine ! Hélas, il me faut renoncer à vaincre cette ingrate nature, vouloir conquérir cette enfant qui me déteste malgré ma bonne volonté, est inutile. C’est une véritable souffrance pour moi, Rudolph. Fit-elle tout bas, son mouchoir de dentelle à la main, essuyant des larmes factices. Mr de Rubens s’approcha, lui prit les mains et y appuya ses lèvres tout à sa dévotion en lui chuchotant des mots qui se voulaient amoureux pour la consoler :

    Vous êtes tellement bonne mon aimée ! Cette enfant est odieuse. Je ne sais de qui elle tient, car Daphné avait une nature douce et aimable.

    De votre mère, peut-être ?

    La physionomie de Rudolph s’assombrit.

    Ah ! Oui, de ma mère... c’est possible... mon père n’a pas été heureux auprès d’elle... avec moi, il n'était pas non plus très affectueux. Lui comme mère me négligeaient comme si je leurs étais indifférent. Je dois reconnaître que mère vient de nous jouer un tour infernal !

    La voix d’Édith d’Argenson prit tout à coup des intonations très dures pour exprimer son ressentit :

    Ces bijoux... qu’a-t-elle pu en faire... je me le demande ? Il ne peuvent pas être bien loin ? Quitte à sonder toutes les dalles de la chambre... il devrait bien y avoir une ou deux dalles qui sonne le creux ? Peut-être les dalles de dessous le lit que nous avons inspecté très rapidement ? Les murs, le puits, là ou l'on ne s'attendrait pas à le trouver ce trésor ! De toutes façons, quitte à démonter tout ce qui est susceptible de dissimuler une cachette devra être visité en profondeur. Je n'en ais pas finit avec les fouilles autour de ce trésor... nous le trouverons mon ami… je ferai venir un ébéniste de la ville d’à côté pour qu’il examine le moindre meuble, ainsi qu’un carreleur afin de voir s'il n'y aurait pas dans un endroit précis de la chambre et principalement sous le lit, une cachette propice à dérober à notre regard ce trésor.

    Je trouve que c’est une très bonne idée, ma mie.

    Jusque maintenant, je n’y avais pas pensé... par ailleurs, je me demande si Dominique et Angèle savent quelque chose sur l'endroit ou il pourrait être caché, et qu'ils ne tiendraient pas nous le dire ? Nous n'arriverons pas à les faire parler.

    Je ne crois pas que ma mère se soit confiée à quelqu’un, fût-ce à des serviteurs fidèles. Ce n’était pas dans son caractère méfiant et renfermé. Non, elle a dû combiner seule cette méchanceté, cette vengeance. Mais enfin, depuis des années elle ne quittait plus Monteuroux. Qu’en avait-elle à faire de cette fortune ? Elle ne peut en aucun cas avoir caché ces joyaux ailleurs que dans la tour ou elle s'est retirée ? Ils ne peuvent être que dans ses appartements ou bien cachés dans un coin d'un des deux greniers ? Avez-vous pensé à cela ma douce ?

    Non, mon ami. Je l'avoue. Mais il se peut que vous ayez raison ! Toutes les dépendances valent la peine que l'on s'y intéresse ! Peut-être aussi que lorsqu’elle était encore valide et que nous étions en voyage, les a t-elle déposer dans un coffre de banque ? Il doit y avoir des preuves de ce dépôt. Il faudra approfondir la question et chercher des papiers concernant ce trésor.

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  •  Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Chapitre VI

    Il faudra nous renseigner auprès des banques de toute la région afin de savoir s’il n’y aurait pas, justement, un coffre qu'elle aurait loué et qui abriterait les joyaux ? Votre mère aurait très bien pu nous faire un coup semblable en ne dévoilant pas le nom de cette banque.

    — En essayant de deviner le cheminement de ses pensées, se serait tout à fait dans son caractère ! Fît Rudolph. Évidemment, il faut se dire que ce sera notre dernière carte. Après... eh bien, après... il ne nous restera plus qu’à espérer dans le hasard pour nous faire découvrir ce qu'elle à si habilement dissimulé afin que nous n'en profitions pas. Je vous avoue, mon aimée, que je suis très déçu, car j’aurais tant voulu vous voir parée du magnifique collier de mon aïeule, ma belle Édith !

    La d'Argenson sourit, et répondit à ce regard admiratif, follement en adoration devant elle, par ces mots :

    — Espérons, mon cher Rudolph, que vous aurez un jour ce plaisir, et que je prendrai cette petite revanche sur votre mère qui m’a si profondément méprisé, blessé en m'ignorant ainsi... Mais laissons cela pour le moment. Je vais maintenant m’habiller puisque nous dînons ce soir chez des amis. Ludivine aimerait y arriver avant nous pour être seule avec William. Ils sont de nouveau fiancés depuis peu et ils ont peut-être encore des choses à se dire pour clarifier leurs différents depuis qu’ils se sont querellés sur les berges de l’étang. Ne trouvez-vous pas qu'elle a un nom raffiné ma petite Ludivine ? Elle a aussi l’âme de ce nom ! De plus, elle est comtesse de naissance de par son père le comte de Richemont. Elle mérite le patronyme qu’elle va porter !

    Mr de Rubens sourit en appuyant une main caressante sur le doucereux visage de sa femme et souligna :

    — Oui. Mais quand même, elle me semble bien sentimentale notre Ludivine ? Surtout à l’égard d’un homme plutôt froid tel que William. Il est curieux qu’elle se soit prise d’une telle passion pour lui.

    — J’en ai été, moi-même, étonnée. Ce qui prouve que nous connaissons bien mal nos enfants et bien souvent, ils nous réservent de drôle de surprises. En l’occurrence, je ne suis pas mécontente qu’ils se soient réconciliés. C'eut été été dommage qu’ils aient définitivement rompu étant donné leur réciprocité puisqu’ils sont appelés à se côtoyer constamment dans les années à venir toutes les fois que nous viendrons à Monteuroux.

    —William est un jeune homme de valeur et ses qualités morales compensent son peu de fortune. Ludivine sera très heureuse avec lui puisqu'elle-même à hérité de son père. Elle lui apporte une très grosse dot et je crois qu'ils seront très heureux une fois mariés. William s'occupe fort bien du domaine qui lui reviendra au décès de sa mère, et il commence à donner des résultat. Ce jeune homme est doué en affaire ! De plus, nous porterons toutes deux le même patronyme que celui de vos ancêtres que vous m’avez si amoureusement offert en m’épousant, mon aimé !

    Touché par cette attention, Rudolph entoura sa femme de ses bras, et tout en lui caressant la joue, il prit ses lèvres dans un baiser tendre et doux qu’elle lui rendit avec une passion quelque peu exagérée. Chez la d’Argenson, rien n’était fait sans une raison calculée avec laquelle son esprit tortueux aimait jouer.

    Au lendemain de son entretien avec son père, vers sept heure du matin, Isabelle descendit au village. En quelques minutes, avec la légèreté d’une chevrette bondissante, elle dévala sentiers et petits talus qui menaient jusqu’à la route, puis franchit le vieux pont de pierre enjambant la rivière. Le long de celle-ci, un petit chemin ombragé par des chênes centenaires, menait à l’église où elle allait prier journellement. Isabelle croisa quelques paysans, et reçut le bonjour de femmes debout sur le seuil de leur logis.

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