• Le mystère de l'étang-aux-ormes .Page -5-

     Chapitre 1

    Page -1-

    Nous n'étions pas encore à la fin août. L’automne n'était pas loin, mais en Normandie, septembre est souvent boudeur, morose et capricieux. La jeune adolescente aimait la saison automnale lorsque la cime des arbres se couvrait de taches de couleur, ce qui lui faisait penser à des artistes peintres tels que les impressionnistes et le toucher bien spécial de leurs pinceaux. Tandis que les jours raccourcissait lentement, elle regardait la campagne se parer de ses plus beaux atours. Cela la rendait souvent pensive et mélancolique.

    La jeune Isabelle vivait en symbiose avec cette nature enchanteresse. Elle ne se lassait pas d'admirer le paysage ou des myriades de petites touches colorées laissaient entrevoir la perspective d’une nouvelle saison qui se profilait doucement à l'horizon. Les premiers frimas de l’hiver n'allaient pas tarder. Isabelle était sensible aux humeurs fantaisistes des nouvelles saisons qui se profilaient tous les trois mois et principalement l’automne. Elle profitait pleinement de la sérénité qui se glissait en elle à l’arrivée de la saison enchanteresse. Pourtant, cette fois, l'été n'avait pas l'air de vouloir laisser sa place. Il prenait ses aises et se prolongeait à n'en plus finir. Les paysans n'allaient pas s'en plaindre, car l'été semblait vraiment vouloir tenir tête à la saison suivante qui, normalement, devait lui succéder. Serait-ce que la nature désirait faire un caprice et jouer sur la longévité d’un été qui refusait de laisser sa place ?

    La jeune comtesse connaissait personnellement chaque paysan qui, comme toutes les année, attendaient patiemment les changements à venir en pensant aux récoltes qui allaient suivre. Cela commençait par les vendanges : les vinailles en patois normand qui tombaient en septembre et se prolongeaient jusqu'en octobre. On clôturait la fin des vendanges chaque année par la grande fête du raisin. Un grand repas était servit pour remercier tous les vendangeurs qui cueillaient les grappes, et les vendangeuses qui dans d’immenses baquets de chêne, piétinaient en chantant, les fruits gorgés de soleil. Chaque année, les premiers jus étaient servit à ce repas de fête en guise de boisson. A cette époque, les maîtres des vignobles organisaient toujours ces mêmes festivités qui mettaient fin aux vendanges. Pour les pommes, c’était la même coutume : elles se ramassaient sur le sol également à la même époque. Les cidreries attendaient donc tranquillement que les fruits soient à maturité pour fabriquer le cidre.

    1

    Page -2-

    Dans chaque grenier, les fruits pour l'hiver attendaient bien sagement que l'on vienne en prélever quelques uns afin de confectionner de délicieuses tartes. Pour en revenir à la cueillette des pommes à cidre, ce n'était quand même pas un travail facile et de plus, la dangerosité se trouvait dans la multitude de vipères qui se dissimulaient dans les pommeraies. En ces temps reculés, elles étaient légion. Il fallait faire très attention ou l’on posait ses mains que l’on devait ganter. L’on devait également se chausser en conséquence pour se protéger le mieux possible de ces serpents nuisibles. Des accidents mortels s’étaient déjà produit et la vigilance était de mise. Les trois mois d'automne étaient chargés en activités, et se poursuivaient au fils des jours avant que la froidure ne s'installe définitivement. En même temps que les vendanges, venait le ramassage des figues, des châtaignes, des noix, des noisettes, ainsi que d'autres fruits à laquelle ma mémoire ne pense pas. Isabelle aimait les promenades dans les sous-bois à la recherche de champignons divers et variés. A partir de novembre, pour ceux qui en avaient le courage, il fallait braver le froid pour rechercher les truffes car cela pouvait durer jusqu'en février. Les cochons truffier étaient très friands de ce champignon et il fallait faire attention à ce qu’ils ne les mangent pas. Lorsqu’ils étaient sur la piste d’une truffe, on le laissait bien s’en imprégner, puis on ne le laissait pas aller jusqu’au bout de sa trouvaille et on lui prenait la truffe. Sa récompense était un petit bout de ce qu’il convoitait. Ainsi, l’animal continuait de rechercher l’objet de son désir.

    Pour les soirées d'hiver, Isabelle était toujours invitée dans une des famille du village. La jeune fille adorait ces réunions familiales qu’elle ne connaissait qu’avec ces gens simples et généreux. C’était des gens rustres, mais ils étaient très chaleureux avec l’adolescente, n’appréciant pas du tout le comportement du comte son père. Ils avaient une coutume qui se perpétrait depuis des siècles et que l'on appelait la bolée normande. Elle qui consistait à se réunir les soirs de froidure pour consommer une bonne bolée de cidre chaud de l’année précédente, accompagnée de délicieuses châtaignes gardées pour l'occasion, et que l'on faisait griller dans de grande poêles trouées que l’on mettait sur les cendres de chaque grande cheminée ou trônait en permanence une crémaillère. Le cidre doux et sucré à souhait, était également disposé sur le devant de l'âtre dans de très grands bols faits de terre cuite empilables. Il faisait bon se réunir au coin de ces grandes cheminées les soirs ou le froid mordait, qu’il pleuvait ou neigeait, tout en dégustant cette bonne boisson chaude traditionnelle. C’était une joie que d’apprécier le bon cidre chaud et sucré à souhait qui coulait dans la gorge, tout en dégustant des châtaignes grillées. Ces soirs là, il ne faisait pas bon laisser un chien dehors ni un chat, bien sûr ! C’est pourquoi la coutume voulait que l’on partage ces moments de sérénité autour de la cheminé familiale avec les chiens couchés devant l’âtre et les chats ronronnant entre leurs pattes. Les anciens aimaient raconter des histoires que les enfants, ainsi que la jeune comtesse, adoraient écouter. De temps à autre, c'est elle qui amenait des livres de contes pris dans la bibliothèque de château-neuf. Château-vieux avait aussi une grande bibliothèque que les châtelains successifs avaient délaissé, mais qui contenait des trésor très instructifs se rapportant à la littérature comme les fables de la fontaine et autres écrivains connus du dix huitième, dix neuvième et vingtième siècle. Isabelle lisait à la perfection et chacun écoutait avec beaucoup d'attention ses récits pendant que les paysans discutaient entre eux. Chaque année, à l’arrivé de l’automne, Isabelle aimait s'attarder sur les hauteurs ou les odeurs des foins lui parvenaient de la vallée. Le parfum des pommes tombées à terre et légèrement fermentées, mélangées à toutes sortes d'effluves provenant de multiples fleurs et fruits murs, exhalaient leurs essences enivrantes qui emplissaient ses jeunes poumons. 

    2

    sceau copyright

      


    1 commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique