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    Le jeune homme sentait que Isabelle était fort troublée et que leur attirance mutuelle se faisait plus présente. Il décida de s’écarter d’elle poliment, ne pouvant se laisser aller à cette envie de la pendre dans ses bras et de lui voler un baiser que peut-être, elle aussi souhaitait.

    Je vous ai dérangé dans votre travail, chère Isabelle et je m'en excuse. Maintenant je vous laisse et je vais retrouver ma bicyclette que j’ai laissé au bas du sentier. Il s’interrompit en fronçant les sourcils. Suivant la direction de son regard, Isabelle vit le petit Thierry vêtu de blanc qui s’avançait vers le seuil de la salle.

    Que viens-tu faire ici sans ta mère ? Demanda sèchement William.

    Avant que l’enfant ait eu le temps de répondre, Ludivine apparaissait derrière son fils.

    Mais il n'est pas seul ! Je suis là, ne vous déplaise cher ami ! Je voie que vous êtes là aussi... Isabelle !

    La jeune comtesse lui lança au visage :

    Cette partie de château-vieux est mon domaine ! Que venez vous faire de ce côté-ci alors que vous ne vous aventurez jamais dans ces lieux qui sont dangereux pour qui ne les connait pas ? Vous n'êtes pas la bien venue ! De plus, votre fils n'y a pas à sa place !

    Écartant son fils, Ludivine s’avança provocante, toujours en représentation. Elle n'avait aucunement l'intention de rebrousser chemin. Vêtue d'une robe rose et blanche, avec un décolleté mettant en valeur ses épaules nues, ses cheveux savamment bouclés, retenu par un chignons laissant retomber en grappes quelques anglaises sur le devant de sa poitrine. Elle se sentait en position de force vis à vis de ses deux interlocuteurs. Elle tenait dans ses bras un de ces petits chiens à la mode, semblable à un petit chat à la fourrure d’une blancheur neigeuse qu’elle traînait partout avec elle. Son regard d’un bleu plus céleste que jamais, souriait à William et glissait malicieusement vers une Isabelle saisi par un sentiment de colère, reprochant à cette pimbêche d'avoir découvert le lieu secret ou elle aimait se réfugier lorsque ses pensées étaient à l'orage, ce qui était le cas en ce moment. Se rendant compte de l'effet produit pas sa visite impromptue, Ludivine distilla son venin dissimulé derrière une amabilité factice :

    Je ne supposais pas que je vous trouverai dans ces ruines... tous les deux…

    Isabelle, piquée au vif, rétorqua :

    Je suis à ma place habituelle et ne vous doit aucune explication sur mes fais et gestes ! C’est vous qui n’êtes pas à la votre ! Si William est venu me voir, je vous rappelle qu’il est mon cousin-germain et qu’il n’y a rien de répréhensible quant à vos allusions mal venues.

    Oh ! Mais qu’allez-vous chercher là dans mes propos chère Isabelle ! Ce n’est qu’une constatation, sans plus ! Je cherchais mon époux que je retrouve avec vous... dans ces ruines...

    C’est une constatation de trop qui laisse supposer quelques tromperies nul et injustifiées de notre part. Vous avez l'esprit mal tourné !

    Ludivine accusa le coup et fit mine de ne pas tenir compte de la réflexion acerbe de celle qu'elle considérait comme sa rivale. Quant à Isabelle, elle avait une envie folle de bondir sur son ennemie à l’imagination soupçonneuse. William n'en pensait pas moins que sa cousine. Cette suspension légère dans la phrase suavement distillée par les lèvres de sa femme, parut faire sur lui comme l’effet d’un aiguillon. Il y eut, dans ses yeux, un éclaire bleu acier qui passa et se fixa sur elle. Un dur mouvement de mâchoires découvrit ses dents serrées, ce qui ne trompa pas Isabelle sur la colère qui grondait en lui. Il avait été surprit par cette diablesse jalouse et possessive, et cela lui donnait envie de bondir sur elle.

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    Satisfaite de l’effet qu’elle avait produit sur William et sur sa rivale en les dérangeant sciemment, laissant exprès aller son fils devant elle pour pouvoir les surprendre dans leur petit jeu... à deux. Elle avait fort bien réussi son coup en reconnaissant parfaitement les humeurs de son mari lorsqu’il était mécontent de sa néfaste intrusion. William serrait encore les dents en lançant à Ludivine :

    Il suffit maintenant avec vos sous-entendus ! Et pourquoi ne pourrais-je pas admirer le paysage ? La vue est fort belle d’ici ! Vous pouvez l’admirer si le cœur vous en dit ! Cela vous évitera de dire n’importe quoi !

    Ludivine fit quelques pas vers les abords dangereux sans trop s’en approcher. Elle souriait toujours, ingénument tout en remarquant :

    Ne vous mettez pas dans cet état, mon ami ! Que vous ai-je fais pour mériter votre courroux ? La vue est très belle et c’est une raison, en effet, pour Isabelle, de venir ici se ressourcer et dessiner, cependant, ce lieu manque un peu de confort :

    — Ma chère ! Vous n’avez même pas un siège !

    Je n'en ai nul besoin. Le rebord de la falaise me suffit. Essayez d’en faire autant ! On y est très bien ! Heureusement qu’il n’y a pas de siège ! Cela vous évitera de vous attarder dans ces lieux où vous n’avez rien à y faire et encore moins votre fils ! Fit sèchement Isabelle.

    Négligeant la réplique cinglante de la jeune comtesse, Ludivine continua son bavardage insidieux :

    Oh ! C’est terriblement dangereux ! Vous devriez lui dire, William.

    Isabelle sait ce qu’elle fait, répliqua le jeune comte agacé.

    Pour clouer le bec de cette pimbêche de Ludivine et pour donner raison à son cousin, Isabelle asséna une dernière réplique :

    Gardez vos conseils à double sens pour vous ! J’ai passé l’âge de recevoir des leçon quant aux dangers que je côtoie depuis mes plus jeunes années sans mon père qui vous est tout dévoué ! Occupez-vous plutôt de votre fils qui est nullement à sa place dans cet endroit dangereux, comme vous le dites vous-même ! Pendant que vous distillez votre venin, il est déjà à plus de dix mètres de vous. Il serait judicieux de le surveiller de plus près au lieu de câliner votre chien de salon !

    La glaciale ironie de sa voix ne parut pas faire impression sur Ludivine qui, pour donner le change, précisa :

    C'est un Bichon Maltais pure race, chère Isabelle. Il est évident que vous ne me semblez pas connaître cette race !

    Sans se soucier plus que cela du bambin qui trottinait un peu partout dans les ruines, et comme une provocation muette à l’intention de la jeune comtesse, Ludivine jeta négligemment un coup d’œil vers le paysage que la baie vitrée encadrait, et dont elle n’avait que faire, puis elle se tourna vers Isabelle en désignant l’album que celle-ci tenait à la main.

    Vous dessiniez ? Montrez-moi, voulez-vous ?

    Isabelle, hors d’elle, répliqua sur un ton qui se voulait désinvolte :

    Croyez-vous que votre intelligence saurait capter le sens artistique de ce dessin ? Jusques où peut aller votre intérêt à ce que vous ne comprenez guère ?

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    Vous n’avez pas perdu le sens de la répartie à ce que je vois chère amie. Ne seriez-vous pas coupable de quelque chose d’inavouable ?

    A votre place, je me tairais car les choses inavouables dont vous êtes coutumière surpassent, et de loin, ce que vous jugez à tort devoir, avec vos sous-entendus, nous reprocher, et qui n'ont pas lieu d'être !

    Grondant comme un lion en cage, William asséna le coup de grâce à sa femme :

    Maintenant, il suffit, Ludivine ! Vous en avez assez fait pour aujourd’hui ! Votre joute verbale envers ma cousine est exécrable ! Allez-vous faire choyer ailleurs et laissez-nous en paix ! Bien que je ne vous doive aucune explication, je n’étais venu que pour lui faire une commission de la part de Juliette et lui porter un livre dont on avait parlé ensemble avec mon frère et ma sœur un jour ou vous n’étiez pas là. Nous avions aimé débattre sur Charles Dickens et je lui avais promis de lui prêter ce livre.

    Mais tout le monde sait bien que les excuses servent souvent à cacher d’autres intentions, mon ami !

    Je n’ai aucun compte à vous rendre, ma chère ! Par contre, j’aime vous prendre en défaut quand cela s’avère nécessaire et c’est, malheureusement, bien trop souvent le cas ! A présent, je m’en vais ! Faites-en autant et laissez travailler ma cousine ! Se sentant vexée devant Isabelle, et ne voulant pas en rester sur une défaite, Ludivine essaya un autre stratagème afin de détourner la colère de son mari :

    Mais je ne peux partir sans avoir vu les esquisses d’Isabelle puisqu’elle à un don si particulier. Je veux voir ces dessins, mon ami. Dit-elle en souriant ingénument.

    Pour en finir avec cette indésirable colombe qui ne savait que caqueter et qui n’aimait que les nuances de blanc dans ses tenues, Isabelle remarqua qu’à cet instant précis, son ennemie se désintéressait complètement de son petit garçon qui était sans surveillance et qui frôlait l'abîme. William comprit le danger et prit la situation en main en ramenant l'enfant près de sa mère en la sermonnant. Mais Ludivine n'en avait cure. Elle se pavanait dans sa robe blanche qui se fondait dans le blanc de son toutou de salon qu’elle affichait en le tenant élégamment dans ses bras, tel un bijoux précieux. Ecœurée, Isabelle lui tendit son album en lui disant d’un air méprisant :

    Après tout, ça ne me gêne aucunement de vous montrer cet album puisque de toutes façons, il faut de la pratique, de la maîtrise de sois et un talent certain que vous n’avez pas, pour arriver à en comprendre la signification. Sauriez-vous seulement analyser où j’en suis du don que la providence m’a donné ? A part vous pavaner toute la journée avec votre Bichon Maltais sans même faire attention à votre fils, vous n’en avez aucun, même pas celui d'une mère attentive à son fils, à ce que je vois ! A n’en pas douter ! Il n' a que vous qui comptez ! Vous êtes bien le portrait de votre mère !

    Ludivine accusa le coup, mais ne dit mot. Juste un sourire ironique traduisait sa vexation concernant ce que Isabelle insinuait continuellement sur elle dès qu’elle en avait l’occasion. La jeune comtesse lui avait tendu l’album brutalement. Ludivine l'avait rattraper de justesse et l’avait, tout exprès, feuilleté avec nonchalance, simplement pour l'énerver. Elle revînt plusieurs fois sur les dessins précédents et s’arrêta sur les chauves-souris.

    Oh ! Très joli ! Vous avez vu William ?

    Vous avez très bien que je les ai vu ! Quel plaisir avez vous d’appuyer sur des mots inutiles puisque vous nous espionniez depuis un certain temps déjà ! Mais laissons Isabelle travailler ! Nous ne l’avons que trop déranger.

    Oh ! Moi, très peu ! Vous peut-être mon ami, si vous étiez là depuis un certain temps...

    Encore une de vos insinuations ! Mais allez-vous cesser vos sarcasmes déguisés !

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    Vous êtes là depuis peu, mais suffisamment longtemps pour nous mettre hors de nous !  Que vous importe que je parle avec ma cousine, puisque la plupart du temps, vous êtes absente du foyer conjugal ! Je suis libre de mes mouvements, comme vous l’êtes des vôtres pratiquement toute l’année. Vous n'avez rien à redire ! Assumez votre rôle de femme mariée, et ensuite, vous aurez le droit, concernant mes allées et venues, à la parole ! Est-ce que vous me tenez au courant de vos badinages au milieu de votre cour masculine dont vous aimez la compagnie ! A chacun sa vie ! C’est vous qui l’avez voulu ainsi, il me semble ! Continuez donc de vous occuper de vos affaires et arrêtez vos sous entendus qui ne servent à rien ! Vous n’êtes vraiment pas vivable et je remercie le ciel que vous ne soyez pas à Aigue-blanche toute l’année !

    — Mais... mon ami ! Qu'ai-je dit ou fait qui vous indispose ainsi à mon égard ?!

    — Vous en avez fais assez pour cet après-midi, vous dis-je !

    Ne sachant plus que répondre, Ludivine esquissa un sourire suave et plus que puérile... usourire d’innocence feint que William ne connaissait que trop.  

    — Qu'elle hypocrite cette Ludivine ! Pensa Isabelle en observant son cousin hors de lui serrer encore une fois les dents pour ne pas s’étendre plus avant sur cette comédie de mariage dévoilée devant sa cousine. Ses yeux devinrent d'un indescriptible noir sombre et brûlant. Avec ses insinuations, Ludivine le mettait tellement hors de lui, qu'il n'arrivait plus à se contenir ; mais il fallait qu’il garde son calme pour ne lui donner d'emprise sur la façon dont il menait sa vie. Il se devait de la laisser parler dans le vide, et faire le moins possible attention à ses incessants caquetages...

    — Au revoir, ma chère cousine. Fit William en baisant la main qu’elle lui tendait. Son baiser se fit langoureux tout exprès, sachant l’effet que ce geste ferait sur sa femme.

    Comme il le prévoyait, cela agaça fortement Ludivine qui ne voulu pas le montrer. William qui la connaissait suffisamment malgré ses absences plus que répétées, n’en attendait pas moins.

    Vous êtes venue en voiture cher ami ? Demanda t-elle pour faire diversion.

    — Que vous importe ?!

    — Eh bien ! J’ai la mienne. Nous pouvons partir ensemble !

    — Merci, mais j'ai ma bicyclette.

    — Comme vous voudrez. Ma chère Isabelle ! Restez telle que vous êtes et ne vous mariez pas. Qu’y a-t-il de plus capricieux que les hommes !

    — Des femmes telles que vous ! Lança Isabelle.

    Vous aimez plaisanter à ce que je voie ! Mais je ne vous en tiens pas rigueur !

    Ludivine avait pris un ton plaintif et rieur à la fois pour se faire plaindre. Sur ses paroles qui se voulaient avenantes, sa main saisit celle de la jeune comtesse et la pressa longuement comme-ci elle voulait lui témoigner une toute récente sympathie. Elle ajouta :

    — A bientôt ma chère  ! Nous nous verrons plus souvent maintenant que je passerai une partie de mes journées à Monteuroux.

    Ce à quoi Isabelle répondit :

    — Je vous en prie ! Ne vous donnez pas cette peine ! Moins je vous voie, mieux je me porte !

    Ne tenant aucun compte de ce qu'elle venait d'entendre, Ludivine s’en alla vers la cour suivie du petit Thierry,  mais sur le seuil de cette salle en ruine, elle se retourna une dernière fois pour jeter un regard vers sa rivale qui se tenait, en cet instant, debout près de la baie.

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    Mais j'en garde des souvenirs qui, jamais, ne s'effaceront pas de ma mémoire.

    Isabelle avait su capter l’attention de son auditoire par ses connaissances historiques concernant cette fontaine qu’elle aimait tout particulièrement. Leurs impressions ressenties les faisaient s’animer de plaisir en se remémorant toutes ces belles villes et leurs beaux monuments qu’il était important d’avoir vu au moins une fois dans sa vie. La jeune comtesse retrouvait le William qu’elle appréciait tant. Il avait ce beau visage volontaire qui se couvrait si facilement d’un masque de froideur lorsqu’il ressentait cette souffrance indescriptible dont sa femme était la cause. Ce mal-être était le reflet d’une torture secrète qui lui faisait, à certains moments, soupçonner le foyer inconnu d’une douleur profondément ancrée dans l’âme de son cousin. Parfois, revenait sur ses lèvres ce sourire qui donnait à ce visage un charme si prenant quand l’ironie en était absente. Et cela n’était pas si souvent. Il n’y avait pas tellement d’écarts entre eux. William n’avait que vingt-sept ans. Mais ce mariage l’avait mûrit trop vite et rendu sombre. Aujourd’hui, Isabelle décelait en lui quelque chose qui semblait forcé. Elle sentait également en Juliette ce même malaise qui causait cette moue, et qui ne s’était pas tout à fait effacée de son joli visage.

    Tous semblaient absorbés dans des réflexions moroses et toutes intérieures. Ainsi, avant même d’être là, Ludivine, la pestetroublait la paix de ces trois êtres au cœur sincère.

    Ce fut le dimanche suivant, en arrivant à Aigue-blanche pour y déjeuner comme elle en avait l’habitude chaque semaine, que Isabelle revit la jeune comtesse de Rubens-Gortzinski qui s’était ravisée concernant la date de son arrivée afin de surprendre les activités de son mari et de sa cousine, sachant qu’elle était là depuis le début du printemps. Ludivine se prélassait dans le jardin, devant les fenêtres du salon. Thierry, debout près d’elle, appuyait sa tête brune sur ses genoux. Elle caressait les boucles du petit garçon tout en suivant d’un regard attentif et sans avoir l’air de rien, les mouvements des habitants du manoir réunis dans le salon, qui accueillaient Isabelle et Adélaïde. Enfin elle se leva et vint jusqu’à la porte-fenêtre. Sa voix douce, et musicale, dit gaiement :

    — Bonjour, Isabelle !

    Puis elle dévisagea rapidement, furtivement, la jeune femme qui se tenait devant elle. Ses lèvres eurent une torsion légère. Isabelle, qui souriait quelques secondes plus tôt, en parlant à Juliette, avaient maintenant la physionomie glacée, ce qui était un réflexe de défense qu'elle avait souvent affiché autrefois, devant sa belle-mère. Ludivine dit avec un regard câlin :

    — Je suis très contente que vous soyez à Monteuroux. J’avais très envie de vous revoir.

    — Vous n’avez cependant pas tant de raisons de vous réjouir de ma présence ici, puisque d’ailleurs, nos contacts, avant mon départ, ne furent pas si nombreux.

    La riposte froide et railleuse, partait toute seule des lèvres d’Isabelle. Vraiment, quelle singulière personne cette Ludivine qui excitait en elle tant des sentiments irritants dès qu’elle lui parlait. En se penchant vers le passé, cela n’avait changé en rien...

    Ludivine rit doucement.

    — Oh ! C’est oublié, cela ! Vous n’êtes plus, je l’espère, la fillette pas très agréable de ce temps-là ? 

    Piquée au vif, Isabelle rétorqua avec un sourire tout aussi mielleux que celui de son interlocutrice :

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    Ce regard détaillait cette souple silhouette vêtue d’une robe légère parsemée de petites fleurs blanches qui lui allait à ravir. Elle était très belle et son visage, encadré de boucles blondes aux reflets satinés, était d’une grâce et d’une régularité parfaite, ce qui sur le moment, la rendit jalouse...

    Isabelle la suivait des yeux avec une expression de mépris. Sur les lèvres de Ludivine, le sourire devint un rictus tandis qu’elle murmurait pour elle-même :

    Que de choses intéressantes l’on découvre parfois dans des ruines…

    Quand celle qu'elle ne pouvait supporter eut disparue de sa vue, Isabelle retourna de nouveau s’asseoir sur le rebord de la baie. Elle n'était plus à ses dessins. Ses coudes sur ses genoux, puis son visage entre ses mains, elle songea :

    Il ne l’a jamais aimé. A cette constatation, son âme se remplit d’allégresse en rendant compte d'un fait qui datait des fiançailles de son cousin avec cette coquette de Ludivine. Avec quelle brusque franchise et quelle confiance il lui avait appris la vérité sur son mariage et laissé apparaître sa souffrance. Ah ! Que ne pouvait-elle apaiser celle-ci... l’en délivrer ? Son regard errait sur les collines assombrit par un ciel d’orage menaçant, sans vraiment les voir. Le ciel était plombé sur la vallée engourdie dans cette lourde chaleur de cet après-midi de fin juillet. Elle ne savait pourquoi, mais elle sentait qu’un malaise s’insinuait en elle. Des événements allaient certainement changer le cours des choses. Il y avait un air malsain qui n’augurait rien de bon pour les jours à venir. Isabelle repensait à sa tendre mère qui avait prononcé ces paroles de méfiance envers les habitants de Monteuroux. Sa tante Victoria l’avait également prévenu des possibles agissements de sa belle-mère. Peut-être bien que Ludivine pourrait être l’instigatrice de féroces agissements contre sa propre personne et qui viendrait sournoisement de sa belle-mère ? La méfiance devait habiter son âme. Isabelle devait demeurer sur ses gardes.

    Depuis la surprenante visite de Ludivine qui les avait surpris en pleine conversation intime les concernant et qu’elle n’avait pas pu savoir, une soudaine angoisse ne quittait plus son esprit. Le doux visage trompeur de Ludivine, son air câlin, son sourire sucré qui démontrait, chez elle, une fausseté, horripilait Isabelle et ne trompait personne. Pendant une seconde, elle se remémora, la bouche de sa grand-mère qui, en s’en allant loin de ce monde dont elle s'était volontairement coupée depuis le mariage de son fils, avait eu un rictus, accompagné d'un rire caverneux emplit de haine. Isabelle frissonna, saisie d’un obscur pressentiment. La jeune fille se redressa, la poitrine oppressée, et songea que cette Ludivine avait vraiment, comme sa mère, quelque chose de maléfique en elle. Soudain, elle se surprit à parler toute seule :

    Mais je ne suis plus l’adolescente d’autrefois ! Et que peux-tu, à présent, contre moi ? Après tout, nous n’avons que un ans de différence. Tu ne m'impressionnes pas avec tes sous-entendus. Te tenir tête m’est facile. Je verrais bien jusqu’où peut aller ta fourberie… 

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    Chapitre XII

    Dans la matinée du surlendemain, Isabelle alla rendre visite à son père. Cette entrevue lui pesait fort. En ses six années, elle n’avait échangé avec lui que de rares lettres insignifiantes. Cette indifférence paternelle, ajouté au souvenir de la scène qui avait précédé la mort de son aïeule, blessaient encore très profondément son cœur pour qu’elle n’éprouva pas une pénible gêne à l’idée de le revoir. Par Dominique qu’elle avait chargé d'intercéder pour elle afin de connaître le moment ou il pourrait la recevoir, le comte lui avait fait dire qu’il l’attendrait vers onze heure dans la bibliothèque de château neuf qu'elle connaissait, d'ailleurs, très bien. Elle le trouva assis devant une table, occupé à écrire. Son changement physique la frappa. Cette apparence de jeunesse longtemps conservée avait disparue. Pourtant, il ne s’était guère écoulé que six ans entre son départ et son retour à Monteuroux. Cependant, son père semblait las et souffrant. Néanmoins, il conservait son habituelle élégance de tenue qu’on les aristocrates. Isabelle attendit silencieusement qu’il lui adressa la parole, mais intérieurement, elle se réjouissait de voir sa stupéfaction quand il lèverait les yeux sur elle en l’entendant dire :

    Bonjour, père. La réaction ne se fit pas attendre longtemps. Le comte, l’air perplexe, la considéra un moment avant de murmurer :

    Isabelle ? Tu es Isabelle ?

    Et bien, oui ! Ce n’est que votre fille !

    Se levant, il mit une main sur son épaule, la regarda encore, puis se pencha pour lui mettre un baiser sur le front.

    Et bien ! Ma fille ! Je suis obligé de reconnaître que nous avons eu raison de t’envoyer chez ton oncle ! Tu nous reviens complètement transformée, extérieurement, du moins ! J’espère que le caractère à suivi ?

    Cela dépend de quel point de vue l’on se place. Je ne suis plus une enfant ! Ainsi, j’ai toujours conservé l’habitude de la  franchise et la sincérité. J'ai toujours en horreur le mensonge et l’hypocrisie.

    Ce n’est pas un mal... pas un mal du tout… Il n'y a rien de répréhensible à cela, à condition que cela soit justifié !

    Pourtant il fut un temps ou vous n’aimiez pas que je sois directe.

    Il laissa retomber sa main en détournant légèrement les yeux du regard droit et fier de sa fille.

    Assieds-toi... Raconte-moi ce que tu as fait là-bas.

    Brièvement, Isabelle lui donna un aperçu de son existence à Verte-cour et lui apprit ses projets pour se faire une situation. Il l’approuva en déclarant :

    Tu ne pourras compter que sur tes avoirs mon enfant, car je n’aurai rien à te laisser lorsque je ne serais plus. Il faut que tu le saches ! La seule chose que je te léguerais, en admettant que je ne sois pas obligé de l’hypothéquer encore, ou de m’en défaire d’ici là… sera Monteuroux, et dans un bien mauvais état ! A ton tour, tu devras le vendre pour régler les dettes et les frais de notariat. S'il reste quelques avoirs, tu auras, peut-être, la chance de pouvoir voir venir un certain temps... Tu es ma seule héritière, si je puis encore affirmer cela... néanmoins, je ne te laisserais qu'une infime partie de la vente du château, ce qui n'est pas du tout sûr.

    Cette soudaine nouvelle fit tressaillir la jeune comtesse :

    — Vendre Monteuroux ? Oh ! Mon dieu ! Non !

     

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    Son père passa sur son front une main aux veines saillantes et gonflées qui tremblaient un peu.

    Je ne m’y résoudrais pas sans déchirement ; mais je ne puis l’entretenir qu’avec les revenus de ma femme. Or, ceux-ci, par la suite d’événements fâcheux, ont été sensiblement diminués. Il me faut donc envisager cette perspective pénible et bien à contre cœur pour l’année à venir. Je n’aurais, peut-être, pas le choix. Le château, même dans l'état où il se trouve, les terres attenantes, ainsi que l'étang-aux-ormes, ont de la valeur. Je vais pouvoir en tirer un bon prix, payer les reliquats et assainir mes dettes de façon à me retirer avec ma femme, sans avoir le soucis de ce poids qu'est devenu le domaine.

    Ainsi donc, serait-il possible que ce fût le dernier été passé dans ce cher vieux domaine, les dernières semaines où elle pourrait se promener dans ce parc redevenu presque entièrement sauvage ? Cette pensée lui fut si douloureuse que des larmes lui montèrent aux yeux. Elle se rappela subitement le feu éblouissant des pierres cachées derrière la plaque armoriée de la cheminée, le trésor constituées des royales émeraudes du collier de la princesse hindoue des rubis et saphirs constituant les reste de la somptueuse collection. La vente de tels joyaux permettrait d’assurer l’entretien de Monteuroux pendant des années, cependant, la promesse qu'elle avait faite à son aïeule, l'empêchait même d’y songer. Ces joyaux devraient dormir là où ils sont, sans qu’ils aient leur utilité par la faute de son père et de cette d’Argenson. Sans elle, l’aïeule n’aurait sans doute jamais eut l’idée, sur la fin de sa vie, de les dérober aux convoitises de cette femme qu’elle méprisait sans jamais l’avoir vue. Quant à son fils, il lui avait désobéi bravant son autorité en épousant cette affreuse femme sans tenir compte de ses menaces. 

    Accablée par cette révélation, Isabelle regardait son père avec un mélange d’irritation et de pitié. Assise en face de lui, elle remarquait mieux son teint blême, les boursouflures sous ses yeux et la fatigue de son regard. Elle fut soudain envahit par cette idée qu’elle avait eu six ans au paravent. Ne serait-ce pas les prémisses d’un empoisonnement à l’arsenic que sa marâtre distillerait très lentement dans ses boissons, ainsi que les plats qu’il devait consommer à chaque repas ? Elle osa cette question :

    Vous n’êtes pas bien, père. Vous venez de faire un traitement thermal m’a dit Ludivine. Ne devriez-vous pas être en meilleurs santé ?

    Oui, mais je n’en sentirai les effets que dans quelques jours. Ici, je viens me reposer pour reprendre un peu de vigueur... Il s’interrompit tout en tournant la tête vers l'entrée de la pièce et son regard s'illumina. 

    Dans la haute porte sculptée, s’ouvrait une portière qu’une souple silhouette venait de pousser. C’était la  d'Argenson qui apparaissait dans une soyeuse robe d’intérieur couleur bleu indigo. Elle s’avança, un sourire détendant ses lèvres trop fines, et ses yeux pleins d’une accueillante douceur qui sonnait faux.

    Chère Isabelle, nous te revoyons enfin !

    Elle tendit les deux mains à sa belle-fille qui se contenta d’y poser mollement une des siennes, le dégoût  de cette femme en était la cause. Sa marâtre fit mine de ne pas s'en apercevoir et continua de feindre une sympathie  loin d'être ressentie.

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    Pour la matinée du surlendemain, Isabelle alla rendre visite au comte, son père. Cette entrevue lui pesait fort. En ses six années, elle n’avait échangé avec lui que de rares lettres insignifiantes. Cette indifférence paternelle, ajouté au souvenir de la scène qui avait précédé la mort de son aïeule, blessaient encore trop profondément son cœur pour qu’elle n’éprouva pas une pénible gêne à l’idée de le revoir.

    Par Dominique qu’elle avait chargé de lui demander quand il pourrait la recevoir, il lui avait fait dire qu’il l’attendrait vers onze heure dans son bureau. Elle le trouva assis derrière celui-ci, occupé à écrire. Son changement physique la frappa. Cette apparence de jeunesse, longtemps conservée, avait disparue. Pourtant, il ne s’était guère écoulé que six ans entre son départ, et son retour à Monteuroux. Cependant, son père semblait las et souffrant, mais, il conservait, néanmoins, son habituelle élégance de tenue qu’on les aristocrates. Isabelle attendit silencieusement qu’il lui adressa la parole, mais intérieurement, elle se réjouissait de voir sa stupéfaction quand il lèverait les yeux sur elle, en l’entendant dire : Bonjour, père. La réaction ne se fit pas attendre longtemps. Le comte de Rubens, l’air perplexe, la considéra un moment, avant de murmurer :

    Isabelle ? Tu es Isabelle ?

    Et bien, oui, ce n’est que votre fille, père.

    Se levant, il mit une main sur son épaule, la regarda encore, puis se pencha pour lui mettre un baiser sur le front.

    Et bien ! Ma fille ! Je suis obligé de reconnaître que nous avons eu raison de t’envoyer chez ton oncle ! Tu nous reviens complètement transformée, extérieurement, du moins. J’espère que le caractère à suivi ?

    Cela dépend de quel point de vue l’on se place, père. Je ne suis plus une enfant : Ainsi, j’ai toujours conservé l’habitude de la sincérité, l’horreur du mensonge et de l’hypocrisie.

    Ce n’est pas un mal... pas un mal du tout...

    Il laissa retomber sa main, en détournant légèrement les yeux du regard droit et fier de sa fille.

    Assieds-toi... Raconte-moi ce que tu as fais là-bas...

     

    Brièvement, Isabelle lui donna un aperçu de son existence à Verte-cour, lui apprit ses projets pour se faire une situation. Il l’approuva, en déclarant :

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    Tu ne pourras compter que sur tes avoirs mon enfant, car je n’aurai rien à te donner, et après ma mort, il te faudra vendre Monteuroux, la seule chose que je te léguerais, en admettant que je ne sois pas obligé de l’hypothéquer ou de m’en défaire d’ici là.

    Vendre Monteuroux ?

    Ces mots faisaient sortir Isabelle de son impassibilité apparente. Elle répéta, la voix chargée d’angoisse :

    Vendre notre Monteuroux ? Oh ! Père !

    Il passa sur son front une main aux veines saillantes et gonflées qui tremblaient un peu.

    Je ne m’y résoudrais pas sans déchirement. Mais je ne puis l’entretenir qu’avec les revenus de ma femme.

    Or, ceux-ci, par la suite d’événements fâcheux, ont été sensiblement réduits. Il me faut donc envisager cette perspective pénible, et bien à contre cœur, pour l’année à venir. Je n’ai pas le choix.

    Ainsi donc, serait-il possible que ce fût le dernier été passé dans ce cher vieux domaine, les dernières semaines où elle pourrait se promener dans ce parc sauvage ? Cette pensée lui fut si douloureuse que des larmes lui montèrent aux yeux.

    A ce moment, elle revit le feu éblouissant des pierreries cachées derrière la plaque armoriée, les perles chatoyantes et les royales émeraudes du collier de la princesse hindoue. La vente de tels joyaux permettrait d’assurer l’entretient de Monteuroux pendant des années. Hélas ! Impossible d’y songer ! Il faudrait les laisser là, où- ils sont, sans qu’ils aient leur utilité, et cela, par la faute de cette Edith car, sans elle, l’aïeule n’aurait sans doute jamais eut l’idée de les dérober aux convoitises de son fils.

    Accablée par cette révélation, Isabelle regardait son père avec un mélange d’irritation et de pitié. Assise en face de lui, elle remarquait mieux son teint blême, les boursouflures sous ses yeux, et la fatigue de son regard.

    Vous n’êtes pas bien, père ? Vous venez de faire un traitement thermal m’a dit Ludivine ?

     Oui, mais je n’en sentirai les effets que dans quelques jours. Ici, je vais me reposer un peu. Il s’interrompit, car dans la haute porte sculptée, s’ouvrait une portière qu’une souple silhouette venait de pousser. C’était Edith de Rubens qui apparaissait dans une soyeuse robe d’intérieur couleur bleu nuit.

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    Elle s’avança, un sourire détendant ses lèvres, les yeux pleins d’accueillante douceur qui sonnait faux.

    Chère Isabelle, nous te revoyons enfin !

    Elle tendit les deux mains à sa belle-fille qui se contenta d’y poser mollement une des siennes

    Rudolph, comment la trouvez-vous ? Un peu changée, n’est-ce pas ? Il va nous falloir la marier, cette grande fille-là.

    Elle n’y songe nullement. Elle veut travailler et garder sa liberté. Se marier ne l’intéresse guère. Isabelle nous est revenu très indépendante, mon amie. Vous n'arriverez pas à la convaincre.

    Oui, Ludivine me l’a dit. Mais quand un aimable prétendant lui sera présenté, elle changera peut-être d’avis.

    La d'Argenson continuait de parler et de sourire, en attachant sur la jeune fille ces étranges yeux gris-vert dont le jeu habile de ses longs cils noir savait si bien augmenter la séduction tout en cachant sa fausseté. Comme elle était encore jeune, son teint était parfait, sans une ride qu’aucun fard ne cherchait à dissimuler !

    Certainement non, dit Isabelle d’un ton sec.

    Célibataire alors ? La dernière des de Rubens ?

    Des de Rubens de cette branche, oui, car par ailleurs, il y a William.

    William et puis Thierry. C'est un beau petit notre Thierry, qu’en dites-vous ?

    Il ressemble à sa mère.

    La voix d’Isabelle s’était faite involontairement mordante. Comme naguère, elle devenait semblable à un jeune coq de combat devant cette femme dont elle sentait une sournoise volonté de mal faire sous la douceur menteuse de son sourire et de sa voix.

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    Oui, et c’est pourquoi il est si charmant, dit Mr de Rubens acquit aux idées de sa femme. Il paraît que son père veut le conserver avec lui à Aigue-blanche. Ludivine nous l’a appris hier.

    Bien sûr, son idée est inconcevable ! fit la dArgenson. Il ne peut décemment pas prétendre obliger une jeune femme comme notre Ludivine, à rester aupré de lui toute l’année sans qu'elle ne dépérisse ! Elle n'est pas habituée à vivre de la sorte !

    Alors, pourquoi ce mariage qui ne rime à rien ? Ne put s’empêcher de lancer Isabelle.

    La comtesse accusa le coup et ne sut que répondre à cette question frondeuse. Sans en tenir compte, elle passa sur l’interrogation qu’avait posé la jeune comtesse en s’adressant directement à son mari.

    Il ne peut l’y obliger, mon ami. Tout d’abord parce que Ludivine ne le laissera pas faire. Il lui suffirait de vouloir garder Thierry qu’il veut avoir sous sa coupe pour l’élever à son idée ! Mais cela ne se passera pas ainsi, car nous ne lui laisserons certainement pas notre enfant chéri.

    Vous n'êtes que sa grand-mère ! Ne put s'empêcher d'objecter Isabelle. Vos droits sur l'enfant ne sont pas la priorité vis à vis de la loi ! Le comte William est son père ! Ses droits sont aussi importants que ceux de sa femme qui devra faire contre mauvaise fortune, bon cœur, et accepter un compromis !

    Légalement, il a le droit… acquiesça le comte. La loi est ainsi faite ! Ludivine ne veut pas vivre près de lui sous prétexte qu’elle n’aime pas rester à la campagne, invoquant simplement qu’elle s’y ennuie. Pourtant, elle a vécu toute son enfance avec nous ! Cela ne semblait pas la gêner !

    Et Isabelle de surenchérir :

    Ne pouvait-elle pas s'en rendre compte avant les noces ? Ce mariage, à proprement dit, est une mascarade au regard de la loi. L’enfant à besoin de ses deux parents pour se construire !

    comme moi j’aurais eu besoin des miens. Si l’on ne m'avais pas privé de ma mère, pensa Isabelle, à ce jour, j'aurais eu mes deux parents.

    Sans faire attention à la triste mine de sa fille, le comte ajouta :

    William peut faire valoir également la santé fragile de son fils et argumenter sur l’air de Paris qui n’est pas bon pour ses jeunes poumons fragiles, souligna encore une fois le père d'Isabelle.

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    La dArgenson secoua la tête, très déterminée à ne pas laisser gagner son beau-fils.

    Nous trouverons bien un moyen de tourner cette loi qui est seulement en faveur du père, alors que sa mère est plus apte à élever notre petit Thierry...Voyez, chère enfant, quels soucis apporte un mariage ! Au fond, vous avez peut-être bien raison de ne pas vouloir vous marier.

    Considérant qu’elle en avait déjà trop dit, Isabelle ne répondit pas. intérieurement et pour une fois, elle donnait raison à son père, mais ne voulait pas donner matière à sa belle-mère de trouver une réplique qui s’adresserait directement à elle. Après tout, Isabelle n’avait jamais eu son mot à dire sur les sujets abordés par sa belle-mère, à part ses rebuffades contre elle et les reproches que celle-ci aimait lui adresser par l'intermédiaire de son père ! Elle ne désirait pas davantage en avoir aujourd’hui sur leur façon de vivre qu’elle n’appréciait pas. Elle prit congé après avoir dû, à contre cœur, accepter de venir dîner le soir même au château.

    En prenant le chemin de la vieille tour, Isabelle trouva dans sa chambre une lettre de son cousin Renaud qui se trouvait en ce moment dans les Pyrénées. Elle était posée sur le petit bonheur du jour qu'elle avait récupéré dans un des greniers des deux château jumelé. Renaud l’informait de son intention de venir à Monteuroux pour le mois d’août prochains. Cette nouvelle effaça quelque peu l’impression désagréable due à son entrevue avec son père et la venue impromptu de sa belle-mère toujours aussi sournoise, l'obligeant à accepter une invitation pour le soir même dont elle se serait bien passée. Isabelle soupira en pensant qu’il lui faudrait encore plus d’une fois endurer la présence de la d'Argenson.

    Après l'entrevu avec son père ou elle avait apprit son projet de vendre Monteuroux dans le courant de l'année, Isabelle dû prendre sur elle pour informer Adélie de la nouvelle. Adélaïde fut consternée par ce projet. Cet endroit était plein de souvenirs qu'elles allaient, toutes deux, être obligées de laisser derrière elles. Ainsi, Monteuroux n’appartiendrait plus aux de Rubens ? C’était là, pour elle, comme pour Isabelle, le coup le plus rude qu’elles venaient de prendre en plein cœur, d’autant plus que la vente probable de Monteuroux était inattendu. Jamais Isabelle n’avait songé une seule seconde que son père pût ne pas conserver le vieux domaine, car elle savait que sa belle-mère, tout en y séjournant guère, tenait à ce témoin du passé qui la consacrait comtesse de par l'ancienneté de cette lointaine noblesse concernant la famille dans laquelle son mariage l’avait fait entrer. Il fallait donc une raison majeure pour qu’elle y renonçât, et c'était le manque de liquidité. Sa fortune personnelle était encore conséquente, mais son mari ne pouvait se passer des avoirs de sa femme, ce qui les réduisait à diminuer leur train de vie dans ce qui était le moins indispensable à leurs yeux, puisqu'ils n'y venaient guère que les quelques semaines, les mois d'été, et que les dépenses causées par l'entretient du château étaient bien trop conséquentes. D'après ce que Isabelle avait comprit, la d'Argenson tenait à son train de vie loin de Monteuroux pensant, à juste titre, que l'argent de la vente pourrait les remettre à flot. Son père était complètement à la merci de cette femme. Isabelle ne pouvait décidément pas accepter sa belle-mère comme étant la dernière comtesse de Rubens par mariage...

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    Juliette vint la voir l’après-midi de ce fameux jour ou elle venait de reprendre contact avec son père et sa femme. Elle la trouva tristement songeuse. Quand elle eut connue la raison de cette tristesse consécutive à la nouvelle de cette vente, elle lui avoua que depuis quelque temps, son frère craignait que Mr de Rubens ne fût obligé d’en arriver à cette extrémité. Les propos de Ludivine au sujet de la situation financière de son beau-père avaient été clair sur le sujet. Juliette soupira :

    Et ce n’est malheureusement pas William qui pourra racheter tout le domaine ! Il le ferait pourtant volontiers puisque que les terres de Monteuroux touchent pratiquement les nôtres et qu’elles sont fort bonnes pour la culture. Certaine parcelle pourrait être sélectionnées pour abattre des arbres, ce qui ferait de très bonnes terres agricoles. Avec une direction ferme et savamment conduite, elles seraient d’un excellent rapport cependant, les possibilités manquent et c’est hélas, ce qui le chagrine. Isabelle glissa un coup d’œil vers la plaque de cheminée. Voilà qu’elle se prenait à détester ces bijoux qui ne pouvaient même pas lui permettre de conserver Monteuroux. A quoi pourraient-ils bien servir si elle ne pouvait même pas les utiliser, du moins, tant que vivrait le couple diabolique que formait son père et la d'Argenson...

    Le jour fatidique où les invités du château devaient envahir Monteuroux approcha. Quelques hôtes arrivèrent dès le lendemain matin sur les lieux des festivités. En allant sortir sa voiture, Isabelle vit deux nouvelles berlines de luxe dans le vaste garage mit à la disposition des invités, ce qui la renseigna. Au retour de la ville où elle s’était rendue avec Adélaïde, elle croisa le cabriolet de Ludivine. Près de celle-ci se tenait une élégante jeune femme qui jeta au passage un regard curieux sur Isabelle et son accompagnatrice. Comme pour dévaloriser sa rivale, Ludivine prit un air désinvolte en renseignant sa passagère :

    Ce n’est que la fille de mon beau-père et sa préceptrice. Vous ferez bientôt sa connaissance.

    Lors du dîner de la veille, la d'Argenson lui avait dit :

    Tu viendras quand tu le voudras, Isabelle ! Je te présenterai à nos invités.

    Mais Isabelle ne se souciait guère de connaître les amis de cette femme et de son père, pas plus qu’elle ne désirait prendre part à leurs distractions. La société des habitants d’Aigue-blanche lui suffisait d’autan mieux que Ludivine passait à peu près toutes ses journées à Monteuroux. Marie-Catherine de Rubens, André et Juliette paraissaient beaucoup plus à leur aise depuis le changement de programme de la femme de William, et tous ne s’en portaient pas plus mal. Isabelle voyait son cousin beaucoup moins souvent, mais elle acceptait qu'il s'écarte d'elle. La raison invoquée était qu'il avait beaucoup de travail à cette époque de l’année. La jeune comtesse n'était pas dupe car sa mine assez sombre en disait long sur son état d'esprit. Il avait reprit son air lointain et songeur que sa cousine, depuis son retour, ne lui voyait plus. Elle avait également capté le regard lumineux d’André qui observait parfois longuement son grand frère, et la physionomie du jeune infirme quand celui-ci devenait pensif, se voilait de tristesse, ce qui ne la rassurait guère.

    Malgré ce que Isabelle connaissait de leurs finances par l’intermédiaire de Juliette, sa belle-mère et son père continuaient à mener grand train à Paris, ne voulant rien changer à leurs habitudes. Au château se préparait une grande réception qui devait avoir lieu avant que Mr et Mme la comtesse de Rubens partent pour un séjour en Italie.

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    Il était prévu que d’autres invités devaient arriver dans les jours prochains et la comtesse envoyait des invitations aux châtelains des alentours avec qui elle s’était lié au fur et à mesure des années. Pour rendre au château sa magnificence, elle ne se ménageait pas. Les décorations étaient à la mesure de son orgueil. Avec sa fille, ça donnait des ordres à droite et à gauche aux domestiques. Isabelle se tenait loin de toutes ces mondanités. Elle ne voulait pas être mêlée à toute cette effervescence. Elle n’avait plus revu la dArgenson ni sa fille trop occupées à mettre les dernières retouches aux décorations. La jeune comtesse se croyait délivrée de leur détestable présence jusqu’à leur départ. Or, la veille de la soirée, elle eut la surprise de recevoir la visite de son père. Il venait lui signifier qu’il comptait bien la voir assister aux festivités. Aux premiers mots de refus, il dit d’une voix qui ne souffrait aucune protestation de la part de sa fille :

    J’y tiens, Isabelle. Il ne convient pas que tu te mettes ainsi à l’écart. As-tu une toilette pour la circonstance ?

    Oui, j'en ai même plusieurs. Nous étions conviés à des réceptions où mon oncle, mon cousin, ma cousine et moi-même allions. Mon oncle fut très généreux avec moi. Contrairement à ce que tu pourrais penser, je ne suis pas une pauvresse ! Je mettrais celle qui m’a servi l’année dernière. Je n'ai besoin de rien d'autre, père. Vraiment, je ne vois pas l’utilité de cette invitation…

    Et bien moi, je la vois. Il me serait désagréable que l’on te croie traitée en Cendrillon, laissée de côté par une marâtre et un père indifférent.

    Ah ! C’est donc cela ! Dit Isabelle sur un ton doublé d’un sourire ironique. D’un certain point de vue, ce n’est pas faux ! Il me semble bien que vous avez su m’ignorer pendant de longues années et que je fus traitée en cendrillon par une marâtre et un père indifférent… cest vous qui le dites, pas moi ! A présent, je ne vous encombre plus parce que je suis, devenue, à votre satisfaction, présentable ?

    Le comte, gêné d’être pris en défaut par sa fille, se disculpa de ce manque d’attention envers elle par cette excuse trop facilement trouvée.

    Tu étais entre de bonnes mains auprès de ta marraine qui, je te le rappelle, à été la préceptrice de ta mère et c'était la seule personne à pouvoir adoucir ta peine. Tu étais si jeune ! De mon côté, j'ai été si dévasté par la disparition de Daphné, que je me sentais incapable de pouvoir te consoler. Je n'aurais pas trouvé les mots comme à su le faire Adélaïde. Et puis, je me suis remarié et le sort à voulu que j'ai une petite belle-fille qui petit à petit, a comblé le vide que tu avais laissé. J'ai préféré te laisser à la garde de ta marraine pour ne pas trop te dérouter. De plus, nous avions un train de vie à mener et des obligations qui ne permettaient pas de te prendre avec nous... et puis, tu devais être éduquée.

    Mon éducation nécessitait que l’on me cacha la triste fin de mère et que ce soit votre belle-fille qui me l’apprenne cruellement sans même avoir eut votre autorisation puisque vous aviez interdit, même à Adélaïde, que l’on m’explique pourquoi je n’avais plus mère à mes côtés ?! Ce fut votre chère belle-fille qui, lorsqu’elle m’apprit l’accident, se fit un malin plaisir de me faire souffrir en constatant ma surprise, en commentant malicieusement ses imprudences et en ne se gênant pas pour appuyer sur ce qui pouvait me faire mal ! Elle s’est bien gardé de vous révéler cet incident, n’est-ce pas ?!

    Je t’avoue que je ne savais rien jusqu’à ce que tu m’en parle ce soir. Cela fait donc longtemps que tu es au courant de l’accident de ta mère… Pourquoi ne pas m’en avoir parlé ?

     

    Vous n’étiez pas disponible pour votre fille, père. Vous semblez penser que

    j'ai été éduquée par ma marraine le mieux du monde ? Et bien, non ! Adélaïde à fait ce qu'elle à pu pour m’inculquer ses connaissances, et m'a élevé avec ses propres deniers pendant plus de dix ans. Mais elle n’est que préceptrice et son savoir est limité. Elle m’a donné beaucoup d'affection, d’attention et de tendresse. Tout ce que j’attendais et dont j’avais le plus besoin, ne pouvait venir que de vous, père. J'ai été sacrifiés au profit d'intruses pour lesquelles vous m'avez négligé. Ce monde qui aurait du être le miens, j'en ai été tout bonnement exclue ! Il me semble que votre belle-fille qui n’a que un an de différence d’âge avec moi, ne vous a pourtant pas gêné dans votre nouvelle vie avec votre nouvelle femme ? J’aurais pu être élevée avec Ludivine et auprès de vous. Peut-être que nous nous serions accordées au lieu de ne pas nous apprécier ! Aujourd'hui... et bien aujourd'hui... que puis-je dire... le mal est fait.

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    Il était prévu que d’autres invités devaient arriver dans les jours prochains et la comtesse envoyait des invitations aux châtelains des alentours avec qui elle s’était lié au fur et à mesure des années. Pour mettre le château en valeur, elle ne se ménageait pas. Les décorations étaient à la mesure de son orgueil. Avec sa fille, ça donnait des ordres à droite et à gauche aux domestiques. Isabelle se tenait loin de toutes ces mondanités. Elle ne voulait pas être mêlée à toute cette effervescence. Elle n’avait plus revu la dArgenson ni sa fille trop occupées à mettre les dernières retouches aux décorations. Elle se croyait délivrée de leur détestable présence jusqu’à leur départ. Or, la veille de la soirée, elle eut la surprise de recevoir la visite de son père. Il venait lui signifier qu’il comptait bien la voir y assister. Aux premiers mots de refus, il dit d’une voix qui ne souffrait aucune protestation de la part de sa fille :

    J’y tiens, Isabelle. Il ne convient pas que tu te mettes ainsi à l’écart. As-tu une toilette pour la circonstance ?

    Oui, j'en ai plusieurs. Nous étions conviés à des réceptions où mon oncle, mon cousin, ma cousine et moi-même allions. Je mettrais celle qui m’a servi l’année dernière. Je n'ai besoin de rien d'autre. Père, vraiment, je ne vois pas l’utilité de cette invitation…

    Et bien moi, je la vois. Il me serait désagréable que l’on te croie traitée en Cendrillon, laissée de côté par une marâtre et un père indifférent.

    Ah ! C’est donc cela ! Dit Isabelle sur un ton doublé d’un sourire ironique. D’un certain point de vue, ce n’est pas faux ! Il me semble bien que vous avez su m’ignorer pendant de longues années et que je fus traitée en cendrillon par une marâtre et un père indifférent… cest vous qui le dites, pas moi ! A présent, je ne vous encombre plus parce que je suis, devenue, à votre satisfaction, présentable ?

    Le comte, gêné d’être pris en défaut par sa fille, se disculpa de ce manque d’attention envers elle par cette excuse trop facilement trouvée.

    Tu étais entre de bonnes mains auprès de ta marraine qui, je te le rappelle, à été la préceptrice de ta mère et c'était la seule personne à pouvoir adoucir ta peine. Tu étais si jeune ! De mon côté, j'ai été si dévasté par la disparition de Daphné, que je me sentais incapable de pouvoir te consoler. Je n'aurais pas trouvé les mots comme à su le faire Adélaïde. Et puis, je me suis remarié et le sort à voulu que j'ai une petite belle-fille qui petit à petit, a comblé le vide que tu avais laissé. J'ai préféré te laisser à la garde de ta marraine pour ne pas trop te dérouter. De plus, nous avions un train de vie à mener et des obligations qui ne permettaient pas de te prendre avec nous... et puis, tu devais être éduquée.

    Vous trouvez que je fut éduquée par ma marraine le mieux du monde comme vous semblez le penser ? Et bien, non ! Adélaïde à fait ce qu'elle à pu et m'a élevé avec ses propres deniers pendant plus de dix ans, mais elle n’est que préceptrice et son savoir est limité. Elle m’a donné beaucoup d'affection, d’attention et de tendresse... tout ce que j’attendais et dont j’avais le plus besoin, ne pouvait venir que de vous, père... j'ai été sacrifiés au profit d'intruses pour lesquelles vous m'avez négligé. Ce monde qui aurait du être le miens, j'en ai été tout bonnement exclue ! Il me semble que votre belle-fille qui n’a que deux ans de différence d’âge avec moi, ne vous a pourtant pas gêné dans votre nouvelle vie... avec votre nouvelle femme ? J’aurais pu être élevée avec Ludivine et auprès de vous. Peut-être que nous nous serions accordées au lieu de ne pas s’apprécier ! Aujourd'hui... et bien aujourd'hui... que puis-je dire... le mal est fait.

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    Pour ne pas perdre le peu d'autorité qu'il croyait avoir encore sur sa fille, son père rétorqua :

    En dépit de tout ce que tu me reproches, tu est de ma ligné, tu es la dernière des de Rubens pas seulement de nom, mais de mon sang. C’est étonnant comme tu me rappelles ma tante Magalie, la jeune sœur de mon père qui est décédée à trente ans.

    Il n'y a pas besoin de remonter si loin dans notre arbre généalogique pour trouver une ressemblance avec une personne bien plus près de vous, ou de moi-même, que cette tante que je n'ai pas connu et à laquelle vous dites que je ressemble ! Plus prés de nous, il y a votre sœur, donc, ma tante… je ressemble à ma tante Victoria... grand-mère et vous-même l'avez négligés lorsqu'elle s'est retirée du monde. Vous avez adopté la même façon d'agir avec tous les habitants de château-vieux, d’ailleurs... peu m'importe votre tante que je n'ai pas connu puisque je n’était pas née. Par contre, je connais bien ma tante Victoria pour avoir eu la chance de la rencontrer il n'y a pas si longtemps... je la connais depuis peu, c'est vrais, mais j'ai eu le bonheur de me rendre compte, par moi-même, de la finesse des traits de son visage. Nous avons parlé un certain soir près de l'étang, dans le vieux pavillon. Elle se félicite que je sois tout son portrait, elle qui n'a connu qu'indifférence et mépris de la part de votre mère ainsi que de vous même...

    Le comte, surprit, ne voulu pas relever la réflexion de sa fille sachant qu’elle ne se gênerait pas pour remettre les choses à leur place chaque fois qu’elle serait en mesure de le faire. Il se leva en jetant un coup d’œil autour de lui, et changea une fois encore de sujet :

    Tu n’es pas si mal installée ! Il est vrai que ce n’est pas très gai ! Cette chambre dans cette vieille tour malgré que tu aies parfaitement su l’agrémenter, n'est pas ce qu'il y a de mieux pour y vivre !

    C'est à présent que vous vous en rendez compte ? Soyez honnête avec vous même, père ! Avec la froidure des murs de cette tour datant de plus de trois cents ans, l'humidité qui s'en dégage malgré la cheminée qui brûle en continu, il est sûr que vous auriez pu nous faire vivre, Adélie et moi, dans de meilleurs conditions !

    Pourquoi est-tu tant dans la rancune, ma fille ? Tout ceci et le passé.

    Pas pour moi. Le manque de tendresse d'un père absent, complètement dévoué à sa nouvelle femme et à cette jeune enfant à chérir qui n'est pas la sienne, ne s'oublie pas si facilement ! Pensez-vous, vous être bien comporté envers moi qui suis, comme vous l'affirmez ce soir, votre véritable fille et votre seule descendance ? Vous ne pouvez comprendre que cette vieille tour est la gardienne de tous mes chagrins de petite fille, de tous mes souvenirs d'adolescente... Je m'y plaît parce qu'elle m'a vu grandir sans un père pour me soutenir, me comprendre... et qui m'a volontairement oubliée, sacrifiée sans aucun remord depuis mes six ans et ce, jusqu'à mes vingt et un ans au profit d'une nouvelle famille que vous vous êtes créés. Je suis bien ici et cela me suffit. De plus, je n'ai de compte à rendre à personne.

    Son père ignorant encore une fois la diatribe de sa fille, se borna à détourner, pour la énième fois le débat :

    Pourquoi est-ce que tu ne t’est pas installée à château-neuf ? Tu aurais pu si tu l'avais désiré... Edith ne serait pas contre de t'avoir aupré de nous. Veux-tu que je lui en parle ?

     

    Merci, mais ce n’est nullement nécessaire ! Je viens de vous en donner la raison. Cependant, il me semble que depuis que je suis revenue d'Angleterre, quelque chose m’échappe ? Vous n’êtes plus le maître de Monteuroux ?

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    Que vous auraient coûté quelques visites régulières à une petite fille Orpheline de sa maman, seule et inconsolable, à qui vous manquiez ? En quoi vous aurai-je gêné ? voulez-vous me le dire ?  Cela vous aurait il empêché de vivre votre vie avec la fille de votre nouvelle femme ? Mais si, bien sûr, vous ne désiriez pas faire plus, c'est là, tout autre chose !...

    Le comte ne répondit pas. Isabelle regardait son père assis en face d’elle près de la fenêtre du triste appartement si bien arrangé par ses soins depuis peu, mais si longtemps abandonné lorsqu’elle n’était qu’une enfant rejetée qui n’éveillait, à ses yeux, aucun intérêt pour se donner la peine de gravir les quelques marches menant jusqu’à la chambre de cette vieille tour qui la voyait grandir sans l’affection de son père. Le comte avait cet air autoritaire qui, auparavant, l’aurait intimidé, mais que démentait, à présent, la faiblesse de sa bouche... Sa voix à peine audible, fit entendre un faible :

    Oui... c'est vrai... tu as raison, Isabelle.

    La jeune comtesse se rendit compte que son père n'était plus qu'un pantin entre les mains de cette harpie prétentieuse, et cela la désolait. Pour ne pas rester sur une conversation qui lui montrait une très mauvaise image de lui-même, le comte reprit :

    Néanmoins, j’ai une fille de ma propre lignée et c'est toi. Je désire que tu assistes à cette soirée Isabelle. Là est ta place à présent. Tu es majeure et ton rang veut que tu sois auprès de moi.

    Disons que je ne suis plus si encombrante à vos yeux, et que je suis, en quelque sorte, présentable aux regard de votre femme… Si ce n'était que pour sa satisfaction personnelle, je n'accepterais pas cette invitation ; mais si cela doit vous agréer, je veux bien faire l'effort. Je serai à cette réception si tel est votre souhait. Cependant, je désire avoir la possibilité de me retirer lorsque bon me semblera… Il n'y a rien à dire de plus ! Je ne suis guère friande de ces grandes réceptions...

    Le comte ne voulut pas analyser la nuance qu’Isabelle venait de mettre dans cette réponse. Il se racla la gorge et continua :

    C’est très bien. Maintenant j'ai autre chose à te dire. J’ai reçu ce matin un mot de Maître Beauverger qui est notre notaire. Je lui avais écris au sujet des comptes de tutelle. Il nous attend demain à dix heures. Le plus simple sera que tu m’emmènes dans ta voiture. 

    Certainement, père... puisque vous êtes là, je vous demande l’autorisation de loger mon cousin Renaud dans la chambre de grand-mère.

    Je n’y vois pas d’inconvénient. Mais il trouvera l’installation bien… antique !

    Peu importe l’antiquité de la vieille tour, puisqu’elle est encore bonne pour Adélaïde et moi, comme elle l’a été pendant ma petite enfance, et par la suite, mon adolescence et jusqu'à ce que vous m'envoyiez en Angleterre. Elle sera toute aussi bonne pour lui. Je lui ai fait une description si enthousiaste de notre château-vieux, qu’il sera enchanté d’y loger pour un mois !

    Encore une boutade que, mine de rien, devait encaisser le comte, ce qui risquait d’envenimer davantage les rapports père-fille qui n’étaient déjà pas au beau fixe. Le comte ne jugea pas opportun de répondre. Il était conscient que sa fille lui en voulait terriblement de l’avoir négligé toutes ces années, allant même jusqu'à lui faire regretter de s’être si peu occupé de sa jeune existence. Il essaya pourtant de détendre l’atmosphère en détournant le sujet de conversation sur le fils du frère de sa femme Daphné qu'il ne connaissait pas :

    Ton cousin ne sera peut-être pas du même avis que toi, ma fille. Rudolph de Rubens souriait l’air un peu gêné en regardant Isabelle avec une certaine complaisance mêlée d’un soupçon d’émotion.

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  •  Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Que vous auraient coûté quelques visites régulières à une petite fille à qui vous manquiez ? En quoi vous aurai-je gêné ? voulez-vous me le dire ? Mais si, bien sûr, vous ne désiriez pas faire plus, c'est là, tout autre chose ! Vous père ! Qu'est ce que cela aurait changé dans votre vie de venir rendre visite une petite fille seule et inconsolable... une petite fille Orpheline de sa maman… et de son propre père depuis son remariage... quelques visites régulières à votre enfant... à qui vous manquiez beaucoup... cela vous aurait il empêché de vivre votre vie avec la fille de votre nouvelle femme ?

    Le comte ne répondit pas. Isabelle regardait son père assis en face d’elle près de la fenêtre du triste appartement si bien arrangé par ses soins depuis peu, mais si longtemps abandonné lorsqu’elle n’était qu’une enfant rejetée qui n’éveillait, à ses yeux, aucun intérêt pour se donner la peine de gravir les quelques marches menant jusqu’à la chambre de cette vieille tour qui la voyait grandir sans l’affection de son père. Le comte avait cet air autoritaire qui, auparavant, l’aurait intimidé, mais que démentait, à présent, la faiblesse de sa bouche... Sa voix à peine audible, fit entendre un faible :

    Oui... c'est vrai... tu as raison, isabelle.

    La jeune comtesse se rendit compte que son père n'était plus qu'un pantin entre les mains de cette harpie prétentieuse, et cela la désolait. Pour ne pas rester sur une conversation qui lui montrait une très mauvaise image de lui-même, le comte r

    Néanmoins, j’ai une fille de ma propre lignée et c'est toi. Je désire que tu assistes à cette soirée Isabelle. Là est ta place à présent. Tu es majeure et ton rang veut que tu sois auprès de moi.

    Disons que je ne suis plus si encombrante à vos yeux, et que je suis, en quelque sorte, présentable aux regard de votre femme… Si ce n'était que pour sa satisfaction personnelle, je n'accepterais pas cette invitation ; mais si cela doit vous Agréer, je veux bien faire l'effort. Je serai à cette réception si tel est votre souhait. Cependant, je désire avoir la possibilité de me retirer lorsque bon me semblera… Il n'y a rien à dire de plus ! Je ne suis guère friande de ces grandes réceptions... 

    Le comte ne voulut pas analyser la nuance qu’Isabelle venait de mettre dans cette réponse. Il se racla la gorge et continua:

    C’est très bien. Maintenant j'ai autre chose à te dire. J’ai reçu ce matin un mot de Maître Beauverger qui est notre notaire. Je lui avais écris au sujet des comptes de tutelle. Il nous attend demain à dix heures. Le plus simple sera que tu m’emmènes dans ta voiture.

    Certainement père et puisque vous êtes là, je sollicite l’autorisation de loger mon cousin Renaud dans la chambre de grand-mère.

    Je n’y vois pas d’inconvénient. Mais il trouvera l’installation bien… antique !

    Peu importe l’antiquité de la vieille tour, puisqu’elle est encore bonne pour Adélaïde et moi, comme elle l’a été pendant ma petite enfance, et par la suite, mon adolescence et jusqu'à ce que vous m'envoyiez en Angleterre. Elle sera toute aussi bonne pour lui. Je lui ai fait une description si enthousiaste de notre château-vieux, qu’il sera enchanté d’y loger pour un mois !

    Encore une boutade que, mine de rien, devait encaisser le comte, ce qui risquait d’envenimer davantage les rapports père-fille qui n’étaient déjà pas au beau fixe. Le comte ne jugea pas opportun de répondre. Il était conscient que sa fille lui en voulait terriblement de l’avoir négligé toutes ces années, allant même jusqu'à lui faire regretter de s’être si peu occupé de sa jeune existence. Il essaya pourtant de détendre l’atmosphère en détournant le sujet de conversation sur le fils du frère de sa femme Daphné qu'il ne connaissait pas :

    Ton cousin ne sera peut-être pas du même avis que toi, ma fille. Rudolph de Rubens souriait l’air un peu gêné en regardant Isabelle avec une certaine complaisance mêlée d’un soupçon d’émotion.

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  •  Le mystère de l'étang-aux-ormes. Page -34-

    Père, je suis inquiète depuis que je suis revenue d’Angleterre. Serait-ce que depuis mon retour, un détail concernant Monteuroux m'a été délibérément caché ? Est-ce qu’un changement s'est produit durant mes six années d'absence ? Serait-ce votre femme qui aujourd'hui, prend les décisions à votre place ?

    Silence complet sur le sujet. Surprise que son père ne réplique pas à sa question, Isabelle s’interrompit et suivit le regard de son père qui n’écoutait plus rien. Ses yeux venait de tomber sur le portrait de sa première femme. Isabelle vit sa bouche trembler. Il se détourna aussitôt du tableau et laissa un instant son attention se fixer sur les transformations que la chambre de sa fille avait subit. Puis il reprit :

    Je suppose que ta marraine à eu droit au mêmes arrangements ? Tu aurais pu te loger, accompagnée d'Adélaïde, à château-neuf lorsque nous n'y étions pas ! Rien ne t'en empêchait... et tu le pourras encore, tout au moins, lorsque nos hôtes n’y seront plus, si tel est ton désir. Le domaine n’est pas encore vendu et tu peux en être la gardienne lors de nos absences ?

    Je te répète que je me trouve très bien ici. Je ne suis aucunement dérangée par des présences indésirées. D’ailleurs, pour y être restée à demeure des années pendant lesquelles vous viviez pleinement votre nouvelle vie, je ne vois pas la raison pour laquelle je devrais vivre à château-neuf. Je puis donc rester encore quelques mois dans la vieille tour à laquelle je suis habituée, puisque tôt ou tard, Monteuroux sera mis à la vente.

    A ta guise ma fille. Je vois que ta rancœur est tenace, que tu as la répartie facile en plus de ton esprit de contradiction. Surveilles-toi sur ce point, je te le conseille.

    Isabelle, suite à cette réflexion, ne se démonta pas et lança à son père, une révolte non déguisée mêlée d’ironie dans la voix :

    C'est un petit coup de patte griffue de votre femme par procuration ? Je me trouve tout à fait accomplie dans ce domaine. Je n’ai nul besoin qu’elle me donne son point de vue par votre intermédiaire. Je ne compte pas changer ma façon de faire, ne vous en déplaise !

    Depuis son retour, Isabelle n’était pas en reste pour envoyer quelques bons piques en réponse à son père. Mr de Rubens se leva, fit quelques pas dans la pièce, puis il prit congé de sa fille en pensant qu'elle avait une répartie qui le mettait très mal à l'aise, ce qui ne facilitait pas le contact avec elle.

    Avant de franchir la porte, il s’arrêta un court instant et s’enquit en levant la main vers le plafond :

    Ta tante Victoria est assez sérieusement souffrante, paraît-il ?

    Oui, Antoinette m’a dit que ma tante avait ce qui s’apparentait à une congestion pulmonaire. Le docteur ordonne beaucoup de précaution et de repos, mais il est très dur de lui faire observer ces conseils, particulièrement pour les sorties du soir, au bord de l'étang. Je ne sais ce qui l'attire en cet endroit ?

    Pauvre Victoria ! Fît son père. Quelle existence ! Son cerveau est atteint, je le crains. Elle a toujours été d’un caractère assez difficile, assez fantasque. Nous l’avons toujours attribué, en partie, à son infirmité qui a été, pour elle, la cause d’une grande souffrance morale. Je soupçonne, chez elle, une très forte déception sentimentale. Un de mes amis, Pierre-Auguste de Lavallière venait fréquemment chez nous. C’était un garçon charmant à tous points de vue. Victoria, d’une intelligence très brillante, d’un esprit vif et original, aimait beaucoup converser avec cet ami que je ne voie plus depuis qu'il s'est établit à Paris. Intellectuellement, elle avait avec lui de longues conversations. Il l’admirait beaucoup son intelligence et il se plaisait à rester auprès d’elle rien que pour échanger sur des tas de sujets en plus d'admirer la beauté si particulière de son visage dont le charme était, d'après-lui, indéniable. Il est incontestablement vrais que tu lui ressembles.

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